Afghanistan : les talibans appellent Washington à "discuter" avant une conférence internationale

Les talibans afghans ont invité mardi les Américains à "discuter directement" avec leurs représentants au Qatar, une initiative surprenante après des mois d'escalade de la violence. Leur appel, posté sur leur site internet, intervient à la veille d'une conférence internationale pour la paix à Kaboul - à laquelle ils ne sont pas conviés - et lors de laquelle le président Ashraf Ghani promet de présenter "une plan de paix global".


C'est la première fois depuis plus de deux ans que les insurgés semblent disposés à des pourparlers pour mettre fin au conflit engagé depuis 2001 avec les Etats-Unis, dans la foulée d'une série d'attentats meurtriers visant les civils à Kaboul fin janvier.

Le gouvernement afghan a aussitôt remarqué qu'il "n'avait jamais refusé une quelconque offre de négocier". "Le bureau politique de l'Emirat islamique d'Afghanistan (appellation officielle du mouvement taliban, NDLR) appelle les responsables américains à discuter directement en vue d'une solution pacifique au problème afghan", écrivent les talibans, qui disposent depuis 2013 d'une représentation à Doha.

Depuis mars 2016, ils ont officiellement refusé toute participation à des pourparlers de paix, démenti tout contact et rejeté les offres de dialogue du gouvernement "tant qu'il ne sera pas mis fin à l’occupation étrangère" de l'Afghanistan, en référence aux milliers de soldats américains déployés dans le pays pour soutenir les forces afghanes.

- 'Marionnette' - Cet appel apparaît comme un nouveau camouflet pour le gouvernement afghan, quand celui-ci accueille mercredi la seconde conférence du "Processus de Kaboul", auquel participent notamment 25 pays de la région, dont l'Inde et le Pakistan - accusé de soutenir les insurgés -, les Etats-Unis et l'ONU, selon le ministère des Affaires étrangères.

"Ils vont évoquer les mécanismes de paix et la lutte contre le terrorisme", a indiqué le porte-parole du ministère, Ahmad Shekib Mustaghni, à l'AFP. La première réunion avait eu lieu en juin, sans résultat notable. Les talibans ne font aucune mention de cette conférence et proposent de traiter directement avec les Américains, ignorant le gouvernement afghan qu'ils ont toujours traité de "marionnette".

"Nous voulons parler directement avec les Etats-Unis parce qu'eux et nous sommes les vraies parties (du conflit)", a justifié un commandant taliban joint par l'AFP au Pakistan. "Alors asseyons-nous et parlons tranquillement, sans tiers, ni le Pakistan ni l'Afghanistan".

"Si l'Amérique est sincère, nos portes sont ouvertes et il (lui) suffit de contacter notre bureau au Qatar", a-t-il ajouté.

Les Talibans avaient déjà adressé il y a deux semaines une lettre ouverte au "peuple américain et au Congrès" pour expliquer que "la guerre n'est pas (leur) choix, mais (leur) est imposée" et réclamer une solution pacifique au conflit, dont ils avaient pointé le coût élevé pour "les contribuables américains". - 'Sincérité' - "Il doit maintenant être établi par les Américains et leurs alliés que la question afghane ne peut pas être résolue militairement", insistent-ils mardi.

"Les stratégies militaires testées depuis 17 ans ne feront qu'intensifier et prolonger la guerre. Et ce n'est dans l'intérêt de personne".

Les raisons de ce changement de stratégie restent difficiles à comprendre, alors que samedi dernier les talibans ont revendiqué trois opérations contre des bases militaires ou de la police afghanes, massacrant notamment 18 soldats dans leur sommeil à Farah, dans l'Ouest.

Fin janvier, leurs attentats visant Kaboul avaient fait plus de 130 morts et 250 blessés, en grande majorité civils.

Et sur le terrain, les combats font rage dans plusieurs provinces, dont Faryab, dans le Nord-ouest. En même temps, les forces américaines ont multiplié les raids aériens contre leurs camps d'entrainement et les laboratoires d'héroïne, afin d'assécher leur source de financement.

Et parallèlement, Afghans et Américains ont évoqué à plusieurs reprises l'hypothèse de fermer leur représentation à Doha. Pour l'analyste Abdul Bari, "cette récente escalade militaire et la pression des soutiens traditionnels au Pakistan sur les talibans les contraignent à discuter. Et ils redoutent que leur bureau au Qatar soit fermé s'il ne sert à rien".

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