Les dates clés de mai-68 à Dakar
Le livre "Mai 1968 au Sénégal" (336 pages), publié récemment chez Karthala par l’historien Omar Guèye, enseignant à l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, donne une chronologie des évènements qui ont marqué cette crise sociale, de mars à septembre 1968.
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12 mai :
L’Union des étudiants du Sénégal (UDES) tient une "journée d’études", en présence de 200 personnes – des professeurs et des étudiants. A cette occasion, elle dénonce "l’impérialisme français", "le pouvoir personnel" de Senghor, "l’absence de libertés démocratiques, la politisation de la Cour suprême et de la Radiodiffusion nationale…". Mais l’UDES proteste surtout contre la réduction annoncée des montants des bourses d’études.
24 mai :
Les étudiants réclament "des bourses entières pour tout le monde" et annoncent "une grève illimitée" à partir du 27 mai, ainsi que le boycott des examens. Une décision annoncée en dépit des menaces d’exclusion de l’université et de l’"incorporation immédiate dans l’armée" des étudiants qui seraient en grève.
27 mai :
La grève fut "totale" à l’Université de Dakar, où des piquets de grève sont déployés par les leaders de l’UDES pour empêcher leurs camarades et les enseignants d’entrer dans les facultés.
29 mai :
A l’"affrontement verbal’" succède "la violence physique", après l’expulsion du recteur, des professeurs et du personnel administratif par les étudiants. Le gouvernement donne l’ordre à un escadron de gendarmerie de "vider" le campus pédagogique et la résidence des étudiants. Des affrontements surviennent le même jour, entre étudiants et forces de l’ordre. Le gouvernement signale la mort d’un étudiant, mais l’UDES fait état de la mort de quatre étudiants. Le nombre des blessés s’élève à 69, selon le gouvernement. A l’opposé, l’UDES parle de 292 blessés. Les deux parties s’accordent cependant sur la mort de l’étudiant d’origine libanaise, Hanna Salomon Khoury, "tué par l’explosion d’un cocktail Molotov dont il était armé", sans savoir le "manipuler", selon la version officielle. Elle est démentie par les étudiants, qui disent que leur camarade a été victime d’"une grenade lacrymogène" des forces de l’ordre. Dans les jours suivants, un millier d’étudiants étrangers sont rapatriés dans leur pays, et 353 de leurs camarades sénégalais sont internés au camp Archinard de Dakar ou à Dodji, dans le centre du pays.
30 mai :
A 20 heures, s’exprimant à la Radiodiffusion nationale, le président de la République accuse "une poignée d’ambitieux déçus" et au service du "capitalisme international le plus rétrograde" d’être à l’origine des violences. Senghor fait part de sa détermination de "petit Sérère têtu" à défendre le Sénégal "contre toutes les entreprises de subversion", rapporte le professeur Omar Guèye. Il décrète l’état d’urgence.
31 mai :
L’Union régionale des syndicats du Cap-Vert (la région du Cap-Vert sera appelée Dakar plus tard, Ndlr) déclenche une grève générale et étend le mouvement aux villes de Thiès, Rufisque (ouest), Kaolack (centre) et Saint-Louis (nord). L’Union nationale des travailleurs du Sénégal, la principale centrale syndicale du pays, appelle ses militants à œuvrer à "la paralysie totale de l’économie du pays" et à "la prise du pouvoir par l’armée".
10 juin :
La crise connut "une pause", avec le recueillement et les hommages rendus par les protagonistes à Lamine Guèye, le président de l’Assemblée nationale, décédé ce jour-là. "Pour la première fois, après une longue période de troubles et d’affrontements, le pays retrouvait momentanément son unité et sa sérénité."
28 juin :
Dans une lettre adressée ce jour-là au nonce apostolique, le représentant de l’Eglise catholique au Sénégal, le président sénégalais lui demande de procéder, avant le 31 juillet, au rappel des Pères dominicains établis à Dakar. Il leur reproche d’avoir eu une attitude "hostile" envers son gouvernement au moment des troubles universitaires. Le différend entre le chef de l’Etat et les prêtres s’envenime et se répand dans les milieux diplomatiques. Il faut noter, selon Omar Guèye, que les dominicains au Sénégal sont dirigés par le Père Louis-Joseph Lebret, que le président considère comme un ami de Mamadou Dia, le chef du gouvernement sénégalais arrêté en décembre 1962, accusé de tentative de coup d’Etat et condamné en mai 1963 à la prison à perpétuité.
14 septembre :
Le gouvernement et les étudiants signent un accord, qui met fin aux troubles universitaires. A la suite de l’accord négocié par le ministre de l’Enseignement technique, Emile Badiane, avec les délégués de l’UDES, dont Mbaye Diack et Abdoulaye Bathily, Moctar Diack est libéré. Le seul étudiant emprisonné pour les violences de Mai-68 était inculpé pour "atteinte à la souveraineté de l’Etat". Il avait été arrêté en possession d’une "lettre ouverte" au président de la République, rédigée dans "des termes particulièrement offensants" pour le chef de l’Etat.
A l’instar d’autres pays du monde, le Sénégal célèbre le cinquantième anniversaire de la grève de Mai-68. A cet effet, un comité réunissant les acteurs, étudiants à l’époque, a été mis en place pour commémorer l’évènement.
Plusieurs commissions ont été mises en place pour une meilleure coordination des activités prévues dans le cadre du cinquantenaire des événements de Mai-68.
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