Crise politique au sein de la coalition au pouvoir en côte d'ivoire
A quelques mois d'élections locales et à deux ans de la présidentielle, une crise politique a éclaté au sein de la coalition au pouvoir en Côte d'Ivoire à l'occasion d'un remaniement ministériel, mais qui ne devrait pas aller jusqu'à la rupture, selon des analystes.
Le soir même du premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, mercredi, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), un des deux grands partis de la coalition au pouvoir, a révélé qu'il n'avait pas été consulté pour le choix des ministres, alors que le cabinet compte une douzaine de membres issus de ses rangs.
Le président du PDCI Henri Konan Bédié "n'a été ni consulté ni informé pour la formation de ce nouveau gouvernement". "Le PDCI marque son étonnement qu'Alassane Ouattara, président de la République de Côte d'Ivoire, élu comme candidat unique sous la bannière du RHDP, ait formé un gouvernement sans consulter le président" Bédié, a commenté le mouvement dans un communiqué.
Le président Ouattara avait pourtant réfuté toute tension dans la majorité, dans une déclaration devant le conseil des ministres.
"J'entends ici et là qu'il y a des tensions au niveau politiques, cela n'est pas vrai". "La Côte d'Ivoire a fait des progrès inimaginables au cours des sept dernières années, je demande que cela se poursuive dans l'union, et c'est ce qui justifie la composition de ce gouvernement", avait-t-il déclaré.
L'enjeu de la crise: le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et l'élection présidentielle de 2020.
Le RHDP est la coalition électorale formée depuis 2005 par le PDCI et le Rassemblement des Républicains (RDR), le parti de M. Ouattara. Ce dernier veut transformer le RHDP en un véritable parti politique, unifiant les deux formations, PDCI et RDR, avant le scrutin présidentiel de 2020.
Le PDCI refuse d'aller au parti unifié tant que le RDR ne s'engagera pas à soutenir un candidat unique issu du PDCI en 2020. En effet le PDCI a soutenu deux fois la candidature victorieuse d'Alassane Ouattara, aux élections présidentielles de 2010 et 2015, et il exige maintenant la réciprocité
- "Je t'aime moi non plus" -
Mais le RDR rechigne. Et Alassane Ouattara laisse même planer depuis quelques mois l'idée qu'il pourrait se représenter pour un troisième mandat.
Il a d'ailleurs déclaré mercredi qu'il donnerait des "indications plus précises sur (ses)ambitions futures" lors de son traditionnel discours à la Nation le 6 août, la veille de la fête nationale.
"On est maintenant clairement dans une crise ouverte" entre le PDCI et le RDR, estime le politologue Jean Alabro. "Il n'est pas dans les habitudes du PDCI de faire un communiqué. L'usage ivoirien est plutôt de dialoguer en coulisses".
"Il y a une crise au sein de la coalition, chacun veut maîtriser l'autre, mais personne ne veut prendre le risque d'une rupture", juge Ousmane Zina, enseignant-chercheur en science politiques à l'université de Bouaké. On envoie des piques et on attend la réponse de l'adversaire".
Le communiqué du PDCI marque en tout cas une escalade. A la veille de la dissolution du gouvernement le 3 juillet, une partie des ministres PDCI avaient lancé un courant dissident dans leur formation politique, se disant favorables au parti unifié.
Le lendemain, Henri Konan Bédié, ancien président ivoirien (1993-1999) avait publié une "note" au ton très sec, enjoignant "l'initiateur de ce mouvement et ses comparses (...) à se ressaisir pour préserver le PDCI des dérives opportunistes préjudiciables à sa cohésion".
Pour Pierre Dagbo Gode, professeur de sciences politiques à l'université Félix Houphouët Boigny d'Abidjan, le communiqué de mercredi montre "une saute d'humeur du PDCI" plutôt qu'une crise. "La stratégie du PDCI c'est +je t'aime moi non plus+: les deux partis sont dans un système d'enchères, mais ils ne sont pas prêts à une rupture radicale".
"La vraie crise serait la sortie du PDCI du RHDP", estime M. Zina. "Mais le RDR veut maintenir l'idée que le PDCI est toujours dans le RHDP. Aucun des deux ne peut gagner les élections seul", rappelle M. Alabro.
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