Le chef de l'opposition au Zimbabwe a jeté mercredi un pavé dans la mare à moins d'une semaine des premières élections de l'après Robert Mugabe, en avertissant qu'elles seraient, à ses yeux, très vraisemblablement entachées de fraudes.
Le scrutin du 30 juillet "se présente de telle façon qu'il devrait être considéré comme biaisé", a lancé le président du Mouvement pour un changement démocratique (MDC) Nelson Chamisa lors d'une conférence de presse à Harare.
Malgré son constat, M. Chamisa a toutefois écarté l'idée de boycotter les élections. "Les vainqueurs ne boycottent pas. La victoire est inévitable", a plaidé le patron du MDC. Le président sortant Emmerson "Mnangagwa sait que la défaite lui pend au nez. On va se rendre en nombre aux urnes et le battre".
Les élections du 30 juillet sont les premières organisées au Zimbabwe depuis la démission en novembre dernier de Robert Mugabe, qui régnait d'une poigne de fer sur le pays depuis son indépendance en 1980.
Aujourd'hui âgé de 94 ans, le vieil autocrate a été poussé vers la sortie par l'armée et le parti au pouvoir, la Zanu-PF, qui ont refusé que sa fantasque et ambitieuse épouse Grace Mugabe lui succède le temps venu.
Installé au pouvoir par les militaires, l'ancien vice-président Mnangagwa a depuis tiré un trait sur son passé de cacique de l'ancien régime et promis de rétablir la démocratie et de remettre sur le rails l'économie du pays, sortie exsangue des trente-sept ans de l'ère Mugabe.
Il a également promis des élections libres, honnêtes et transparentes, à rebours des fraudes et des violences qui ont largement entaché les scrutins précédents.
Mais l'opposition refuse de le croire et dénonce depuis déjà des semaines des irrégularités dans la préparation du vote.
Mercredi, Nelson Chamisa a ainsi mis en cause "l'arrogance" de la commission électorale zimbabwéenne (ZEC) qui "a choisi de ne pas jouer le jeu de la transparence".
- 'Partiale' -
"Il est évident que la ZEC (commission électorale) est partiale (...) La ZEC a choisi de jeter le sifflet de l'arbitre et de soutenir l'équipe d'Emmerson Mnangagwa", a dénoncé le principal candidat de l'opposition à la présidentielle.
"A ce stade avancé, on ne sait toujours pas combien de bulletins ont été imprimés, ni où ils ont été imprimés (...) Il y a eu une négation systématique des standards internationaux en matière de divulgation du matériel électoral", a-t-il ajouté.
M. Chamisa s'est aussi indigné de l'utilisation des médias d'Etat par son rival Mnangagwa, ainsi que de distributions de nourriture par le parti au pouvoir.
A l'opposé, le ministre des Affaires étrangères Sibusiso Moyo s'est réjoui du climat apaisé de la campagne électorale.
"Nous sommes en train de vivre une période électorale d'un calme sans précédent", a dit M. Moyo à la presse étrangère, démentant toute forme de coercition sur les électeurs.
"Ce pays est un géant endormi, il a l'occasion de reprendre confiance et cette confiance ne peut s'acquérir que par une élection pacifique, libre et honnête", a-t-il insisté.
Pour la première fois depuis seize ans, des observateurs occidentaux, notamment l'Union européenne (UE) et le Commonwealth, ont été invités à surveiller le bon déroulement du scrutin dans tout le pays.
Sur place depuis plusieurs semaines, leurs missions n'ont pas encore émis d'avis sur les opérations pré-électorales.
Mais mardi, le Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a tiré la sonnette d'alarme en "intimidations" et des "menaces de violences et de harcèlement" d'électeurs.
Il a appelé "les autorités, les partis politiques et leurs partisans" à s'assurer que "les élections ne soient pas entachées de tels actes afin que tous les Zimbabwéens puissent participer, sans peur, à un processus électoral crédible".
M. Mnangagwa, 75 ans, est donné favori du scrutin présidentiel devant M. Chamisa, même si l'écart entre les deux rivaux s'est réduit, selon un récent sondage du groupe Afrobarometer.