Harcèlement sexuel, violences sexuelles : comment réagir ?
Sortir du silence, dénoncer la violence subie, l’impunité des agresseurs… Depuis l’affaire Weinstein et les hashtags #balancetonporc ou #MeToo, les femmes témoignent sur les réseaux sociaux du harcèlement sexuel subi dans la rue, au travail… Mais que faire lorsque l’on est victime de ces violences sexistes ? Les conseils de nos experts.
Nous avons choisi des situations emblématiques des violences faites aux femmes, publiées sur#balancetonporc, et nous avons demandé à nos experts comment faire face à chacun de ces comportements.
Harcèlement sexuel au travail : blagues ou mails salaces, attouchements…
La situation type : « Un réd chef, grande radio, petit couloir, m’attrapant par la gorge : “Un jour, je vais te baiser, que tu le veuilles ou non” »
« Entendre des actrices dénoncer des situations qu’elles vivent, elles aussi, dans leur quotidien a encouragé des femmes qui n’ont pas été entendues ou subissent des pressions ou des menaces à s’exprimer », dit Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire traumatique et Victimologie. Si elles parlent, elles risquent de se voir refuser une promotion, d’être licenciées ou poussées à la démission. L’AVFT (Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail) a enregistré que, dans 95 % des cas, celles qui dénoncent les faits perdent leur travail.
« Les blagues salaces, l’exposition à des mails ou images pornos, les attouchements, souvent répétitifs, peuvent aussi conduire à des dépressions, des soucis de santé, qui font que la priorité des victimes est de sauver leur peau », ajoute Muriel Salmona, auteur du manifeste Stop à l’impunité des crimes sexuels.
Marilyn Baldeck, secrétaire générale de l’AVFT, souligne l’importance de se faire confiance. « Si un geste ou un comportement vous met mal à l’aise, réagissez le plus clairement possible : “Ce comportement est déplacé, je vous prie de ne pas recommencer”. Envoyez un mail dès la deuxième fois, pour avoir une trace datée si cela continue. »
Que faire si l’on est harcelée sexuellement au travail ?
- Gardez tous les mails, SMS, messages vocaux échangés avec le harceleur, et ne les effacez pas, même si cela vous dégoûte. Un enregistrement vocal peut même être pris en compte au pénal. Ne pas les conserver dans l’entreprise.
- Tenez un journal au fur et à mesure, consignant les faits et les conséquences sur votre vie et votre travail : promotions manquées, arrêts de travail, missions confiées à quelqu’un d’autre. Cela servira de base à l’enquête.
- Alertez votre médecin, la médecine du travail, l’Inspection du travail, les délégués du personnel, les ressources humaines. Plus vous laissez de traces, plus on vous croira.
- Prenez conseil auprès d’un avocat, d’une association comme l’AVFT ou du Défenseur des droits, pour décider de la stratégie à suivre. Nombre de situations décrites sur twitter sont en effet des situations de harcèlement caractérisé. « Souvent, dans ces dossiers, l’agresseur est en érection, c’est une agression sexuelle, explique Marilyn Baldeck. Tout comme les baisers forcés. S’il y a répétition de blagues salaces, ou exposition forcée à des images porno, on est aussi dans le harcèlement sexuel. »
Frotteurs et agressions sexuelles dans les transports en commun
La situation type : « Un frotteur dans le bus à 15 ans. Merci à cette dame ayant fait semblant d’être ma mère en voyant mon prénom sur mon bracelet. »
« Lorsqu’on subit des agressions sexuelles dans les transports, on essaie de se convaincre que “Bah, ce n’est pas si grave”, mais ce n’est pas anodin, explique Muriel Salmona. Cela traumatise de façon régulière, cela rend l’espace public peu sûr pour les femmes et leur renvoie une image dégradée d’elles-mêmes comme si elles étaient des objets. La stratégie de l’agresseur étant bien de les humilier, de les soumettre et de leur dénier leur dignité. Si elles se disent que ce n’est pas si grave, c’est d’une part parce que l’agresseur, un inconnu, n’a pas de moyen de pression ou de menaces sur elles, mais aussi parce qu’elles savent qu’il y a pire. »
Que répondre à un harceleur ? « Sur le moment, dire “Non” ou “Stop” de manière claire et forte, s’éloigner, rejoindre d’autres passagers et demander de l’aide, mais parfois on n’y arrive pas, on est terrorisée et sidérée et c’est une réaction normale, explique Muriel Salmona. Ne pas hésiter à actionner l’appel aux bornes d’urgence ou composer le 17. La vidéosurveillance permet, dans 50 % des cas signalés, de retrouver l’agresseur. »
De la difficulté de porter plainte pour harcèlement sexuel
La situation type : « “Vous devriez porter plainte au lieu de parler sur twitter”. On a porté plainte. Il a écopé d’un non-lieu. Fermez-la. »
La violence dénoncée est aussi celle de la justice : du médecin qui refuse de faire un certificat médical constatant l’agression, du policier qui refuse de prendre la plainte… 10 % seulement des victimes de violences sexuelles portent plainte. Parmi ces plaintes, 70 % sont classées sans suite.
« Et 15 à 20 % sont déqualifiées de viol en agression sexuelle ou en atteinte sexuelle supposant qu’elles étaient consentantes, précise Muriel Salmona. Quelque 80 % des victimes vivent la procédure judiciaire comme maltraitante. C’est intolérable. On peut demander des comptes à l’État, car rien n’est fait pour que les victimes puissent exercer leur doit à porter plainte, à être protégées, à obtenir justice et réparation. »
Et Marilyn Baldeck d’ajouter : « harcèlement au travail, les victimes ont plus intérêt à porter plainte, non contre l’agresseur mais contre l’employeur aux Prud’hommes. L’avantage : cela permet d’obtenir des dommages et intérêts. »
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