Quand Bédié franchit le Rubicon ça donne : "Railleries, sarcasmes, lazzis, attaques gratuites contre les Houphouétistes"


Le samedi 26 janvier 2019, recevant les jeunes de son parti à Daoukro, le président Henri Konan Bédié a traité ses ex-alliés du RHDP ‘’de fils adultérins’’ d’Houphouët-Boigny, avant de prononcer des mots peu amènes sur la mobilisation au 1er Congrès de la coalition.

‘Ils ont pour bagages du pain, de la sardine, des chiffons pour faire du nombre’’, a raillé, en substance, Henri Konan Bédié, parlant de la mobilisation monstre des militants du RHDP, samedi 26 janvier 2019, au stade Félix Houphouet-Boigny. Mais, il ne s’est pas arrêté là, puisque, très en verve, il a traité ses ex-alliés de ‘’fils adultérins’’ du père de la Nation. On est visiblement face à des outrances justifiées, semble-t-il, par la grande mobilisation des militants du RHDP. 
Une occurrence qui a fait perdre à l’ancien président toute retenue. C’est regrettable. Il avait très certainement espéré que le 1er Congrès ordinaire du RGHDP soit un bide. Il a d’ailleurs tout fait pour qu’il en soit ainsi. C’est le sens de la cérémonie qu’il a fait organiser le même jour que le 1er Congrès ordinaire de la coalition au pouvoir et qui ressemble à une contre-manifestation. Sinon,  comment expliquer que le PDCI version Bédié décide d’organiser  cette manifestation à quelques heures de la grand’messe du RHDP. Pour le coup, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond au PDCI. Car, il y a longtemps que la coalition au pouvoir a annoncé la date de son congrès.
Dès lors, on peut difficilement parler de coïncidence. Il est donc évident que le vieux parti a voulu, par cette initiative dont le caractère mesquin le dispute à la sordidité, saboter la cérémonie du RHDP en distrayant ceux des militants PDCI qui auraient bien voulu se rendre au Félicia. Comme s’il y avait des doutes sur la sincérité de certains. 
Malgré tout, la mobilisation a battu des records à Abidjan. Toute chose qui semble avoir fait perdre le nord à l’octogénaire qui a rué dans les brancards, en injuriant et en couvrant ses ex-alliés de sarcasmes et de lazzis. Mais, ne dit-on pas que l’injure est l’argument de ceux qui sont à cours d’arguments ? Bédié l’a démontré samedi dernier sur ses terres. Pendant ce temps, au stade Félix Houphouët-Boigny, son cadet et ex plus sûr partenaire politique tenait un discours plutôt rassembleur,  sans la moindre allusion désobligeante à ce qui était en train de se passer à Daoukro.

Mais, ne dit-on pas que l’injure est l’argument de ceux qui n’en ont pas

Quelle mouche a donc piqué N’Zueba ? Passe qu’il minimise la mobilisation des militants de l’autre côté, c’est dans l’ordre normal des choses, mais qu’il qualifie le président Alassane Ouattara et les autres de ‘’fils adultérins’’ du président Houphouët est proprement scandaleux. De toute évidence, il a franchi le rubicon. Tout se passe comme s’il était désormais dans une logique guerrière. 
Pour le dépositaire de l’houphouétisme qu’il prétend être,  lui le ‘’fils légitime et légataire universel’’, cela fait désordre. Pour ceux qui en doutaient encore, il vient d’apporter la preuve irréfragable qu’il n’est pas un Houphouétiste. C’est une imposture que la formation du RHDP, à Paris, en mai 2005, avait recouvert d’un voile pudique, puisqu’il semblait s’être racheté une conduite après les errements et les travers qui ont marqué sa gouvernance (1993-1999). Malgré  l’ivoirité, ce concept  douteux qu’il avait promu pour disqualifier politiquement Alassane Ouattara, après la formation du RHDP,  les uns et les autres lui avaient pardonné ses outrances (il avait, entre autres, lancé un mandat d’arrêt contre son ancien opposant Alassane Ouattara et mis toute la direction du RDR en prison). 
Il bénéficiait d’un retour en grâce, ‘’blanchi’’ par les retrouvailles solennelles des héritiers du père de la Nation. Il faisait donc figure de sage et incarnait la figure tutélaire du patriarche. Pour preuve, le président Ouattara le consultait pour chaque grande décision qui engageait la vie de la Nation. Au point où certains l’appelaient le ‘’PCA’’ de la Côte d’Ivoire, le Chef de l’Etat en étant le ‘’DG’’.
Les deux cogéraient donc les affaires de l’Etat et Bédié ne manquait aucune occasion pour couvrir son cadet de dithyrambe, lui donnant le titre mélioratif de ‘’bâtisseur des temps modernes’’, une sorte de Prométhée à qui la Côte d’Ivoire devait sa renaissance et son rayonnement. Puis, patatras, comme un château de cartes, tout cela s’est écroulé un matin du 08 août 2018, lorsqu’au sortir d’une audience somme toute banale, Bédié mis un terme à sa collaboration en retirant, sans autre forme de procès, le PDCI du RHDP. 
Cela produisit l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Mais, le vin était tiré et il le fallait boire. Et depuis, le Sphinx de Daoukro semble avoir mangé du lion. Il est visiblement prêt à tous les outrages et à tous les extrêmes. Prêt à mener ce qui ressemble au dernier combat de sa vie. Le hic, c’est qu’il offre dorénavant l’image d’un homme dépourvu de sagesse, aveuglé par les ressentiments et les rancœurs. A force,  l’on a le désagréable sentiment qu’il a repris le combat contre Ouattara l’a où il l’avait laissé. On revoit donc comme dans un remake de cette période trouble, le Bédié des années 1990.

On a le désagréable sentiment qu’il a repris le combat contre Ouattara…

Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on. La preuve par N’Zueba. Des années de faux-semblant et de ‘’port de cagoule’’ ne l’ont guère changé. Il réapparait tel qu’en lui-même : sarcastique, méprisant, cassant, rancunier, haineux. 
En dépit des années qui ont passé, il n’a toujours pas pardonné à Alassane Ouattara d’avoir voulu lui ravir le fauteuil présidentiel. Et moins encore de constituer un obstacle à son ultime ambition, reconquérir le pouvoir en 2020, pour laver ce qu’il a toujours vécu comme une insupportable avanie, le coup d’Etat du 24 décembre 1999. Car, c’est de cela qu’il s’agit, in fine. 
Le retrait du PDCI du RHDP, la campagne de diabolisation du régime dont il dit pis que pendre, participent de cette logique. Il veut redevenir Calife à la place du Calife. Et peu lui chaut qu’il ait passé l’âge. 
Egotiste, il n’a jamais vraiment pensé qu’à ses intérêts. Et on ne change pas à son âge. Pour preuve, au PDCI, la seule personne dont il fait la promotion, c’est lui-même, véritable deus ex-machina, dispensateur des biens et des honneursau sein du parti septuagénaire. 
Et pour bien montrer le sens de son combat, il a fait revenir à ‘’la vie’’ et en première ligne celui qui passait pour son ‘’cerbère’’, Emile Constant Bombet, ennemi ‘’atavique’’ du président Alassane Ouattara à qui il fit des misères jadis. Qu’attendre désormais de Bédié dont chacun connait le caractère obstiné jusqu’à l’entêtement ?
Il est dans sa bulle et rien, ni personne ne pourra lui faire comprendre qu’il mène un impossible combat. Et, surtout que l’âge qu’il a commande de sa part une certaine exemplarité et une distanciation qui doivent le mettre hors de portée des attaques partisanes. 
Autant pisser dans un entonnoir. Dommage ! Il avait presque réussi à se tailler un costume de ‘’père de la Nation’’ en dépit de son passé, mais il vient de descendre lui-même de ce piédestal. Tiré vers le bas par sa nature vindicative.

Ambroise Tiétié
Journaliste Professionnel
au Rassemblement. 

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