La réalisatrice sénégalaise Katy Léna
Ndiaye, déjà auteure de deux films, revient avec un nouveau long métrage
documentaire dressant un "portrait intime" du rappeur burkinabè
Smockey, de son vrai nom Serges Bambara.
Intitulé "On a le temps pour nous", ce documentaire a été projeté en avant-première mondiale, lundi soir, à Ouagadougou, dans le cadre du cinquantenaire du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) dont l’édition 2019, ouverte dimanche, se poursuivra jusqu’au 2 mars prochain.
Dans son film, Katy Léna Ndiaye suit le parcours engagé de l’artiste
membre du mouvement "Le balai citoyen", un des artisans du changement
ayant précipité le départ du pouvoir de l’ex-président burkinabè Blaise
Compaoré le 31 octobre 2014, après 27 ans de règne.
La réalisatrice suit au quotidien le chanteur pour comprendre "cette
insurrection" et la génération de jeunes burkinabè qui se sont levés
pour dire "Y’ en en marre" au pouvoir depuis 1987, suite à un coup
d’État contre Thomas Sankara.
Elle choisit de filmer de près son personnage, de permanence sur le
mode gros plan, pour capter certes ses messages, sa voix, mais aussi
pour mieux rendre compte de la détermination de Smockey, une qualité
acquise par le rappeur depuis son jeune âge.
Katy Léna Ndiaye reste ainsi constante dans sa manière de filmer de
près ses personnages comme dans ses précédents films, "Traces empreintes
de femmes" et "En attendant les hommes".
La caméra le suit comme sur un ring de boxe, sur le terrain de la
musique pendant des concerts ou au studio d’enregistrement, pendant
l’écriture de ses textes et même sur les planches pendant une prestation
théâtrale.
La journaliste de formation suit également son héros de rappeur dans
l’arène politique, un autre domaine que Smockey a investi pour faire
prospérer ses idées.
Katy Léna Ndiaye veut de cette manière mieux comprendre l’engagement
culturel et politique du rappeur, symbolisé par la détermination de la
jeune génération de citoyens burkinabè qui "ne cherche qu’à faire
respecter les choses, à pousser les politiques sur les chemins de la
bonne gouvernance".
"On a le temps pour nous" permet de faire davantage connaissance avec
le rappeur qui se veut fidèle à la pensée révolutionnaire de Thomas
Sankara, l’ex-président du Burkina Faso assassiné en 1987 par son frère
d’arme Blaise Compaoré, mais aussi de Norbert Zongo, journaliste
d’investigation assassiné en 1998.
Il porte aussi cet héritage culturel légué par le Nigérian Féla Kuti,
le Bembeya Jazz de Conakry, entre autres groupes culturels emblématiques
du continent africain. Un engagement acquis par le rappeur dès le bas
âge, au sein du cercle familial où il a commencé à se forger un
"caractère d’homme de refus".
"On n’est pas dans une idolâtrie du personnage, mais il a le sentiment
d’avoir une responsabilité", explique Katy Léna Ndiaye, présentatrice
des émissions "Reflets Sud" et "Afrique plurielle" sur Tv5 Monde et la
Radiotélévision belge française (RTBF), de 2000 à 2018.
Smockey, "sceptique" au début pour faire ce film, s’est ensuite laissé
"embarquer volontairement dans cette expérience inédite", dont le
tournage a duré plus d’un an, de août 2016 à mars 2018 entre le Burkina
Faso et la Belgique.
La réalisatrice espère ainsi lever un coin du voile sur la
trajectoire et le quotidien de plusieurs artistes engagés dans la
promotion de la citoyenneté en Afrique, de Didier Awadi à Maréchal
Zongo, en passant par Smockey bien sûr.