Environnement, santé, politique… le changement d’heure sert-il à quelque chose ?

Environnement, santé, politique… le changement d’heure sert-il à quelque chose ?
La France s'apprête à passer à l'heure d'hiver dans la nuit du 27 au 28 octobre 2018. Mais pourquoi change-t-on d'heure ? Dans quel sens ? Pourquoi parler d'heure d'été et d'heure d'hiver ? Quels sont les effets sur l'environnement et notre santé ? Toutes ces questions trouvent leur réponse dans notre article.


Si vous avez un avion ou un train à prendre le 28 octobre 2018, attention à votre montre : la France changera d’heure dans la nuit précédente. Dans quel sens ? À quoi cela sert-il exactement ? Le changement d’heure a-t-il un véritable impact sur l’environnement ? N’est-il pas plus néfaste qu’autre chose pour la santé ?

Réponse à ces questions en six étapes, pour aborder le week-end des 27 et 28 octobre avec sérénité.

On avance ou on recule ?

Dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 octobre 2018, le passage à l’heure d’hiver aura lieu à 3 heures. À ce moment-là, il sera 2 heures. Cela signifie que nous allons reculer d’une heure.

Si vous n’arrivez jamais à vous rappeler dans quel sens il faut passer à l’heure d’hiver ou d’été, vous pouvez utiliser ce moyen mnémotechnique : en octobRE, l’heure REcule.

Et en mArs, on Avance. En anglais, c’est plus simple : ils n’évoquent que le « Daylight Saving Time », soit l’heure d’été, qui est celle qui est décalée par rapport au fuseau horaire. Le retour à l’heure d’hiver est ainsi un retour à « l’heure normale ».

En octobre, l’heure recule. // Source : Pxhere/CC0 photo recadrée

Pourquoi change-t-on d’heure ?

« L’objectif du changement d’heure est principalement de faire correspondre aux mieux les heures d’activité avec les heures d’ensoleillement pour limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel », peut-on lire sur le site de l’administration française.

L’idée de décaler les heures en France pour réaliser des économies d’énergies date de la fin du 18e siècle : Benjamin Franklin en parle dans Le Journal de Paris en 1784, sur un ton difficile à discerner, entre une réelle volonté de faire des économies (de bougie) et une manière malicieuse de se moquer des Français paresseux qui ne voyaient, d’après lui, jamais le soleil avant midi. L’heure d’été est adoptée en 1917, avant d’être abandonnée en 1945.


L’heure d’été est rétablie en 1976 : cette décision fait suite au choc pétrolier de 1973. À ce moment-là, l’idée est de réaliser des économies d’énergie (utilisation du fioul dans les centrales thermiques), car le changement d’heure est censé permettre de réduire l’éclairage le soir : il s’agissait alors d’une mesure provisoire.

En 1998, le changement d’heure a été harmonisé dans l’UE. // Source : Pxhere/CC0 photo recadrée
Alors que le changement d’heure estival vient d’être instauré dans l’Union européenne, une harmonisation a lieu en 1998 : le Parlement européen et le Conseil de l’UE font en sorte que les dates coïncident afin de faciliter les échanges internes à l’union. Dans chaque pays membre, le passage à l’heure d’hiver a lieu le dernier dimanche d’octobre et celui à l’heure d’été a lieu le dernier dimanche de mars.

Tous les pays changent-ils d’heure ?

Le changement d’heure n’est pas mis en œuvre à l’échelle mondiale : seuls 70 pays l’ont instauré — il n’y a pas l’Arabie Saoudite, le Venezuela et l’Indonésie, par exemple. Outre l’Union européenne, plusieurs pays de l’hémisphère nord ont adopté le changement d’heure comme les États-Unis, le Canada ou le Mexique — ceux-ci passent à l’heure d’été à des dates proches de l’UE.

Aux Bahamas, dans les Bermudes, à Cuba et au Groenland, c’est lors du deuxième dimanche du mois de mars que l’heure d’été est adoptée. Le passage à l’heure d’hiver a lieu, comme chez nous, le dernier dimanche d’octobre.

La Palestine, l’Iran, Israël, la Jordanie, la Syrie, le Liban et le Maroc appliquent aussi l’heure d’été, qui est instaurée à des dates choisies par chaque pays.


Dans l’hémisphère sud, le changement d’heure a lieu dans certains territoires de l’Australie, plusieurs États brésiliens, au Chili, en Nouvelle-Zélande, au Paraguay et en Uruguay.

En bleu : les pays qui observent l’heure d’été. En orange : ceux qui l’ont observé un jour. En rouge : ceux qui ne l’ont jamais observé. // Source : Wikimedia/CC/Paul Eggert
Plusieurs pays ont un jour mis en œuvre un changement d’heure avant de l’abandonner : c’est par exemple le cas de l’Argentine (en 2009), de la Russie (2011), de l’Arménie (2012) ou de la Namibie (2017)

Quel est l’impact sur l’environnement ?

Le changement d’heure a-t-il un véritable impact écologique ? Si l’on en croit le ministère de la transition écologique et solidaire, le changement d’heure a permis d’économiser 440 GWh (gigawatt-heure) en éclairage au cours de l’année 2009.

Cela équivaut à la consommation d’environ 800 000 ménages sur un an. Le ministère ajoute que la France a évité d’émettre 44 000 tonnes de CO2 et projette que « la réduction globale des émissions dues au changement d’heure pourrait être de 70 000 à 100 000 tonnes de CO2. »

Des gains marginaux

Le ministère reprend les résultats de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui a publié en 2015 une étude lancée 5 ans plus tôt pour estimer les impacts du changement d’heure.

Or, comme le soulignent nos confrères du Figaro, les gains d’électricité ont diminué au cours des dernières années, en passant à 351 GWh. Les détracteurs du changement d’heure voient dans cette baisse de l’impact énergétique une raison d’en finir avec cette mesure.

En 2017, le Service de recherche du Parlement européen a fourni l’une de ses analyses sur le sujet : le document mentionne les économies d’énergies, mais nuance leur portée qui reste « marginale ». 

D’autres études ont été réalisées plus localement et tendent à confirmer l’impact négligeable du changement d’heure à notre époque : le gain côté lumière devient une consommation accrue côté chauffage ou climatisation. Une corrélation minime a été trouvée entre le passage à « l’heure d’hiver » et l’augmentation des accidents de la route la semaine qui suit.


Il existe d’ailleurs plusieurs articles qui plaident pour officialiser l’heure d’été en tant qu’heure officielle.

Les économies d’énergies sont réelles, mais marginales. // Source : Pixabay/CC0 photo recadrée

Quels sont les impacts sur la santé ?

Le passage à l’heure d’été ou à l’heure d’hiver n’est pas anodin pour notre organisme. C’est particulièrement vrai dans le premier cas : le manque de sommeil peut entraîner « une chute de l’attention, occasionner de la somnolence, de la nervosité ou dégrader l’humeur », comme l’explique Véronique Fabre, enseignante chercheuse au sein de l’INSERM.

Le sommeil, déjà perturbé par les écrans d’ordinateurs et smartphones, n’est pas aidé par ces changements d’heures qui perturbent nos différents rythmes biologiques, c’est-à-dire la manière dont nos fonctions physiologiques varient : cela concerne par exemple la pression artérielle, le rythme cardiaque ou la température du corps.

Ce 28 octobre, nous aurons bien « gagné » une heure de sommeil. Pourtant, cela n’est pas très réjouissant pour notre organisme : il n’a pas besoin de dormir une heure supplémentaire à ce moment-là. Vous risquez donc de vous lever plus tôt le dimanche matin, d’avoir également faim avant votre heure habituelle, et de vous assoupir plus tôt le soir.

Cela dit, tout cela reste à nuancer : la Commission européenne estime que « Les éléments de preuve concernant les effets globaux sur la santé (c’est-à-dire la mise en balance des effets négatifs et positifs présumés) ne sont pas concluants  ».

Cela a-t-il encore un sens en 2018 ?

En août 2018, la Commission européenne a évoqué l’idée de supprimer le passage à l’heure d’été et à l’heure d’hiver. Lors d’une consultation citoyenne « des millions de personnes ont répondu et sont d’avis qu’à l’avenir c’est l’heure d’été qui devrait être tout le temps la règle », comme l’expliquait le président de la commission Jean-Claude Juncker.

La proposition, présentée devant les eurodéputés, mettrait fin au changement d’heure en 2019. Le texte prévoit que chaque État devra informer la Commission de son choix, à savoir d’appliquer de manière permanente l’heure d’été ou l’heure d’hiver, au plus tard en avril de l’année prochaine. Il faudra donc qu’elle soit votée en mars 2019.

Le 29 octobre 2018, les ministres européens des transports se sont réunis en Autriche pour discuter, de façon informelle, sur la proposition présentée par la Commission. La fin du changement d’heure pourrait être repoussée à 2021, une échéance qu’ils estiment préférable pour assurer une meilleure coordination entre les États membres.


Depuis l’instauration du changement d’heure, les modes de consommation ont évolué. Avec l’utilisation de l’éclairage basse consommation, il semble légitime de s’interroger sur la pertinence de cette mesure — surtout à l’heure où d’autres semblent plus immédiates et efficaces, comme le recyclage ou la lutte contre le gaspillage alimentaire.

D’autres mesures peuvent sembler plus efficaces. // Source : Pixabay/CC0 photo recadrée

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