Découverte - Camp Pénale de Liberté 6 : Visite guidée d’une geôle hyper sécurisée

Découverte - Camp Pénale de Liberté 6 : Visite guidée d’une geôle hyper sécurisée
Le Camp pénal de Liberté 6 est réputé être le lieu de privation des libertés où il y a moins de problèmes, car accueillant moins de prisonniers. ‘’EnQuête’’ a profité de la visite du Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans cette prison, ce mercredi, pour plonger ses lecteurs au cœur de cette geôle hyper sécurisée, à travers une visite guidée. Reportage.

En cette matinée de mercredi, lendemain de quelques averses tombées la nuit, le temps est clément à Liberté 6. La commune accueille l’une des plus célèbres prisons du pays : le Camp pénal. Le pénitencier accueille, ce matin, le tout nouveau ministre de la Justice. De prime abord, les mesures sécuritaires prises frappent le visiteur. A droite de l’entrée, se trouve le poste de contrôle.

A gauche, une grande cour aménagée, avec des haut-parleurs disséminés à des endroits stratégiques, sert de lieu d’attente aux visiteurs, le temps qu’on leur permette de rencontrer leur proche dans les liens de la détention. Il y a de grands arbres qui semblent vous souhaiter la bienvenue.
Plus à l’ombre, on aperçoit des bagnards en un groupe de moins de 10 personnes en train de s’activer à la préparation du menu du jour : du ‘’thiébou dieun’’ (riz au poisson), notre plat national. On peut voir une bassine remplie d’aubergines. A côté, des prisonniers en sueur enlèvent les arêtes des poissons. Un coup d’œil permet d’apercevoir un magasin où sont stockés les aliments : huile, riz, oignon... 

Presque à l’opposé de ce groupe, se trouve un grand bâti servant d’atelier artisanal. A l’intérieur, d’autres prisonniers sont en train de s’activer à la confection de chaussures, de meubles, d’œuvres d’art. Non loin, il y a une salle accueillant un groupe de 10 individus en train de recevoir des cours en informatique. A droite, deux personnes sont en train de s’activer à la réparation de postes téléviseurs.

Le colonel Adama Diop, Directeur de l’Administration pénitentiaire, prend la parole pour éclairer la lanterne des visiteurs du jour : ‘’Ils sont tous en lien de détention. Les œuvres confectionnées, ils les vendent sur commande. Grace à eux, pas mal de nos appareils qui sont en panne ici sont réparés. Les fauteuils que vous voyez sont faits avec des cordes. C’est une technique que les gens d’ailleurs ne maitrisent pas. Ils utilisent des aliments que nous consommons pour en faire de vraies œuvres d’art.’’
La visite se poursuit. Un tour est fait au parloir, à la salle des avocats, à l’infirmerie, à la galerie de l’insertion, au poste de police et au quartier spécial. Ce dernier lieu est l’endroit où sont logés les prisonniers spéciaux ou le quartier de haute sécurité (QHS). 
‘’C’est quoi une prisonnier spécial, mon colonel ?’’, demande un journaliste. La réponse fuse : ‘’C’est un prisonnier spécial, en tout cas. Retenez cela et mettez-y tout ce dont vous avez envie de mettre’’, élude le patron de l’Administration pénitentiaire, sourire aux lèvres.
Au moment de procéder à la visite des liens de détention, il y a un blocage. ‘’Montrez aux journalistes le couloir, mais ils ne peuvent pas accéder aux lieux où sont les détenus. On doit préserver leur liberté d’image’’, lance un gradé. Ainsi, les professionnels de l’information sont priés de rebrousser chemin. 
‘’Vous n’avez pas le droit de dépasser ce stade. Comprenez-nous’’, déclare un garde pénitentiaire à la force herculéenne. ‘’Ne vous fatiguez pas, ici, les téléphones portables n’ont pas de réseau’’, ajoute-t-il à l’endroit d’un visiteur qui manipule son cellulaire. Ayant fait partie des premiers à s’engouffrer, nous avons eu le temps d’apercevoir un prisonnier avec une longue barbe, tenant à la main un petit livre.
QHS
Le QHS est un bâtiment spécial avec une dizaine de cellules flambant neuves, peintes en jaune avec des fils barbelés sur le faîte des murs. Sur le toit, on aperçoit un agent encagoulé, lourdement armé. L’on confie que c’est ainsi 24 heures sur 24. 
Car le quartier accueille des personnes accusées de terrorisme ou des condamnés pour des crimes graves. Mais pas seulement, puisque les lieux accueillent aussi une grande personnalité religieuse originaire de l’intérieur du pays qui y est incarcéré, en attendant son jugement. 
Ce QHS existe au Sénégal depuis un certain temps, même si le grand public l’ignore. Mais toujours les mêmes interdictions. Il est clair que les journalistes ne sont pas les bienvenus ici. ‘’Désolé, vous ne pouvez pas entrer ici. Allez les attendre là-bas’’, ne cessent de répéter les gardes devant des reporters ronchons. Sécurité oblige.
C’est rempli de frustration qu’ils font cap vers le centre social et ses différentes spécialisations. La galerie de réinsertion est un grand bâtiment où on peut voir des boubous déjà confectionnés, des sacs pour femmes, des chaussures, des fauteuils. ‘’C’est ici où l’on vend les produits fabriqués par les prisonniers. Nous n’en avons pas beaucoup, car nous travaillons sur commande’’, confie-t-on.
‘’8 000 mini-pains sont produits par jour’’
Dans cette prison, s’il y a un endroit qui attire particulièrement l’attention du visiteur, c’est la boulangerie de réinsertion. Quelques prisonniers sont à pied d’œuvre. Ils fabriquent des pains et des petits pains. Les casiers qui devaient accueillir les pains sont vides. Renseignements pris, ils ont tous été achetés. L’horloge affiche 11 h et quelques minutes. 
‘’On a tout vendu. Nous avons des clients qui viennent de l’extérieur, mais cette boulangerie participe aussi à l’autosuffisance en pain. Il y a des prisonniers qui y travaillent et sont aidés par des experts venus de l’extérieur. Nous fabriquons 8 000 mini-pains par jour’’, renseigne une personne trouvée sur les lieux.
A la sortie de cette boulangerie qui fait face aux deux voies de Liberté VI, on est happé par les bruits de l’extérieur qui contrastent avec le silence de cathédrale qui règne à l’intérieur de la prison. D’ailleurs, c’est comme si tous les pensionnaires avaient reçu l’ordre de se taire ; toutes les personnes rencontrées étaient muettes comme des carpes.
Un voyage somme toute riche en enseignements, qui lève un pan de la vie carcérale au Camp pénal de Liberté 6.  

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