Des drapeaux nationaux russe et syrien flottent près du village syrien du nord de Zor Magar, vus de la ville frontalière turque de Karkamis, en Turquie, le 23 octobre 2019.
En Syrie, les forces russes continuent leur déploiement à la frontière turque suite à l'accord conclu mardi entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan à Sotchi.
Les Turcs ont annoncé la suspension de leur offensive et les Forces démocratiques syriennes à majorité kurde se sont retirées, mais la zone est toujours extrêmement militarisée. Moscou, alliée du régime de Bachar el-Assad, a annoncé le déploiement de troupes supplémentaires.
Si la Turquie a gardé la main sur le territoire situé entre Tal Abyad et Ras al-Aïn, ce sont bien les Russes qui surveillent la plupart de cette zone frontalière longue de 440 kilomètres.
À l'ouest, les drapeaux russes flottent près de la ville de Kobané, et à l'est dans les zones désertiques autour de Qamishli. Sur ce vaste périmètre, les patrouilles russes avaient donc besoin de renfort. Et c'est chose faite. Vendredi, Moscou annonçait le déploiement de 300 soldats supplémentaires venus de Tchétchénie, accompagnés d'une vingtaine de véhicules blindés fraîchement débarqués sur la base aérienne russe de Hmeymim.
L'origine de ces soldats peut surprendre, mais ce n'est pas la première fois qu'en Syrie, Moscou fait appel à des soldats tchétchènes, musulmans sunnites, comme la majorité du peuple syrien. En 2016, ces troupes d'élites avaient appuyé l'aviation russe lors du siège de la ville d'Alep au côté des forces loyales à Bachar el-Assad.
D'ailleurs, une autre démonstration de force a eu lieu vendredi à Kobané. Pas moins de 180 véhicules de l'armée syrienne ont paradé dans les rues et les soldats chantaient « le peuple syrien n'est qu'un ». Car il faut le rappeler, avec la protection de Moscou, Bachar el-Assad vient de récupérer un tiers de son territoire sans tirer un coup de feu.
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■ Témoignage d’un habitant de Kobané, Adnan Buzan
« L'armée syrienne est désormais entrée ici, dans la ville de Kobané. Les forces du régime de Bachar el-Assad sont accompagnées de l'armée et de la police russe qui patrouillent et surveillent les zones à la frontière. Mais la peur plane quand même sur notre ville et sa population. Aujourd'hui nous doutons de tous les accords qui ont été signés. Auparavant nous les Kurdes, avions un accord avec les Américains. Puis les Américains ont signé avec les Turcs. Ils sont partis et sont arrivés les forces de régime syrien et la Russie. Donc ici les gens ont peur car ils sont plongés dans une incertitude la plus totale. On ne sait pas ce qu'il va se passer et c'est difficile d'avoir confiance dans cet accord entre la Turquie et la Russie. L'avenir, c'est l'inconnu. Aujourd'hui nous craignons ce qui pourrait se passer à la fin du délai accordé par Erdogan. Il faut craindre le pire.
L'armée syrienne est entrée dans cette région avec la protection de la Russie. Ici, le peuple n'a pas eu son mot à dire sur le retour des forces du régime dans le nord du pays. C'est cette armée-là qui a exterminé son peuple par des armes chimiques, qui a fait s'exiler plus de 13 millions de personnes à travers le monde. Cette armée qui a détruit des immeubles, les écoles, le système d'éducation. Nous le peuple, nous ne voulons pas du régime syrien. Donc ces accords militaires qui ont été conclus ne nous ont pas donné le choix. C'était soit un génocide perpétré par les Turcs et leurs supplétifs soit le retour du régime dans la région. Le peuple n'a pas eu d'alternative. Il reste seulement de l'amertume. En fait, personne n'a jamais demandé son avis au peuple syrien, et en particulier au peuple kurde, depuis des centaines d'années. »