Ignace Sossou, un journaliste béninois travaillant pour le média Bénin Web TV, a été condamné le 20 décembre 2019 par la justice de son pays. Il écope de dix-huit (18) mois d’emprisonnement ferme et deux cents mille (200.000) francs CFA d’amende pour avoir relayé sur ses comptes de réseaux sociaux les propos du procureur de la république.
Le 18 décembre 2019, pendant qu’il participait au Forum Vérifox Afrique organisé par l’agence CFI Médias à Cotonou, le journaliste Ignace Sossou partage sur ses comptes Twitter et Facebook les propos des intervenants aux différents panels.
C’est ainsi qu’il relaie les propos du procureur de la république Mario Mètonou intervenant dans une session.
Suite à ces publications, le vendredi 20 décembre, Ignace a été arrêté chez lui par les forces de l’ordre et placé en garde à vue. Voici les tweets incriminés:
Source Twitter Ignace Sossou @Ignacekp – 18 déc.
« La législation béninoise telle qu’elle est n’offre pas une sécurité judiciaire aux justiciables » – Le Procureur Mario Mètonou @CFImedias #VérifoxAfrique #Bénin
« La coupure d’Internet le jour du scrutin du 28 avril est un aveu de faiblesse des gouvernants » – Le Procureur Mario Mètonou
« Le Code du Numérique est comme une arme braquée sur la tempe des… Journalistes » – Le Procureur Mario Mètonou
Après une garde à vue de 72h, il a été jugé en comparution directe et condamné le mardi 24 décembre 2019, à dix-huit (18) mois d’emprisonnement ferme et deux cents mille (200.000) francs CFA d’amende.
Africtivistes battent le macadam en communiqué sur #Affaire Ignace Sassou Benin
Le procureur Mario Mètonou qui a porté plainte contre le journaliste déclare à travers son avocat s’être senti harcelé par ces publications sur les réseaux sociaux car, dit-il, “le journaliste devrait chercher à savoir l’esprit dans lequel le Procureur avait tenu ces propos et ne pas se limiter à juste relayer ces déclarations comme il l’a fait”.
Saisie par les autorités béninoises, l’agence CFI Médias a adressé, le 19 décembre 2019, une lettre au ministre béninois de la justice. Une lettre dans laquelle le directeur Afrique de CFI Médias présente les excuses de l’agence en se disant “désolés qu’un journaliste peu scrupuleux ait profité de ce moment privilégié pour tenter de faire un buzz aux dépends de M. le Procureur” (cf: lettre de CFI en pièce jointe). Présentée au tribunal, cette lettre d’excuse de CFI Médias a été utilisée comme élément à charges contre Ignace Sossou.
Ignace Sossou ….
Pour rappel, Ignace Sossou, dont CFI Médias s’est empressé de se désolidariser, est membre du réseau d’enquêteurs West Africa Leaks primé en 2018. Il est aussi membre de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest et membre du Réseau 3i qui regroupe des journalistes d’investigation d’Europe, du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest.
Nous, Africtivistes, dénonçons et condamnons vivement la position ambigüe et déséquilibrée de CFI Médias qui enfonce un acteur de l’information dans l’exercice de ses fonctions en l’accusant de manque de déontologie et d’éthique.
Nous considérons cette condamnation comme un abus de pouvoir et un harcèlement du procureur de la république avec la complicité de CFI Médias.
Les lois liberticides et le vide juridique dans la législation béninoise qu’il dénonce lui-même devraient plus préoccuper et recueillir toute l’énergie du procureur de la République au lieu qu’il s’en serve pour régler ses comptes personnels.
Le Bénin connaît actuellement un recul dangereux en matière de liberté d’expression comme en témoigne le dernier classement de Reporters Sans Frontières dans lequel le pays perd 12 places, passant de la 84ème à la 96ème sur 180 pays. Le Bénin avait déjà reculé de 6 rangs en 2018. Entre intimidation, menaces et censure, la presse est devenue la cible des autorités politiques au Bénin.
Nous exprimons notre solidarité à Ignace Sossou et portons les mêmes propos pour lesquels le procureur s’est senti harcelé. AfricTivistes diffusera sur ses comptes réseaux sociaux les différentes publications de Ignace Sossou et demande à tous ses membres d’apporter leur soutien à Ignace en re-publiant ses tweets.
AfricTivistes appelle la communauté internationale en particulier la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine à porter un regard particulier sur le Bénin en ce qui concerne le rétrécissement de l’espace civique et la régression des acquis démocratiques ces dernières années.
AfricTivistes invite le procureur de la république Mario Mètonou à renoncer immédiatement aux poursuites contre le journaliste Ignace Sossou qui n’a ni diffamé, ni inventé des propos. Il n’a fait que citer publiquement sur les réseaux sociaux, les propos entendus lors d’une manifestation publique, dans l’exercice de son métier de journaliste.
AfricTivistes encourage les autorités béninoises à faire preuve de responsabilité et à écouter le peuple béninois qui ne souhaite que préserver les acquis et les valeurs fondamentales de la démocratie.