Comment me débarrasser de mes doutes ?
Comment me débarrasser de mes doutes ?Pour beaucoup, le doute est le contraire de la foi. Et une véritable épreuve. Face au doute qui s’insinue et qui ronge l’esprit, que faire ?
Sophie de Villeneuve : Un internaute nous écrit : « Je traverse des doutes profonds sur l’existence de Dieu et sur la véracité des évangiles. Ces doutes me perturbent beaucoup. Puis-je en être débarrassé ? » Que peut-il faire ?
Sylvain Gasser, assomptionniste : Surtout, qu'il ne se débarrasse surtout pas de ces doutes comme il pourrait le faire d'un virus à coups de médicaments. Car il y va de notre conception de la foi. Si la foi consiste à avoir des réponses assurées à toutes les questions, souvent énigmatiques, qui se posent quand nous nous mettons à croire, la foi ne serait qu'un ensemble de recettes et de questions-réponses que l'on ne remet pas en question. Ce n'est pas ainsi que je vis ma propre foi.
Ce n'est pas ainsi non plus que je comprends la foi de tous ceux qui sont donnés en exemple dans la Bible, dans des récits très anciens. Ma foi m'oblige à remettre en question ma vie, la place de l'homme dans le monde, le monde et même Dieu.
La mise en question honore l'intelligence de l'homme. Elle m'oblige à me demander sur quoi s'appuie ma foi. Est-ce que je crois simplement parce qu'il faut croire ? Dans un monde qui passe au crible toutes les certitudes, on est obligé de vérifier sur quoi repose notre foi.
On est obligé de se poser des questions ?
S. G. : Bien sûr, il ne s'agit pas de se torturer, mais de vérifier que notre foi reste dynamique, que notre intelligence l'active et la réactive sans cesse. Les incroyants nous réclament ce travail de l'intelligence. L'incroyant n'est pas celui qui doute puisqu'il ne croit pas. Il m'invite à observer en moi les zones d'incroyance, ce qui doute en moi, sans en avoir peur.
Les doutes de votre internaute peuvent le faire souffrir. Peut-être doute-t-il en raison d'un événement particulier. Peut-être le Dieu dont on lui a parlé ne correspond plus du tout à l'image du monde qu'il essaie de comprendre. Parce que notre Dieu s'est incarné, nous sommes obligés de revenir sur notre propre humanité et sur notre place dans un monde que l'on découvre fragile.
Mais être « traversé » par le doute, cela va bien au-delà des questions que l'on peut se poser…
S. G. : Comment la question posée exprime-t-elle le doute ? Il semble qu'il y ait entre Dieu et votre internaute une relation brisée, qui ne fonctionne plus et le fait entrer dans une « nuit de la foi » que de nombreux mystiques ont connue, Jean de la Croix ou mère Teresa. La nuit peut nous envahir, mais c'est dans la nuit que se trouvent les premiers élans d'une aube possible. C'est dans la nuit que l'on espère que le soleil revienne.
Peut-on déjà lui dire qu'il n'y a pas de foi sans doute ?
S. G. : Je crois que oui. Une foi qui ne se poserait pas de questions serait crédule. Quand le Christ demande la foi de ses disciples, il suscite bien des questions : Qui es-tu ? D'où viens-tu ? De qui tiens-tu cette autorité ? Un ensemble de questions qui suscitent un ensemble de réponses, non une réponse unique.
De même que nous n'avons pas qu'un seul évangile, mais plusieurs récits qui participent à la polyphonie de la foi. Nous avons besoin de plusieurs lectures pour comprendre qui est notre Dieu et ce qu'il est venu faire parmi nous.
Ce qui a suscité ma vocation de religieux et de prêtre, c'est une grande question que je me suis posée un soir de Noël : Qui est cet homme venu parmi nous en qui je vois le fils de Dieu ? Les cieux ne se sont pas ouverts pour me donner une réponse…
Cette question est immense pour moi, elle ne me laisse pas tranquille. Mais elle ne me plonge pas non plus dans l'angoisse. Elle se repose à moi chaque fois que je vois dans ce monde des choses incompréhensibles ou absurdes.
Que faire pour traverser les angoisses dont souffre notre internaute ?
S. G. : Il faut les partager, en parler avec d'autres, pour vérifier si j'ai bien compris en quoi consiste mon doute, et à partir de quelle expérience il est né : une rupture, une souffrance, une maladie… Même les gens qui ont tout pour être heureux peuvent être traversés par le doute.
Les doutes se partagent-ils ?
S. G. : Bien sûr, il faut commencer par en parler. La parole ouvre des portes. Jésus fait parler les personnes qu'il rencontre, et c'est déjà le début de la guérison, ou d'un chemin de compréhension.
Mais dans les Évangiles, on voit Jésus récompenser la foi, mais pas le doute…
S. G. : Dans l'Évangile de Marc, le père d'un enfant épileptique se présente à Jésus. Celui-ci est de très mauvaise humeur ce jour-là : « Engeance mauvaise, quand donc comprendrez-vous que je ne suis pas venu pour vous guérir ? » Et il dit au père : « Pour qu'il guérisse, il suffit de croire ».
C'est la pédagogie du Christ que de nous pousser à bout pour qu'un cri sorte. Le père crie : « Je crois, ôte-moi du doute ! » J'ai longtemps lu cette phrase en la comprenant à l'envers : « Ôte-moi du doute pour que je croie ».
En réalité, le père commence par dire « Je crois », c'est un mouvement vers Jésus. Puis : « Ôte-moi le doute, les zones d'ombre en moi ». L'affirmation « Je crois » est le point de départ d'un travail avec le Christ. Et l'enfant guérit. Le Christ prend le doute en compte, c'est le travail d'une vie.
Peut-on dire alors à notre internaute : « Remettez vos doutes au Christ, qui peut les prendre en compte et les comprendre » ?
S. G. : C'est toute la grâce de la prière, qui participe de la guérison. Il faut commencer par les mots pour exprimer nos doutes, puis s'adresser au Seigneur pour qu'il vienne les travailler.
C'est le temps de la grâce, de la gratuité pure. Le Seigneur répond, pas toujours comme je m'y attends. Je délivre du temps pour m'en remettre à plus grand que moi, à Dieu et aux autres.
Sylvain Gasser, assomptionniste. Propos recueillis par Sophie de Villeneuve
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