La commune rurale de Paroumba, dont les habitants vivent de
dynamiques millénaires d’intégration régionale, au sud du Sénégal, vit dans l’espoir d’une vigoureuse reprise de l’activité économique, depuis l’apparition des prémices de la normalisation de la libre-circulation des biens et des personnes dans cette zone frontalière de la République de Guinée et de la Guinée-Bissau.
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Paroumba témoin de l’espoir d’une reprise économique post-covid-19
Les populations de cette zone se trouvent fortement éprouvées par de longs mois de cloisonnement liés aux restrictions décidées par les pouvoirs publics des trois pays dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, au grand dam de relations singulières héritées de l’histoire et entretenues par la proximité géographique et culturelle.
La persistance de cette pandémie a durablement perturbé les échanges commerciaux entre le Sénégal et ses deux voisins, sans compter les conséquences d’aléas politiques liés souvent à une certaine instabilité régionale.
Aux Frontières sud du Sénégal
La commune de Paroumba, peut-être plus que toute autre localité sénégalaise, souffre de cette situation imposée par sa proximité avec les deux pays voisins du Sénégal.
Cette commune rurale de plus de 16 000 habitants répartis dans 33 villages est desservie par deux pistes latéritiques d’une distance de 40 km, qui débouchent sur la route nationale numéro 6, reliant Tambacounda (est) à Ziguinchor (sud) en traversant les villes de Vélingara et de Kolda.
Un triangle de l’intégration
Les villages de Dialadiang (Sénégal), Kankéléfa (Guinée Bissau) et Missirah (République de Guinée) forment sans le vouloir un tableau vertueux, un triangle de l’intégration par lequel transitent toutes les activités commerciales, à la mesure des relations historico-culturelles parfois validées par les liens du sang et du mariage.
"Nous sommes très pressés de retrouver ces beaux jours de l’amitié et de la fraternité qui nous manquent", explique Pape Bakary Mané, vice-président du Conseil de la Jeunesse de Dialadiang, grande bourgade et dernière localité de la commune rurale de Paroumba.
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Dialadiang est distante de 2 km de Missirah, premier village de la République de Guinée, Kankéléfa, en Guinée-Bissau voisine, se trouvant à 15 km de cette localité sénégalaise la plus proche de la frontière.
"Nous avons les mêmes familles, les mêmes amis, des proches de part et d’autre des frontières. Nous avons pris des épouses dans les deux Guinées et eux aussi se sont mariés avec nos sÅ“urs", confirme Pape Bakary Mané, 24 ans.
C’est dire si la fermeture des frontières en raison de mesures de restrictions liées au Covid-19 a impacté la vie socioculturelle de cette partie du Sénégal, même si les dommages économiques semblent les plus visibles.
Boutiques fermées et recettes douanières en baisse
Avec cette pandémie, "à la frontière entre le Sénégal et la République de Guinée, 10 sur 15 boutiques ont quasiment fermé, faute de clients", fait observer Demba Diallo, chef du service départemental du commerce de Vélingara, dont dépend Paroumba.
Demba Diallo explique que les marchandises écoulées représentent une forte proportion de la consommation des voyageurs en escale.
Il n’en reste pas moins que le ralentissement des activités commerciales s’est ressenti sur les recettes mensuelles douanières, qui se sont sensiblement améliorées avec la reprise économique observable depuis quelques mois, à mesure que les mesures de restriction sont progressivement levées.
Signe de cette timide reprise, de 28. 467 158 francs CFA en 2020, ces recettes ont atteint 43. 446. 000 francs CFA en août 2021, le département de Vélingara profitant de sa position privilégiée à la croisée des frontières que le Sénégal partage avec la Gambie, la République de Guinée et la Guinée Bissau.
Mévente et hausse des prix
Au cÅ“ur de cette dynamique transfrontalière, le marché hebdomadaire sous-régional de Diaobé, situé côté sénégalais, s’est imposé avec les années, comme un véritable poumon économique commun au Sénégal, à la République de Guinée et à la Guinée-Bissau.
"C’est le véritable lieu des échanges commerciaux entre les trois pays", souligne Demba Diallo, avant d’ajouter : "L’ardent souhait ici, c’est la stabilité, la libre-circulation des personnes et des biens".
"En vérité, l’intensité de toutes activités commerciales dépend de la fluidité des routes, de la libre-circulation des personnes et des biens. Et pour cela, il faut ouvrir toutes les frontières", a-t-il ajouté.
Selon le chef du service départemental du commerce de Vélingara, avec la fermeture de la frontière guinéenne, les invendus de certains produits prisés de la population sont évalués à plus de huit tonnes.
L’espoir d’une reprise économique post-covid
La frontière entre le Sénégal et la République de Guinée fermée, "les commerçants guinéens, pour venir au marché sous-régional de Diaobé, font un grand tour, en passant par le Mali avant d’entrer au Sénégal. Naturellement, cela a un coût qui justifie la hausse du prix sur certaines denrées alimentaires", a indiqué Demba Diallo.
S’y ajoute que "d’importants stocks de produits de consommation", comme le sel, le riz paddy que les commerçants sénégalais exportent en Guinée sont restés en souffrance dans les magasins.
Aussi des acteurs appartenant à différents secteurs de la vie économique et sociale se mobilisent-ils pour un nouveau souffle économique qui ne peut être que salutaire.
Sur cet axe par lequel transitent des centaines de véhicules et des milliers de passagers, notamment les lundis et jeudis, jours coïncidant avec les marchés hebdomadaires de Paroumba et Diaobé, la reprise rapide du trafic est considérée comme une nécessité.
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"Nos échanges réguliers, c’est avec nos voisins. Si ces frontières sont fermées, vous voyez combien nous souffrons", déclare Hading Kandé, ancien émigré en Espagne, rentré au bercail pour diriger la commune de Paroumba, située à 50 km de Diaobé.
"Nous sommes très pressés de reprendre nos activités. Avec peu de ressources, nos populations misent énormément sur l’agriculture et l’élevage. Si l’hivernage arrive à terme, nous allons rattraper beaucoup de temps perdu avec la Covid-19. Avec en plus de l’appui de l’Etat et des partenaires, nous allons très vite reprendre la route", a assuré l’édile.
Le trafic routier, un frein à l’exode rural
Le trafic routier est source de vie pour Paroumba. "C’est ce qui nous retient dans notre terroir et nous empêche de migrer vers l’Occident ou ailleurs en Afrique, même à l’intérieur du pays", note Mamadou Baldé, vice-président du Comité de gestion de la gare routière de Dialadiang.
"Rien ne bouge, tous les prix augmentent, tout devient trop cher", chaque fois que les frontières que partage le Sénégal avec la République de Guinée et la Guinée-Bissau se trouvent fermées, fait-il observer.
Dans la dynamique de reprise, il a assuré que les transporteurs se sont aussi réorganisés pour convoyer régulièrement par "des véhicules horaires" leurs clients vers plusieurs autres destinations, notamment les grandes villes nord du Sénégal jusqu’à Dakar.
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De même, des véhicules-taxis, communément appelés "7 places", sont disponibles pour convoyer des passagers à Koundara en République de Guinée.
"Nous sommes devant deux frontières entre les deux Guinées. Une vraie chance. Personne ne peut quantifier exactement le nombre de véhicules de transport en commun, de transport de marchandises, de motos, de véhicules privés, d’engins de travaux etc. qui passent ici chaque jour", dit-il.
Les jours ordinaires, "nous avons entre 30 et 40 camions gros-porteurs, 50 et plus de véhicules poids légers (transport en commun), moto-tricycles et deux roues", même si la circulation est "restée très dense" les jours de marché hebdomadaire principalement.