En réplique aux taxes américaines sur l'acier et l'aluminium, la Chine a adopté des mesures de rétorsion contre les importations américaines, a annoncé le ministère chinois des Finances. Dès lundi, des taxes pouvant aller jusqu'à 25 % s'appliquent sur 128 produits, pour une valeur de 3 milliards de dollars américains.
KAFUNEL.COM AVEC RADIO-CANADA , AGENCE FRANCE-PRESSE ET REUTERS
Parmi les produits touchés par ces nouvelles mesures figurent le porc surgelé, le vin et certains fruits.
Pékin avait prévenu le mois dernier qu'il envisageait l'imposition de ces taxes, ce qui a fait craindre l'ouverture d'une guerre commerciale entre les deux géants économiques mondiaux.
Le 22 mars, le président américain, Donald Trump, a autorisé l'imposition de taxes sur des importations chinoises d'une valeur pouvant atteindre 60 milliards de dollars.
Ces taxes à venir ciblent des secteurs dans lesquels Washington accuse Pékin d'avoir procédé à des vols de technologies américaines.
La Chine a demandé aux États-Unis de cesser ce qu'elle a qualifié d'« intimidation économique », et menacé le pays de mesures de rétorsion.
Jusqu'à présent, Pékin a pris soin de ne pas s'attaquer à des produits agricoles majeurs, comme le soja, ou à des compagnies industrielles importantes, telles que le géant Boeing. Ces domaines devraient désormais être également ciblés, estime le quotidien officiel Global Times.
Appel au dialogue
Dans la foulée, le ministère chinois du Commerce a annoncé qu'il suspendait ses obligations envers l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Par communiqué, il accuse les États-Unis d'avoir « gravement enfreint » les principes de la non-discrimination inscrits dans la réglementation de l’OMC.
Le Ministère s’était engagé à réduire les droits de douane sur 120 produits américains, notamment les fruits. Finalement, un taux supplémentaire de 15 % s’appliquera à ces produits.
Sur huit autres produits, dont le porc, ce taux supplémentaire s’élèvera à 25 %, a précisé le Ministère. La suspension par la Chine de ses concessions tarifaires est un acte légitime adopté dans le cadre des règles de l'OMC pour sauvegarder les intérêts de la Chine.
Extrait du communiqué du ministère chinois du Commerce
Les différends entre la Chine et les États-Unis – les deux premières puissances économiques de la planète – doivent être résolus par le dialogue et la négociation, ajoute-t-il.
Prélude aux négociations
Cette nouvelle liste de tarifs de rétorsion sur les produits américains « va porter un coup sérieux à Washington, qui agite d'une manière agressive le bâton de la guerre commerciale, et les États-Unis vont payer le prix de leur politique commerciale radicale envers la Chine », assure le Global Times.
En dépit de cette rhétorique, le ministre américain du Commerce, Wilbur Ross, a fait valoir jeudi que les nouvelles sanctions américaines étaient avant tout un « prélude à une série de négociations ».
Washington déplore un déficit commercial colossal avec Pékin (375,2 milliards de dollars américains en 2017, selon les douanes chinoises).
Mais le Global Times, sans dévoiler ses sources, estime que les États-Unis ont émis « certaines demandes déraisonnables » dans leur tentative de forcer la Chine à accepter un compromis. « C'était naïf. Avec sa force commerciale, la Chine a tenu bon », a affirmé le journal.
La sénatrice américaine démocrate Elizabeth Warren, bête noire de Donald Trump, a rencontré vendredi et samedi de hauts responsables chinois. Parmi eux figurait le vice-premier ministre Liu He, chef d'orchestre de la politique économique.
« J'ai eu une discussion approfondie sur la façon dont les mesures chinoises qui faussent les échanges commerciaux finissent par porter préjudice aux travailleurs américains », a écrit Mme Warren sur Twitter.
« Je suis depuis longtemps sceptique quant aux politiques économiques – au niveau national comme à l'étranger – qui répondent aux besoins des grandes entreprises plutôt qu'à ceux des familles de travailleurs », a-t-elle mentionné.
Vers une guerre commerciale?
« L’expression "guerre commerciale" est utilisée à toutes les sauces, mais il faut faire très attention », prévient Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand.
« Ce n’est pas parce qu’un pays impose des tarifs à un autre et que l’autre pays réplique avec des tarifs de son côté que nous sommes en situation de guerre commerciale. »
« La Chine et les États-Unis sont des pays majeurs qui transigent l’un avec l’autre et qui, de façon périodique, imposent des tarifs à l’autre. Ce n’est pas nouveau en soi », ajoute-t-il.
Le chercheur rappelle que le décret signé par le président Trump le 22 mars dernier ne précise pas quels produits chinois seront visés par des tarifs douaniers.
« Pour l’instant, ce qu’on a, c’est beaucoup de rhétorique enflammée de la part de Donald Trump, mais pour les actions et les conséquences concrètes, il faut attendre », dit M. Jacob.
C’est difficile de savoir, à ce stade-ci, quels vont être les impacts, comment les Américains vont répliquer, s’ils répliquent, et comment la Chine va réajuster le tir. C’est très imprévisible présentement. Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand