Abdelaziz Bouteflika était l
’homme qui aimait trop le pouvoir. Sa fin de règne aura duré de longues années. Malgré son très mauvais état de santé ?
Il avait été victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) en avril 2013 qui l'obligeait depuis à se déplacer en fauteuil roulant ?
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Abdelaziz Bouteflika : l’homme qui aimait trop le pouvoir
Abdelaziz Bouteflika n'a quitté qu'à regret et tardivement la scène en avril 2019 sous la pression de l'armée et de la rue avant que le rideau ne tombe.
Celui-ci vient de se refermer sur le président algérien, 84 ans, ce vendredi 17 septembre 2021, mettant ainsi un point final à une carrière politique commencée en 1962 dans une Algérie nouvellement indépendante.
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Une vie qui se confond avec celle de son pays
La vie d'Abdelaziz Bouteflika, qui fut le plus jeune et un des plus talentueux ministres des Affaires étrangères du monde, se confond avec celle de son pays. Pourtant son entêtement à rester au pouvoir ?
Certains diront son amour du pouvoir et sa volonté de puissance devenue inutile ces dernières années, tant Bouteflika n'était plus que l'ombre de lui-même ?
Laissera de lui l'image d'un homme au bilan catastrophique. Il abandonne derrière lui un pays ankylosé dont la jeunesse rêve de changement et de départ.
Tout aurait pu être différent pour ce jeune Algérien né à Oujda, au Maroc, le 2 mars 1937, à quelques kilomètres de la frontière algérienne.
Étudiant, il s'engage à 19 ans, en 1956, dans les rangs de l'ALN (Armée de libération nationale). C'est là qu'il rencontre Houari Boumediene, alors responsable de l'armée des frontières côté marocain.
Il devient son secrétaire particulier et ne le quittera plus. Ministre de la Jeunesse et du tourisme d'Ahmed Ben Bella en 1962, Bouteflika prend le portefeuille des Affaires étrangères en 1964. Boumediene le confirme dans sa fonction en s'installant au pouvoir en juin 1965.
Car Bouteflika, membre important du « groupe d'Oujda », comme on appelait les proches de Boumediene, a participé au putsch du ministre de la Défense.
À la tête de la diplomatie algérienne, Bouteflika, homme de petite taille, francophone et francophile en dépit de ses relations difficiles avec l'ancien colonisateur français, en particulier à cause d'un caractère très ombrageux, fait merveille.
Il hisse son pays en chef de file du Tiers-Monde lorsque l'Algérie prend la présidence du groupe des Non-alignés en 1973.
À la mort de Boumediene, en décembre 1978, il s'estime, en fils putatif, son successeur légitime. Erreur. L'armée lui préfère le colonel Chadli Bendjedid qu'elle considère plus malléable.
Bouteflika a des ennuis avec le nouveau pouvoir et s'exile en 1981 à Paris, puis à Genève et aux Émirats arabes unis. Une traversée du désert qui dure jusqu'en 1987.
De retour à Alger, il entre au comité central du FLN mais refuse, en 1995, le poste de président que lui offre l'armée.
Abdelaziz Bouteflika pose ses conditions. Il ne veut pas être inféodé aux généraux qui tirent les ficelles pour les grandes décisions.
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L'Algérie a changé
L'Algérie a changé. Elle est en pleine guerre civile avec les islamistes. Il faut y mettre fin.
Bouteflika décide, en 1998, d'accepter la présidence que lui proposent de nouveau les militaires, politiquement aux abois. Le 15 avril 1999, il est élu à la tête du pays. Sa feuille de route ?
Ramener la paix et réconcilier les Algériens. Il y parvient, et la population lui en est reconnaissante, après plus de 150 000 morts.
Bien que l'amnistie qu'il propose, y compris aux islamistes armés qui ne seront pas jugés, passe mal dans une partie du pays.
Bouteflika, premier président civil de l'Algérie indépendante, a un autre rêve : renvoyer l'armée dans ses casernes, lui faire abandonner totalement la politique.
Il va y parvenir en partie, mettant un fidèle à la tête de l'état-major. Mais les services de renseignements, la puissante Direction de la recherche et de la sécurité (DRS) dirigée par le général Mediène, alias Toufik, lui résistent longtemps.
Les deux hommes appartiennent à la même génération, leurs sorts sont liés, ils se connaissent trop et jouent au chat et à la souris. Abdelaziz Bouteflika doit attendre septembre 2015 pour obtenir le départ à la retraite du général.
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Tout se dégrade
Tout s'est dégradé pour le président. Son état de santé, d'abord. Une hémorragie pour un ulcère à l'estomac en novembre 2005 lui a fait choisir d'être hospitalisé au Val de Grâce, à Paris, chez son ami, le président Chirac. En avril 2013, c'est encore au Val de Grâce qu'il est amené d'urgence après un AVC.
Un séjour prolongé par quatre mois de convalescence à l'hôpital des Invalides. Bouteflika ne se remettra jamais complétement, laissant l'Algérie déjà un peu orpheline.
Son second problème est d'ordre politique. En 2009, il a obtenu de changer ? par référendum ?
La Constitution pour obtenir la suppression de l'article de loi qui ne prévoit que deux mandats consécutifs à la tête de l'Etat.
Il est réélu en avril 2009 et cinq ans plus tard, les Algériens, abasourdis et désabusés, voient leur président impotent et invisible briguer un quatrième mandat.
Qu'il emporte en avril 2014 (81,53 %)
Sa fin de règne, déjà marquée par des scandales politico-financiers pendant le troisième mandat, devient cacophonique tandis que les querelles de sérail se multiplient pour la succession que semble briguer ? entre autres ?
Son frère cadet, Saïd Bouteflika. Le plus brillant des hommes politiques algériens rate sa sortie.
Fortement poussé à la démission au printemps 2019 par la rue algérienne déterminée à en finir avec un « système » qui a étouffé le pays durant la majeure partie des années qui ont suivi l'indépendance en 1962, Abdelaziz Bouteflika, décédé à 84 ans ce vendredi 17 septembre, pourra difficilement se départir dans la postérité de l'image d'un homme accroché au pouvoir jusqu'à la caricature.
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