Adultère, double vie, addiction au porno… Des prêtres racontent dans un livre les petits et grands secrets entendus dans le confessionnal

Adultère, double vie, addiction au porno… Des prêtres racontent dans un livre les petits et grands secrets entendus dans le confessionnal. 

Pour se soulager de leurs péchés, les catholiques vont à confesse. Qu’y avouent-ils ? Mystère, loi du silence oblige. Quarante prêtres ont pourtant accepté de se confier dans un livre qui fourmille d’anecdotes savoureuses…

Une petite incartade à se faire pardonner? Une faute trop lourde à porter? Chez les catholiques, l'actuelle période de Carême – même perturbée par la pandémie de Covid – correspond à la grande ruée vers le confessionnal. L'occasion, pour les pénitents, de lessiver leur conscience en allant toquer à la porte d'un homme d'Église.

« J'appelle ça le grand nettoyage de printemps », sourit le père Christian, qui absout ses paroissiens de l'ouest parisien. Dans le langage chrétien, ce rituel a un autre nom : « faire ses Pâques », c'est-à-dire se délester de ses péchés pour pouvoir communier le jour où Jésus est censé avoir ressuscité.

Que peuvent-ils bien confesser, ces pécheurs en quête de pardon divin ? Secret-défense, oppose-t-on d'emblée à l'Église, qui ne badine pas avec la loi du silence. Comme les psys, les confesseurs ne doivent jamais briser cette règle absolue, sous peine d'excommunication.

Il a donc fallu beaucoup d'obstination à Vincent Mongaillard, grand reporter au Parisien, pour convaincre quarante prêtres de délier un peu leur langue. En garantissant l'anonymat de leurs ouailles… et le leur, bien entendu

Le résultat? Un livre savoureux, un peu moins épais qu'une Bible certes, mais très pédagogique et fourmillant d'histoires croustillantes que vous serez désormais les seuls – exceptés Dieu et ses intermédiaires terrestres – à connaître! Sans grande surprise, les petits et grands secrets du confessionnal sentent le « stupre et la fornication », comme le chantait hardiment Brassens.

« Les péchés qui ressortent le plus sont ceux en dessous de la ceinture, confirme le père Cédric, l'un des quarante clercs à avoir accepté de se confier. 60 à 70 % des confessions : adultère, double vie, addiction avilissante au porno, recours aux prostituées. C'est extrêmement répétitif », soupire-t-il.

«Âmes sensibles, s'abstenir !»

A cet inventaire, il faudrait ajouter du libertinage, des jeux sexuels bien innocents, mais aussi de coupables mains baladeuses, voire des actes ( inceste, viols…) relevant surtout de la justice humaine. Certaines anecdotes rapportées par notre confrère ont dû martyriser les oreilles ecclésiastiques. Dans le huis clos du parloir, l'atmosphère ouatée n'empêche pas des déballages coton.

Âmes sensibles, s'abstenir! « Dieu merci, j'oublie », soupire le père Jean. « Si on se souvenait de tout, on deviendrait très vite pessimiste », renchérit son confrère, baptisé Thomas dans l'ouvrage. « Heureusement que ce n'est pas nous, les prêtres, qui portons les péchés mais le Seigneur, abonde enfin le père Stanislas. Parce que sinon, on se jetterait dans la Seine. »

Dans de nombreux passages aux aveux, il est question de plaisir solitaire… et culpabilisant. Chez les ados, leurs parents et même monsieur le curé ! « Je confesse pas mal de prêtres.

Dans 95 % des cas, ils évoquent une addiction aux sites porno, leur misère sexuelle. Il y a une vraie frustration, une grande culpabilité », relève le père Marc. Même son de cloche chez son confrère Daniel : « la masturbation revient régulièrement chez des religieux et prêtres d'un certain âge dans une grande solitude. »

Le sexe, regrettent certains des serviteurs de Dieu cités dans le livre, occupe une place disproportionnée au détriment des autres tourments de l'âme. « La confession s'obsessionnalise autour de la sexualité, en particulier la masturbation (...)

C'est comme si on n'avait pas fait Mai 68 », s'« attriste » le père Jacques. « Quand je confesse les jeunes qui évoquent la masturbation, ils ont du mal à entendre que ce n'est pas un péché.

Ça les choque », s'étonne aussi le père Vincent. Certes, tous les confesseurs ne badinent pas avec la « chose ». Beaucoup de catholiques d'un certain âge se souviennent avec effroi des questions trop inquisitrices sur leurs « pensées impures », et de la leçon qui s'ensuivait. Cela en a vacciné plus d'un contre l'exercice.

Plus de compassion, moins de morale

Mais le rituel – qui fait moins d'adeptes qu'autrefois, et pas seulement à cause du coronavirus – a heureusement bien changé. Plus de compassion et de spirituel, moins de morale sentencieuse et culpabilisante. Ils en sortaient parfois plus crucifiés que ressuscités.

« Si la personne sort plus triste qu'elle n'est rentrée, il faut que je change de métier. Ce n'est pas le job du curé d'enfoncer le clou », témoigne le père Cédric. « Nous sommes plus dans la parole et l'écoute », confirme le père Christian, qui confesse porte des Ternes.

« Verbaliser ses fautes réelles ou supposées libère, responsabilise, dédramatise, allège de nos boulets. Cela permet de se remettre en marche. Les visages sont plus lumineux après », applaudit le prêtre de 60 ans, qui ne se « lasse pas » d'entendre les fidèles et de les absoudre.

Pour accorder leur pardon « au nom du père, du fils et du Saint-Esprit », les abbés distribuent les Pater et les Ave… mais tous ne sont pas adeptes du « moulin à prières », comme le dit drôlement le père Alexis.

Le père Jean-Luc a une pénitence toute trouvée pour celui ou celle qui confie son addiction aux sites pornos : « Je conseille d'aller consulter Internet.

Mais le site Libre pour aimer, initié par un prêtre, qui permet de se libérer de cette dépendance. La Toile peut être l'instrument du Salut », philosophe-t-il.

«Je vous pardonne tous vos péchés», de Vincent Mongaillard, aux éditions de l'Opportun, 480 pages, 14,90 euros. Disponible à partir du 11 mars.

BRÈVES DE CONFESSIONNAL

Deux gars, une fille. « Un couple d'une cinquantaine d'années patientait devant le confessionnal. Je commence par madame, se souvient le père Cédric. Elle me confesse tromper son mari avec un homme, un ami du couple.

Puis c'est au tour de monsieur d'avouer qu'il trompe sa femme avec un homme, un ami du couple. J'ai compris que c'était le même gars. Monsieur se tapait l'amant de sa femme ! Ça n'a pas été facile pour moi de me retenir d'éclater de rire. »

Dévoiler, pas déballer. Le père Benoît se souvient d'un homme qui avait décidé d'avouer à sa femme ses « nombreuses années de double vie ».

« J'ai freiné des quatre fers, car il ne connaissait pas la capacité de réception de son épouse », a prudemment professé l'ecclésiastique avant de lui conseiller de prendre son temps et de dévoiler son secret avec « pédagogie ».

La dure loi du silence. Le père Cédric, un temps aumônier en prison, avait confessé et donné l'absolution à un homme qui lui avouait avoir commis un crime.

« Quelques mois plus tard, j'ai appris qu'il avait plaidé non coupable lors de son procès aux assises et qu'il avait été innocenté. J'ai très mal vécu cet acquittement, je ressens toujours un énorme dégoût. Je ne pouvais rien dire, sinon j'aurais été excommunié. »

Le même a dû calmer ses élans de colère après avoir entendu des aveux d'inceste lâchés par des pénitents en fin de vie. « Trente ou quarante ans après les faits qui ont pourri toute la vie de famille, ils avouent. Sur le coup, j'avais envie de leur foutre mon poing sur la gueule. »

Le shérif est en soutane. Le père Daniel a confessé un jeune de 20 ans qui vivait en roulotte avec sa mère, et qui brûlait de la tuer avec le pistolet qu'il dissimulait. « Il est venu demander pardon d'avoir pensé à ce scénario macabre.

En guise de réparation, j'ai exigé qu'il me ramène son arme »… que le confesseur a ensuite remise à la police « sans dire à qui elle appartenait pour préserver le secret de la confession ».

Libéré, délivré. A la maison d'arrêt, le père Grégoire a écouté « des meurtriers, des violeurs, un pédophile… » « Ils luttent dans leur cœur. Ils se demandent s'ils sont dignes de recevoir le pardon. Lorsque le gars qui a tué se met à pleurer, je sais que c'est bon signe. »

Le père Arnaud, lui, a confessé un soldat qui avait torturé pendant la guerre d'Algérie, et qui avait porté ce secret « comme un boulet » pendant un demi-siècle. « Face à moi, il a réussi à lâcher le morceau. Je ne lui ai pas donné de pénitence, il avait déjà suffisamment porté sa croix. »

La culpabilité prend des détours parfois étranges. Le père Marc a ainsi rencontré une maman venue à confesse « car elle n'arrivait pas à pardonner au meurtrier de son fils, et éprouvait toujours de la haine ».

Un ange passe. En dépit du message inédit d'ouverture délivré en 2013 par le pape François, l'homosexualité reste un péché aux yeux de l'Église. Mais tous les prêtres ne l'entendent pas de cette oreille.

Le père Paul rappelle à ceux qui culpabilisent d'être gay que la « fresque du plafond de la chapelle Sixtine au Vatican, a été peinte par Michel-Ange, qui était homosexuel. »

Adultère, double vie, addiction au porno…

Maux comptent triple. Le racisme noircit bien des âmes. Le père Jacques se souvient d'un pénitent déclarant ne pas aimer son curé parce qu'il était noir. Du coup, il n'allait plus à la messe. « Là, c'est triple péché ! » calcule-t-il.

Écarts de conduite. Un chauffeur de taxi a un jour confessé « ne pas toujours prendre le chemin le plus court, histoire de grappiller quelques euros ». En s'en ouvrant au père Roger, espérait-il trouver la route la plus directe pour le paradis ?

Séminariste ne veut pas dire économiste, s'est dit le père Jean-Luc, un peu perdu en confessant un pénitent qui lui dévoilait les arcanes de ses tricheries en Bourse. « Les montages financiers étaient très complexes. Bon, en gros, j'ai quand même compris que c'était un vol.

» Le père Franck, lui, saisit mieux les petites « bidouilles fiscales » qu'il entend au confessionnal. « Je comprends. Moi-même, j'ai pratiqué à une époque sans beaucoup de remords. »

Addictions coupables. « Les péchés liés à l'abus d'alcool sont nettement moins fréquents que ceux liés à la consommation de drogues, souligne le père Grégoire. C'est très culturel : au pays du vin glorifié, on a du mal à prendre conscience que ça peut rester un péché ». Le comble ? Quand un pénitent s'arsouille pour se donner un peu de courage avant de cracher le morceau coincé dans sa conscience.

« Les effluves d'alcool à travers la grille du confessionnal sont puissants », en frémit le père Antoine. Le père Christophe, lui, a vu émerger une autre addiction il y a dix ans : la cocaïne.

« C'est lié au culte de la performance. Pour s'en sortir, la confession ne suffit pas. » Il y en a de plus ordinaires, comme la boulimie d'achats, fréquemment avouée au confessionnal selon le père Stanislas qui suggère « comme réparation de servir aux pauvres un repas ».

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Non mais allô quoi ! Le péché, c'est simple comme un coup de fil. Ou plutôt comme les heures passées à surfer sur son smartphone. « C'est une forme d'esclavage, de prison. Ce n'est pas un péché, c'est une souffrance », relativise le père Christian.

Partagée d'ailleurs par les hommes en soutane : « Internet prend beaucoup de place dans ma vie, j'ai du mal à gérer ma solitude », souffle le père Francis.

Au diable la routine. « Confesser est la chose la plus ennuyeuse au monde, c'est répétitif », se désole le père Cédric, quand son confrère Jean renchérit d'un air blasé : « après un demi-siècle de confessions, on n'est plus très surpris par l'humanité ».

Parfois la routine gagne les stakhanovistes de la confession. « On a parfois l'impression d'avoir en face un être venu faire sa révision des 10 000 km », grince le père Arnaud. Son confrère Emmanuel, lui, change régulièrement de position pour « soulager les reins ».

« C'est éreintant d'écouter profondément. Quand je n'en peux plus, je ferme le guichet, confie le père Alexis, qui préfère alors annoncer au pénitent suivant Désolé, je suis épuisé, revenez plus tard. »

Jamais trop tard. « Un papy est entré dans le confessionnal en disant « je ne me suis pas confessé depuis quarante ans. J'ai répondu, avec un grand sourire aux lèvres : mais c'est jour de fête alors aujourd'hui ! » en rit encore le père Olivier.

Le père Roger n'a pas eu grand mal à absoudre un septuagénaire qui avait fouillé dans sa mémoire pour se trouver une petite souillure à l'âme : « Ah oui, quand j'étais enfant de chœur, j'ai bu le vin de messe. »

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