Chemin de fer. Le projet de relance sur les rails ! Thiès est nostalgique des sons de frottement des locomotives au rail qui, jadis, rythmaient le quotidien de ses populations. À la gare principale, c’est la torpeur aujourd’hui. À part la sécurité, tout le reste du personnel est au chômage. La relance du chemin de fer est le souhait le plus ardent de beaucoup de Thièssois.
Chemin de fer au rythme du projet de relance sur les rails !
THIES – À la gare de Thiès, le calme rompt avec l’ambiance de ruche bourdonneuse du marché central d’à côté. Ici, tout semble s’arrêter. Ama Diaw, le chef de gare, est presque seul dans le bâtiment principal à l’architecture coloniale qui menace de crouler sous le poids de l’âge.
À part deux dames, perdues dans le coin, cherchant hasardeusement une issue, seul un agent désœuvré donne signe de vie dans cette baderne.
Le rez-de-chaussée, qui était presque le cœur de l’activité ferroviaire, est dans un état ubuesque. Un coin est loué à un commerçant qui tient une quincaillerie. Le bureau de la taxation, séparé du hall par des grilles, est transformé en habitat par les araignées qui ont tissé librement leurs toiles.
Les plateformes de pesage de marchandises sont recouvertes de poussière. En face, les guichets sont fermés. D’ailleurs, une odeur de renfermé commence à envahir l’endroit.
« Ces deux entités (le bureau de taxation et les guichets) reversaient, en fin de journée, leurs recettes au chef de gare qui, à son tour, déposait l’argent à la caisse centrale », explique Ama Diaw. Hélas ! Seul Dieu sait à quelle date remonte leurs derniers versements…
Thiès n’est plus cette ville aux deux gares qui a fait la fierté de ses habitants. Aujourd’hui, des gares remplies de monde, il ne reste que des souvenirs. Seul le train des Industries chimiques du Sénégal (Ics) et celui de la Grande côte opération (Gco) sifflent encore dans la cité du rail.
Le temps où la gare principale grouillait de monde et que les trains se disputaient les rails se conjugue au passé. Mais le chef de gare, qui vient de Tambacounda où il n’y a aucune activité ferroviaire, relativise.
« Ici, au moins, on entend des trains qui klaxonnent, contrairement à Tambacounda où tout est à l’arrêt. Ce qui veut dire qu’il y a une activité. Nous exploitons le train des Ics et celui de Gco.
C’est nous qui assurons leur sécurité. Même si la plupart des cheminots sont au chômage, à l’exploitation, les gens travaillent encore.
De Thiès à Dakar, toutes les gares fonctionnent », précise Diaw, qui décrochera au mois d’août prochain après 37 ans de service.
Une volonté politique de relancer le chemin de fer
Il aurait aimé, avant de partir, dire au revoir aux trains de la plus belle des manières. Le cheminot n’est cheminot que quand il caresse les locomotives tous les jours. « Nous avons l’amour du chemin de fer dans le sang.
Être cheminot, c’est d’abord une culture, au-delà de la technicité. Je suis très nostalgique de la période faste. Aujourd’hui, la taxation ne fonctionne plus. Les guichets non plus. Il n’y a que la sécurité qui s’active.
C’est différent du moment où il y avait les trains voyageurs, les trains de marchandises etc. », regrette Ama Diaw, la voix empreinte d’émotion. Toutefois, il dit sentir, aujourd’hui, une volonté politique réelle de l’État de relancer le chemin de fer.
« Mais il doit davantage impliquer les cheminots dans le processus. Je suis persuadé qu’avec l’actuel Directeur général, M. Kibili Touré, si l’on nous écoute un tout petit peu, les trains seront bientôt sur les rails », estime-t-il.
En dépit de l’arrêt de l’activité, en tout cas, en ce qui concerne le train Dakar-Bamako, les travailleurs ne se plaignent pas côté salaire. Ils sont toujours payés. « C’est l’occasion de remercier l’État du Sénégal et le Directeur général, M. Touré.
Il nous arrivait de rester trois mois sans salaire, mais actuellement, nous sommes mensuellement payés et à temps. Ceux qui sont partis à la retraite, il y a un an, ont reçu récemment leurs indemnités de départ. Les veuves ont aussi reçu leur argent », se félicite Ama Diaw.
Nostalgie d’un passé glorieux
Mais dans une gare, il n’y pas que des cheminots. Beaucoup d’autres y gagnaient leur vie. Adja Salla Gaye, vendeuse de cola, aujourd’hui installée vers le parking près du marché, a connu la belle époque du chemin de fer. « Il y avait beaucoup de départs par jour.
Certains prenaient la direction de Touba, d’autres Kaolack ou Saint-Louis. Il y a également les trains qui revenaient. Il y avait trois Express.
Les clients allaient et venaient, et nous nous faisions beaucoup d’argent. Mais tout cela n’est, aujourd’hui, qu’un vieux souvenir. Il n’y a plus rien à la gare. Nous prions tous les jours pour que les trains reviennent », se remémore cette vieille dame, dont le fils est, présentement, conducteur de train.
Avec l’arrêt du chemin de fer, ne voyant plus l’ombre d’un client, ces vendeuses de noix de cola ont été obligées de se tourner vers le marché. « Nous étions d’abord à l’intérieur de la gare.
En un moment donné, nous étions, ensuite, tellement nombreux qu’on avait fini par nous regrouper dans un seul endroit. À l’époque, le Directeur était un blanc, le chef de gare s’appelait Fodé », se rappelle Adja Salla. Nafi Gaye aussi a connu le temps de gloire du chemin de fer.
« Aujourd’hui, notre vœu le plus ardent est de revoir les trains sur les rails », soutient-elle. Comme qui dirait à l’État du Sénégal de presser le pas pour relancer, au plus vite, ce moyen de transport. Thiès est nostalgique de la belle époque du chemin de fer.
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Cheminots et fiers de l’être
Entre les cheminots et le rail, c’est une histoire d’amour qui ne meurt jamais. Entre beaux souvenirs, nostalgie et regrets, des ex-cheminots et des anciens se livrent.
THIES – Diaby Mbaye et Pape Massiré Kébé sont d’ex-cheminots. Ils l’ont hérité de leurs parents. Tous les deux ont passé près de 40 ans de leur vie au Chemin de fer.
Ils sont partis à la retraite sans jamais rompre la relation d’amour qui les lie avec l’entreprise qui a fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui.
Chaque jour, ils se rassemblent de l’autre côté, vers la maison d’Idrissa Seck, devant les locaux dénommés Mr (Matériel roulant) pour tailler bavette.
Mais quand le sort du Chemin de fer s’invite au débat, c’est à peine s’ils ne versent pas de larmes. « Honnêtement, je ne pense pas que le Chemin de fer puisse redevenir comme il était auparavant.
Comme disent les lutteurs, c’est avec l’argent du Chemin de fer qu’on nous a baptisés. Mon père était cheminot. Un matin, il m’a pris la main pour m’amener ici.
C’est comme ça que les choses se passaient à l’époque. Il n’y avait presque pas de chômeurs à Thiès », se rappelle M. Mbaye, en retraite depuis trois ans maintenant.
Selon lui, être fils de cheminot, à l’époque, signifiait être à l’abri du besoin. « Nous mangions bien et fréquentions de bonnes écoles. La coopérative marchait bien.
Chaque 25 du mois, une calèche passait à la maison pour déposer le ravitaillement. Tout le monde était content », se remémore Diaby Mbaye pour qui l’ambiance des années Chemin de fer leur manque aujourd’hui. Il dit prier tous les jours pour que les trains regagnent les rails.
Pape Massiré Kébé ne dit pas le contraire. « Mon père était cheminot, mes frères aussi. Mais j’avoue qu’au temps, c’était la belle époque. Je suis arrivé au Chemin de fer en 1980, étant très jeune.
À l’époque, à cette heure (vers 11 h), on pouvait trouver sur place quatre à cinq trains qui entrent. On pouvait en avoir jusqu’à dix par jour. Il n’était pas possible de discuter aisément comme on le fait actuellement du fait de la pollution sonore.
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Aujourd’hui, j’ai le cœur meurtri en voyant le Chemin de fer dans cet état », dit-il, le regard dans le vide. Mais, pour lui, il est toujours possible de redonner à cette entreprise son lustre d’antan.
« J’ai l’impression que les autorités ne connaissent pas bien le rail. La masse qu’un train peut transporter, il n’y a aucun autre moyen de transport qui le peut », estime-t-il.
Mouhamed Bachir Dia est toujours en activité, mais pas pour longtemps encore. Il a fait près de 39 ans de service.
« Quand je parle du Chemin de fer, j’ai des pincements au cœur et des regrets. Rien que le rail peut développer le Sénégal. On dit que 450 milliards de FCfa seront injectés pour l’emploi des jeunes.
Mais avec 150 milliards de FCfa mis dans le Chemin de fer, on peut employer 2000 jeunes de Dakar à Kidira. Sans compter les emplois indirects.
Nous qui sommes témoins du passé, quand nous voyons le Chemin de fer dans cet état, nous nous disons qu’il n’y a pas encore une vrai politique ferroviaire », pense-t-il. Il salue, toutefois, l’initiative de l’État de relancer le rail, mais à son avis, le chemin de fer ne devrait jamais s’arrêter.
Abdou Aziz Diallo, gérant du matériel roulant à la gare, se dit impatient de voir, à nouveau, le train sur les rails.
« Nous ne connaissons que cela. Et pour moi, seul le train peut développer le pays », déclare-t-il. Ces témoignages réconfortent le chef de la gare Ama Diaw qui disait qu’être cheminot, c’est avant tout une culture.
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La gare de Bel-Air nostalgique d’un passé à venir
En attendant la reprise du trafic entre Dakar et Tambacounda, l’heure est à la libération et à la sécurisation des emprises, à la gare de Bel-Air.
Une demi-douzaine d’ouvriers aux gilets fluorescents sont à pied d’œuvre sous le chaud soleil. Ils s’attèlent à la réalisation du passage à niveau. « Les travaux sur la voie seront achevés », explique Oumar Bâ, responsable de la voie métrique à Dakar.
L’équipe de douze personnes qu’il dirige est chargée des travaux de réfection de la voie métrique entre le PK0 et le PK17, c’est-à-dire entre la passerelle de la forêt de Mbao et le Port autonome de Dakar, soit 20 km, y compris les installations de Bel-Air.
M. Bâ et son équipe sont déjà à la dernière étape entre Hann et le Port autonome de Dakar. Même si la voie est toujours utilisée par les trains des miniers (Gco et Ics), ce tronçon de 3 km est « à surveiller » à cause du mauvais état du rail, explique le chef d’équipe.
Ce mardi 1er juin, la gare de Bel-Air est plongée dans une morosité à laquelle elle a fini par s’habituer. Aucun train ne siffle. Quelques wagons appartenant aux miniers tiennent lieu de décor. Sur le rond-point d’en face, un ballet continu de camions chargés de marchandises.
Probablement en partance pour le Mali. Pendant les années de gloire du chemin de fer, la belle époque comme disent les cheminots, la gare de Bel-Air assurait la connexion avec le port de Dakar pour le trafic de marchandises vers le Mali – la gare de Dakar, elle, était réservée au trafic de passagers.
« Nous sommes à l’arrêt depuis mars 2019, parce que nous n’avons plus de matériel roulant », explique Ousmane Badiane, chef de gare de Bel-Air. Comme tous les cheminots, l’homme parle avec passion.
On dit souvent que les cheminots ont un moteur à la place du cœur. En attendant la reprise du trafic annoncée par le Président Macky Sall avant la fin de l’année, le travail du chef de gare et de ses équipes se limite à sécuriser le périmètre de la gare qui, jusqu’à une époque récente, était sous l’emprise d’occupants illégaux : des badauds, des chiens errants, des épaves de camions, des cendres sur les rails… « Il y avait des gens qui brûlaient des pneus ici pour récupérer le fer », renseigne M. Badiane.
Il a fallu des opérations de déguerpissement pour libérer les emprises. « Nous avons dégagé tout le monde. Nous avons aussi installé une barrière et un poste de police pour filtrer les entrées et les sorties », explique Bikily Traoré, chef de la police ferroviaire de Bel-Air.
À la tête d’une équipe composée de huit éléments, il organise régulièrement des patrouilles pour éviter toute réoccupation illégale de l’espace.
« Nous avons repris ce qui nous appartient », renchérit Ousmane Badiane, convaincu qu’il y avait des gens « qui avaient programmé la mort du chemin de fer » pour se partager l’assiette foncière.
Mais sur les 24 hectares qui constituent la gare de Bel-Air, les 10 sont toujours occupés par des opérateurs privés, qui stockent des conteneurs. Il y a même une mosquée construite à l’intérieur par les riverains.
Aujourd’hui, l’heure est à l’optimisme. Le projet de relance du chemin de fer est sur de bons rails, à en croire nos interlocuteurs. Ils saluent l’engagement du Directeur général de la nouvelle Société nationale des chemins de fer du Sénégal (Sn-Cfs), Kibily Touré.
« Depuis son arrivée, l’espoir est là. Tous les travailleurs sont derrière lui pour les différents actes qu’il est en train de poser pour la relance du chemin de fer », commente Ousmane Badiane.
Cet employé des chemins de fer, depuis 1985, a assisté à la longue agonie du secteur. Aujourd’hui, il espère que le train va bientôt recommencer à siffler sur cet axe.
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Le Canada fait une offre de construction d’une nouvelle ligne
L’offre canadienne consiste en la construction d’une ligne à écartement standard de 656 km entre Dakar et Tambacounda, dont 194 km d’embranchement minier et industriel. Le tout sans garantie souveraine de l’Etat.
Après la signature d’un accord-cadre entre la Coopération commerciale canadienne et la Société nationale les chemins de fer du Sénégal (Sn-Cfs) pour la reconstruction de la ligne Dakar-Kidira en novembre 2020, il était attendu des Canadiens une offre spontanée. C’est désormais chose faite.
Le 25 juin dernier, une délégation du Pays de l’érable conduite par l’ancienne Gouverneur général du Canada, Michaëlle Jean, a présenté au Président Macky Sall le projet d’étude du projet lors d’une audience.
«Ce projet est capital dans l’esprit même du Pse, parce que cette infrastructure cruciale apportera l’impulsion nécessaire pour le développement du Sénégal et de nombre de secteurs stratégiques, notamment cette connexion essentielle sur le territoire», a expliqué Michaëlle Jean, cheffe de la délégation canadienne, saluant un moment «crucial».
Elle espère que ce projet de construction du chemin de fer au Sénégal pourra être l’un des projets marqueurs et de référence sur la mobilisation de fonds pour la construction d’infrastructures en Afrique engagée par le G7.
L’offre canadienne consiste en la construction d’une ligne à écartement standard de 656 km entre Dakar et Tambacounda, dont 194 km d’embranchement minier et industriel.
D’après Kibily Touré, Directeur général de la Société nationale des chemins de fer du Sénégal (Sn-Cfs), cette offre est révolutionnaire aussi bien dans le fonds que dans la forme.
Parce que, dit-il, «c’est la première fois que le Sénégal reçoit une offre de construction d’une nouvelle ligne avec la technologie à écartement standard à deux voies, avec un poids à l’essieu de 22,5 tonnes».
Mieux, cette offre ne fait pas appel à la garantie souveraine de l’Etat. «Donc à tout point de vue, c’est une offre inédite», dit-il.
Pour ce projet, le Canada, un pays qui s’est construit autour d’un chemin de fer qui traverse cet immense territoire, est venu avec son meilleur savoir-faire.
John Beek, le Pdg d’Aecon, le chef de file canadien en matière de construction d’infrastructures lourdes, nous expliquait dans un entretien en novembre dernier qu’il voyait dans ce projet l’opportunité de participer à un projet «exemplaire» pour le Sénégal et le continent.
«Nous avons été choisi par le gouvernement canadien pour représenter ses intérêts dans ce projet, parce que nous avons déjà réalisé plusieurs projets sous cette forme et à chaque fois cela a été une réussite […]
Nous avons beaucoup d’expérience dans les Ppp [Partenariats public-privé], une façon d’agir pour avoir le meilleur de chacun des partenaires», expliquait M. Beek.
En effet, plus qu’un partenaire technique, Aecon vient aussi comme investisseur, «de sorte qu’il n’y ait pas d’endettement pour l’Etat sénégalais».
C’est dans ce cadre qu’Aecon a noué un partenariat avec l’entreprise turque Suma qui a déjà réalisé plusieurs travaux au Sénégal et qui «amène une expérience réussie sur le terrain».
En plus de la reconstruction de la voie ferrée, l’autre chantier prioritaire consiste en l’acquisition de nouvelles locomotives. La Sn-Cfs en avait commandé six à Traxtion Africa, un groupe sud-africain spécialisé dans la fourniture des solutions ferroviaires.
La Covid-19 ayant empêché la délégation sénégalaise de se rendre à Pretoria en Afrique du Sud, une partie de la commande (3 des 6 locomotives) a été livrée, début février, au cours d’une cérémonie virtuelle.
C’est R&H Rail, une autre société sud-africaine d’expertise ferroviaire, qui a été mandatée pour évaluer l’état de ces trois premiers trains en raison des restrictions de voyage liées à la Covid-19.
Mais Cor Botha, Directeur de l’ingénierie chez R&H Rail, a confirmé la qualité des engins bien que les dernières inspections soient toujours en cours, renseigne l’agence Ecofin.