La Chine casse les dents de Washington. A quoi s’attendre?

Donald Trump a lancé la mise en œuvre de l’un des points principaux de sa campagne présidentielle: une guerre commerciale d’envergure contre la Chine.

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Connu pour être un président-showman, il n’a pas dérogé à la règle et a annoncé directement sur la chaîne YouTube de la Maison blanche l’adoption de restrictions commerciales et d’investissements (de facto des sanctions) contre la Chine.

L’objectif proclamé de Donald Trump, du moins à court terme, est de réduire le déficit commercial avec la Chine qui, selon les estimations américaines, est compris entre 375 et 504 milliards de dollars, ainsi que de sanctionner Pékin pour le «vol colossal de la propriété intellectuelle américaine».

Au niveau macroéconomique, l’enjeu est complètement différent: la Maison blanche veut rendre l’«Amérique grande à nouveau».

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La Chine a déjà préparé plusieurs contremesures et envoie des signaux clairs sur sa disposition à infliger un sérieux préjudice à l’économie américaine, voire à la stabilité politique des USA.

En dépit de la courtoisie soulignée de la position diplomatique officielle, la position informelle de Pékin est présentée de manière très ferme.

Hu Xijin, rédacteur en chef d’une grande publication de politique étrangère, a utilisé la formule suivante pour décrire les projets chinois: «Si tu coupes un morceau de ma chair, je te casse une dent de devant».

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En omettant l’exotisme et les images marquantes utilisées par les médias chinois, il est possible d’isoler et d’analyser plusieurs niveaux des contremesures éventuelles de Pékin. La réponse la plus rapide et la plus évidente dont parlent déjà les représentants officiels chinois est l’adoption de sanctions visant à infliger un préjudice davantage politique qu’économique.

Dans les semaines à venir déjà, des taxes prohibitives voire des interdictions directes frapperont les livraisons de soja américain en Chine, ce qui serait déjà une démarche importante.

La Chine est en effet le plus grand importateur mondial de soja, et chaque année l’Amérique lui en livre pour 12 milliards de dollars.

La cible principale de l’«embargo sur le soja» sont les fermiers américains, qui ont voté en nombre pour Donald Trump et risquent de faire faillite à cause des décisions de leur président.

La prochaine étape du plan de subversion de la stabilité politique américaine est d’imposer des restrictions contre les compagnies pour qui la Chine représente le principal marché à l’export et dont les capacités de production se trouvent dans les États qui ont soutenu Trump aux élections.

Les autorités chinoises pourraient d’ailleurs s’inspirer de la liste de Jean-Claude Juncker, qui a suggéré la même approche à l’UE après que Trump a adopté des taxes contre les compagnies européennes.

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La «liste Juncker» inclut des compagnies comme Harley Davidson, Levi Strauss & Co et des producteurs de bourbon. La Chine pourrait ajouter à cette liste la compagnie Boeing et le constructeur de voitures électriques Tesla Motors.

Les contremesures chinoises pourraient être très douloureuses, mais il est peu probable que la «guerre commerciale» s’arrête après cet échange de coups. Pour Donald Trump, toute issue qui ne serait pas un rétablissement de l’équilibre de la balance commerciale avec la Chine équivaudrait à une défaite.

Pour la Chine, toute manifestation de faiblesse encouragerait Trump à renforcer sa pression sur Pékin. A l’étape finale de la guerre commerciale contre les USA, il restera à la Chine deux instruments réellement efficaces pour influencer Washington. Les médias américains les définissent comme des «options nucléaires», c’est-à-dire des actions qui entraîneront des conséquences très graves à long terme, parfois incontrôlables.

La première «option nucléaire» serait une dévaluation instantanée du yuan, qui rendrait d’un coup inutiles les taxes prohibitives de Donald Trump et aurait pour effet d’écarter des marchés internationaux les produits américains importés au profit de la production chinoise meilleur marché.

Certes, Washington pourrait bannir toutes les importations chinoises sur le marché américain mais cela ne réglerait pas le problème de ses exportateurs et provoquerait une hausse de l’inflation aux États-Unis.

De plus, les tentatives de «redresser» la situation grâce à une dévaluation symétrique du dollar conduiraient à une pression supplémentaire de l’inflation et au déroulement d’une guerre monétaire dans laquelle les USA, la Chine et très probablement l’UE seraient contraints de réduire constamment le taux de leur monnaie pour protéger leur propre marché et préserver leur potentiel d’exportation.

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Dans ce scénario tout le monde serait touché, mais les sources chinoises indiquent à juste titre que la réserve de résistance de la Chine (la capacité des citoyens à supporter les difficultés économiques) est largement supérieure à celle des USA.

La seconde «option nucléaire» a été mentionnée par l’ambassadeur de Chine à Washington Cui Tiankai dans une interview à l’agence de presse Bloomberg. En répondant à la question de savoir si Pékin étudiait la possibilité de «réduire les achats d’obligations américaines» pour faire contrepoids aux agissements de Trump, l’ambassadeur a souligné: «Nous étudions toutes les possibilités. C’est pourquoi nous pensons que toutes les mesures unilatérales et protectionnistes seront nuisibles pour tous, USA y compris. Ces mesures porteront préjudice à l’activité quotidienne de la classe moyenne américaine, ainsi qu’aux compagnies et aux marchés financiers américains.»

Dans ce contexte, le portefeuille d’obligations américaines de plus de 1.000 milliards de dollars détenu par le gouvernement chinois est donc aussi une puissante arme financière.

C’est en partie la faute de Trump lui-même: à cause de la conjoncture politique complexe, il a d’abord procédé à une réforme fiscale et a lancé un plan d’investissement d’envergure dans l’infrastructure, et n’a commencé la guerre commerciale contre la Chine qu’ensuite.

Le fait est que pour boucher les trous dans le budget américain, qui ont augmenté à cause de la réforme fiscale et pour financer le plan d’infrastructure de Trump, il faudra sérieusement accélérer la vitesse avec laquelle les USA accumulent leur dette grâce à l’émission d’obligations publiques.

Les acteurs de Wall Street le savent, Pékin aussi. C’est pourquoi, pour infliger des dégâts conséquents aux USA, il suffirait simplement à la Chine de suspendre l’achat d’obligations américaines, sans parler de la possibilité qu’elle vende une partie ou tout son portefeuille d’obligations américaines.

Il y a quelques mois, des rumeurs non confirmées selon lesquelles Pékin comptait geler l’achat d’obligations américaines ont provoqué une légère panique sur les marchés. La décision officielle de suspendre l’achat ou de vendre le portefeuille chinois provoquerait, elle, une panique totale.

La Chine est le plus grand acheteur étranger d’obligations américaines et son retrait du marché pousserait Trump à choisir entre plusieurs mauvaises options: soit renoncer aux investissements d’infrastructure ambitieux, soit réduire les dépenses budgétaires dans d’autres secteurs, soit passer à la «monétisation des dettes» (quand des banques privées reçoivent des prêts de la Fed et achètent, avec cet argent fabriqué avec de l’air, des obligations publiques du ministère américain des Finances).

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Chaque option aurait des conséquences très négatives. En renonçant aux investissements d’infrastructure, les USA resteraient sans stimulations pour la réindustrialisation, alors que l’infrastructure américaine (affirment Trump et ses partisans) approcherait du seuil après lequel se trouve la menace d’une dégradation «jusqu’au niveau du Tiers monde».

En réduisant les dépenses budgétaires dans d’autres secteurs, cela conduirait soit à une révolte de la puissance industrie américaine de l’armement et à la dégradation de l’armée (en cas de coupes dans le budget militaire), soit à des protestations sociales et à la perte du pouvoir aux prochaines élections (en cas de coupes dans le budget social). Le financement de la croissance de la dette avec la planche à billets posera sans ambages la question d’une forte dévaluation du dollar et de la perte du statut dominant de la monnaie américaine dans le système financier international.

Le problème de l’application des «options nucléaires» est que dans le monde actuel globalisé, où toutes les grandes économies sont très étroitement liées, la déstabilisation de l’économie américaine entraînera des conséquences négatives imprévisibles pour le monde entier.

Ce qui jouera également contre la Chine elle-même, qui ne recourrait à ces mesures radicales uniquement s’il ne lui restait aucun autre choix.

Par ailleurs, les «options nucléaires» pousseraient de facto Donald Trump au pied du mur et pourraient rendre la tentation de régler les problèmes économiques par des méthodes militaires insurmontable.

Dans ce contexte, les vastes investissements de la Russie dans les armements de pointe, dont le président russe Vladimir Poutine a parlé récemment, sont la meilleure assurance contre les excès américains.

Mais on ignore ce que ferait la Chine si Trump décidait de «retourner la table des négociations» pour passer du conflit économique à une confrontation armée.

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