La politisation à outrance du pouvoir et son exercice clanique expliquent cet intense rush dont les candidats à la présidence font étalage.
Il n’y a pas longtemps, l’ancien juge et désormais politicien Ibrahima Hamidou Déme invitait les fonctionnaires à se lancer en politique pour changer le système. Le constat général, en quelques mois de l’élection présidentielle, est que la pléthorique de candidatures ne fait qu’expliquer l’énorme échec de ceux qui sont aux commandes depuis l’indépendance.
Le casting de cette course à la présidence fait apparaître 2019 profiles dont certains, ayant déjà du mal à se faire parrainer, comptent sur la probable déroute des autres pour être des « Survivants Désignés » ou « Président par Accident ». La nature a horreur du vide, n’est-ce pas !
Jamais dans l’histoire politique du Sénégal, autant de candidatures n’ont eu à se signaler et jamais, non plus, autant de fonctionnaires n’ont déclaré leur volonté de briguer le suffrage des sénégalais.
Plus que de l’ambition de diriger le pays, c’est un sentiment de dégoût, de mépris et une soif de vengeance qui animent cette armada de présidentiables.
En effet les tenants du pouvoir, dont certains, devenus riches comme Crésus se pavanent arrogamment comme pour narguer un peuple paupérisé, ont contribué au développement de ce sentiment de révolte.
Ces nouveaux hommes forts se dressent souvent sur leurs ergots chatouillant ainsi l’orgueil qui pendant longtemps dormait au plus profond des citoyens.
Wade ne s’était-il targué d’avoir créé des milliardaires oubliant visiblement que la majorité croupissait sous le poids de la pauvreté ?
Malheureusement sa chute n’a pas signé l’arrêt des pratiques peu catholiques qui se font dans la sphère des gens d’en haut qui se gavent des maigres ressources du pays.
Le tintamarre et l’excès d’appétit des dirigeants ont donc réveillé le génie renifleur de ceux qui faisaient semblant de dormir.
Même si le filtre du parrainage ne laissera pas fuiter les petits prétentieux et illustres inconnus, la course vers le palais révèle à chaque fois son lot de leçons sur la gouvernance finissante.
Dans ce rendez-vous de 2019, tous les candidats rêvent de miracles pour devenir un autre
« Président par Accident » ou un « Survivant Désigné ».
Macky Sall, la traversée du désert d’un futur « président par accident »
En 2008, quand il créait son parti, personne n’aurait mis une pièce sur la candidature de Macky Sall à l’élection de 2012 encore moins sur sa victoire.
Son mandat de député arraché par Wade, Macky était devenu un simple maire à la tête d’une commune qui ne pesait pas lourd sur le plan électoral.
Ce fut le purgatoire d’un héros qui a connu tous les succès ou presque devenu un zéro en moins d’un an pour avoir provoqué l’ire du pape du sopi.
Un an plutôt, faut-il le rappeler, Macky Sall était directeur de campagne du président sortant. Contrairement aux héros, « les zéros » peuvent faire un travail de fourmi avec beaucoup de tact et sans tambours ni trompettes.
Voilà comment, après avoir sillonné tout le pays, le futur candidat Macky Sall deviendra le héros lors des échéances de 2012.
Paradoxalement à sa trajectoire, son règne donnera des idées à tous ceux qui n’ont jamais rêvé d’être président et qui désormais pensent pouvoir être comme Mayz Gilliam un « Président par Accident ».
Le candidat Macky Sall, lui-même, se verrait dans l’histoire de ce conseiller municipal, un personnage sorti de nulle part dont rien ne présageait la victoire finale.
Ousmane Sonko, Ibrahima Dème, Ngouda Fall Kane etc., la sanctification des « bannis » de l’administration
Comme Macky Sall qui a été injustement combattu, le leader du PASTEF a connu des zones de turbulence dans sa carrière.
La liquidation dont il fait objet lui a été aussi malencontreuse que bénéfique puisqu’elle lui permettra de devenir député après avoir été radié de ses fonctions d’inspecteurs des impôts.
Choisi comme héros par ses partisans après que le pouvoir l’a réduit à zéro, Ousmane Sonko pense naturellement qu’il peut venir à bout de ce système qu’il ne lâche d’une semelle et qu’il traîne dans la puante boue du pétrole.
En 2019, il aura des arguments à faire valoir pour être un héros sans conteste et non le « zéhéros », ce type de mauvaise foi que ses adversaires le taxent d’être.
A l’instar du patriote en chef, l’ancien fonctionnaire et juge, Ibrahima Hamidou Déme, héroïsé pour avoir claqué la porte de la magistrature et « zéro-isé » dans le même temps par la majorité présidentielle se servira de cette élection comme tribune, avec les temps d’antenne à la télévision, pour faire le diagnostic sans complaisance de ces goulots d’étranglement qui étouffent la justice.
Au bout du fossé, la culbute ! Même si sa candidature se buttera indubitablement contre l’infranchissable montagne du parrainage, sa simple déclaration aura le mérite de susciter une réflexion comme cela a été le cas depuis sa démission.
C’est la même lecture qu’il faut faire des déclarations de candidatures d’autres anciens fonctionnaires tels que l’ancien DG des Douanes Boubacar Camara, l’ancien inspecteur de l’IGE Ngouda Fall Kane, l’ex capitaine Mamadou Dièye entre autres.
Qu’elles passent ou non, les candidatures déclarées de ces anciens fonctionnaires ont la magie de révéler que ces anciens héros de l’administration (parce qu’ayant occupé de très hautes fonctions) devenus plus ou moins « zéros » par la force des choses (démission ou retraite) abhorrent complètement la gestion malsaine Des affaires publiques par la majorité actuelle.
Idy, Gackou, Hadjibou, Madické, dans le rôle de « Survivant désigné »
Avec l’élimination très probable de Khalifa Sall et de Karim Wade, d’autres candidats peuvent bénéficier du soutien de leur électorat s’ils survivent face à la loi sur le parrainage.
L’absence du désormais ancien maire de Dakar pourrait profiter à Idrissa Seck qui lui a témoigné tout son soutien pendant son procès et aussi à Malick Gackou qui pourrait jouer la carte de l’idéologie socialiste.
Les différentes sorties des chefs de REWMI et du Grand Parti sur le cas Khalifa Sall pourraient naturellement contribuer, pour chacun en ce qui le concerne, à la redistribution des cartes entre les deux prétendants à la magistrature suprême même si l’ancien édile n’a pas encore son « survivant désigné ».
Ce statut de « survivant désigné », c’est-à dire de candidat par défaut prend une plus nette forme avec la toute récente décision de Maitre Madické Niang à se lancer dans la course en remplacement à Karim Wade, empêché.
Le PDS, qui s’est borné à croire pendant longtemps à une candidature chimérique, semble se faire désormais une religion quant à l’impérativité d’un plan B s’il veut être de la partie.
Le rejet de la candidature de Wade fils ne fera pas que profiter à Madické Niang. Les candidats qui se réclament de la famille libérale, y compris Idrissa Seck et Hadjibou Soumaré, peuvent espérer en tirer le maximum de profit possible.
Ces deux hommes politiques rompus à la tâche, mais aux trajectoires politiques à tous points opposées, continuent d’avoir l’affection d’une importante frange des libéraux.
Dans l’hypothèse où Karim ne serait pas candidat, il faut oser croire que le report des voix ne se fera pas automatiquement en faveur de Madické Niang. Parce que non seulement sa candidature ne sera pas consensuelle au sein du PDS mais aussi l’aura dont bénéficie Karim dépasserait de très loin le sien.
Les « survivants désignés » pour le parti libéral, ceux qui pourraient bénéficier de ce report automatique de voix, seront nombreux et effriteront ainsi les résultats de l’opposition qui n’aura peut-être pas la même chance que Tom Kirkman pour remplacer l’actuel locataire du palais.
Ababacar GAYE
ababacarguaye@yahoo.fr