La vie est sacrée. Une utopie pour les talibés errants. Mais elle tend à devenir (presque) banale avec les meurtres et assassinats qui rythment notre quotidien.
La bagarre ayant opposé deux talibés et viré au drame, il y a quelques jours, est passée presque inaperçue. Du moins, elle n’a pas été aussi médiatisée.
Au cours d’une altercation à Grand Yoff, le 24 avril dernier, A.D (13 ans) a asséné un violent coup à Al. D (12 ans) qui est décédé sur le coup.
Le présumé meurtrier voulait délester un autre talibé âgé de 8 ans de sa quête journalière ; d’où l’intervention de la victime. Une bagarre a éclaté entre les deux enfants et le pire n’a pu être évité.
Les premiers éléments de l’enquête précisent que les protagonistes sont des «talibés errants».
Mais le plus révoltant, c’est que ces innocents n’ont aucune attache, ne sont sous aucune tutelle à Dakar.
À leur arrivée dans la capitale, ils étaient logés dans un daara et aujourd’hui, n’étant dans aucune école coranique, ils sont, par la force des choses, devenus des «talibés errants».
Talibés errants …
Ce glissement sémantique semble n’émouvoir personne. Au contraire, il montre toutes les contraintes relatives au retrait des enfants (talibés) de la rue.
Au-delà de l’émotion que cela devrait susciter, ce drame repose la lancinante question des enfants de la rue. Le peu d’intérêt que les médias ont accordé à ce fait divers démontre que ce phénomène de notre époque résistera encore au temps.
Cette insouciance face à la souffrance de cette couche vulnérable porte la responsabilité collective de toute la société.
Cette amnésie devant le spectacle désolant d’enfants errants qui peuplent quotidiennement nos artères et jardins publics ne doit pas perdurer.
Sans abri, sans soutien et sans ressources, les enfants de la rue sont réduits au stade de la simple survie.
Ils sont livrés à eux-mêmes, exploitables et exploités à souhait, condamnés à vivre en bandes, livrés au vol, à la drogue, etc., souvent à la merci d’adultes sans scrupules.
Lors du Conseil des ministres du 21 juin 2016, le Chef de l’État avait saisi l’occasion de la célébration de la 29e édition de la Semaine nationale de l’Enfant «pour réaffirmer la priorité qu’il accorde à la mise en œuvre consensuelle du plan d’actions issu de la Stratégie nationale de Protection de l’Enfant, en particulier la santé maternelle et infantile, la scolarisation et l’éducation des enfants».
C’est alors que l’État avait lancé la campagne «retrait des enfants de la rue» en juin 2016 pour la première phase, puis en février 2018 pour la deuxième.
Et au premier trimestre de 2021, 5 333 enfants ont été retirés de la rue selon les chiffres du ministère de la Famille, de la Femme et du Genre.
Les 3 500 ont été retournés à leurs familles, tandis que le reste était constitué d’enfants non Sénégalais, mais également d’enfants qui étaient retournés dans les daraas.
Certes, la volonté politique est là, palpable, mais force est de reconnaître que cette équation est loin d’être résolue. Ce qu’il faudrait, pour relever les défis, c’est bâtir une société respectueuse des droits de l’enfant. Il y va de l’avenir de notre pays.
Car, comme l’a si bien rappelé le Directeur de la promotion et de la protection des droits des enfants, Niokhobaye Diouf, dans un entretien accordé au quotidien «Le Soleil» : «La place de l’enfant n’est pas dans la rue».
La responsabilité de l’État, des parents, de la communauté, c’est d’offrir un cadre d’éducation à nos enfants, de forger et de former des citoyens capables de prendre la relève et de faire face aux exigences de leur société.
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Pour les enfants en rupture familiale, livrés à eux-mêmes, il est impératif d’appuyer les structures de prise en charge en ressources humaines (recrutement d’éducateurs spécialisés, formateurs et animateurs) et de déployer les moyens logistiques pour leur meilleure prise en charge et encadrement. C’est le seul moyen de les sauver d’une dépravation rampante.