Schiappa sera-t-elle soutenue par Blanquer? Question ! Cette interrogation a fait le tour de l'actualité du web et des réseaux sociaux. De nombreux sites s'en prennent à l'intervention faite en juillet sur RMC par la secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa demandant que les "trois séances d'éducation sexuelle par an" prévue par la loi soient effectivement mises en place.
Comme il est indiqué aussi par "Le Monde", "depuis la promulgation, le 3 août, de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes , de nombreuses intox prolifèrent sur les réseaux sociaux véhiculées par des sites liés à l’extrême droite comme ''La gauche m’a tuer'' ou ''Boulevard Voltaire ''.
''Après le temps périscolaire, le temps sexiscolaire », « les pédophiles vont se frotter les mains »…Et "Le Monde" précise à juste titre que la prescription de "trois séances d'éducation sexuelle par an" ne date pas de la loi Shiappa du 3 août 2018. Que dire de ce passé qui passe difficilement?
Un silence de plomb a longtemps prévalu, à l’Ecole comme dans la quasi totalité des familles.
Mais à la suite de l’effervescence de mai 68 et des années qui ont suivi ( et en raison notamment de la propagation dans les lycées du tract d’un « Comité d’action pour la libération de la sexualité » animé par le docteur Carpentier, « Apprenons à faire l’amour » ), il n’est alors plus apparu tenable qu’aucune information ou éducation sexuelle ne soit donnée à l’Ecole.
En 1973, le ministère de l’Education nationale dirigé alors par le démocrate-chrétien Joseph Fontanet opère un clivage fondamental entre « l’informationsexuelle » (scientifique, intégrée aux programmes, pour tous les élèves) et « l’éducationsexuelle » (facultative, en dehors de l’emploi du temps obligatoire, avec ou sans autorisation des parents selon qu’il s’agit du premier ou du second cycle de l’enseignement secondaire).
Changement radical de principe au début du XXI° siècle. Les dispositions de l’article 22 de la nouvelle loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception complètent le Code de l’éducation par un nouvel article (et il est remarquable que ce soit à l'occasion de cette loi) : « une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ».
La circulaire d’application préparée sous le gouvernement Jospin paraît le 17 février 2003 sous le gouvernement Raffarin, sans modification sensible (ce qui est non moins significatif de ce tournant majeur).
La circulaire insiste sur le fait que la loi (du 4 juillet 2001) a désormais « confié à l’Ecole une mission éducative dans le champ bien spécifique de l’éducation à la sexualité ».
« Cette démarche est d’autant plus importante qu’elle est à la fois constitutive d’une politique nationale de prévention et de réduction des risques (grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, VIH/sida) et légitimée par la protection des jeunes vis-à-vis des violences ou de l’exploitation sexuelles, de la pornographie ou encore par la lutte contre les préjugés sexistes […].
Ces pratiques éducatives impliquent une nécessaire cohérence entre les adultes participant au respect des lois et des règles de vie en commun qui s’exercent aussi bien dans le cadre de la mixité, que de la lutte contre les violences sexistes et homophobes contraires aux droits de l’homme […].
Dans les enseignements, à tous les niveaux, les programmes des différents champs disciplinaires ( tels que la littérature, l’éducation civique, les arts plastiques, la philosophie, l’histoire, l’éducation civique juridique et sociale…) offrent, dans leur mise en œuvre, l’opportunité d’exploiter des textes ou des supports en relation avec l’éducation à la sexualité selon les objectifs précédemment définis ».
On connaît la suite, les ''valses hésitations'' dans les applications effectives et les rebondissements actuels...
Parmi les plus récents, on peut citer le rapport du Haut Conseil à l'égalité paru en juin 2016 (et que j'ai déjà cité dans un billet paru sur Médiapart le 21 novembre 2017): "l’impulsion donnée fin 2012/début 2013 sur l’éducation à l’égalité est de courte durée, freinée par les mobilisations réactionnaires contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans un premier temps, puis contre la sensibilisation à l’égalité filles-garçons et l’éducation à la sexualité [...].
Les mots d’ordres sont divers et rejettent la déconstruction des stéréotypes sexistes et de l’hétéronormativité [...]
Dès le mois de décembre, le dispositif « ABCD de l'égalité » fait l’objet de rumeurs infondées et mensongères via messages SMS et sur les réseaux sociaux, appelant à une « journée de retrait » (JRE) des enfants de l'école, une fois par mois [… ].
Ces « JRE » auront surtout un impact politique : le 25 juin 2014, quelques jours avant la publication du rapport d'évaluation produit par l’IGEN, Benoît Hamon annonce que les ABCD de l’égalité seront remplacés par un plan d'action pour l'égalité filles-garçons à l'école.
Ce revirement est vécu comme un recul, aussi bien par les syndicats d’enseignant.e.s et de lycéen.ne.s que par les associations de terrain, qui vient délégitimer le rôle de l’école sur cette question ».
Le ministre actuel de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer fera-t-il preuve de la détermination nécessaire en soutien de la Secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa? A suivre...