Face-à-face entre manifestants et policiers le 2 mai 1968, boulevard Saint Michel à Paris

Cinquante ans après les barricades du quartier latin et l'occupation des usines Renault, les Français ont d'ailleurs tranché: 79% d'entre eux reconnaissent au mouvement des conséquences positives, selon un sondage Harris-Interactive paru début février.

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"Cela contraste avec plusieurs politiques ou intellectuels qui se sont appliqués à dénoncer 68", s'enthousiasme Boris Gobille, maître de conférences en sciences politiques à l'ENS Lyon et spécialiste de la période, en visant par exemple Alain Finkielkraut ou l'ex-ministre de l'Éducation Luc Ferry.

Car chez les politiques français, le sujet demeure toujours clivant: dans un discours de campagne, en 2007, Nicolas Sarkozy voulait "liquider l'héritage de Mai-68", responsable selon lui d'un "relativisme intellectuel et moral". Cinq ans plus tard, François Hollande saluait au contraire "les piétons de Mai-68, qui marchaient la tête dans les étoiles et avaient compris qu'il fallait changer".

- L'impossible consensus -

Tout est politique? En tout cas pas la commémoration de l'événement, que le pouvoir politique a finalement renoncé à organiser.

"En le commémorant, on donne le sentiment d'une forme de récupération", estime Boris Gobille, en pointant l'impossible consensus, même à réduire la célébration à ses seuls contours festifs et libertaires.

A l'automne, il s'agissait pourtant, "sans dogme, ni préjugés", de "réfléchir sur ce moment et en tirer des leçons qui ne soient pas +anti+ ou +pro+", avait expliqué l'entourage du président de la République, qui constatait que "nous n'avons plus vraiment d'utopies et vécu trop de désillusions".

L'idée a été abandonnée un mois plus tard.

"Certains modes d'action ont flirté avec l'illégalisme: c'est difficilement appréciable pour n'importe quel pouvoir", observe Boris Gobille. Sa collègue Ludivine Bantigny abonde: "Que l'État imagine une seule seconde commémorer une grève générale, avec des occupations, dans une logique opposée à celle du marché, tout de même..."

Emmanuel Macron, né neuf ans après les événements, ne songeait-il qu'au 68 de la libération des mœurs, "un Mai-68 romantique", sociétal, "une vision extrêmement superficielle, mélange de candeur et de méconnaissance, qui ne sont que les clapotis de la vague", comme le suggère l'universitaire? "Peut-être", répond-elle.

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