Toute l’histoire commence avec Gregory Bateson. Né en 1904 cet anthropologue américain étend très vite ses études à des domaines aussi variés que l’ethnologie, les mathématiques ou la psychanalyse. Cela explique sans doute que c’est sous son impulsion qu’un groupe de chercheurs venus d’horizons différents (anthropologie, psychiatrie mathématique éthologie,) décida en 1942 de se constituer en Réseau informel, ignorant les frontières des universités comme celles des disciplines.
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« L’Ecole de Palo Alto » est une étiquette commode pour désigner un groupe de chercheurs d’origines scientifiques diverses (psychologie, psycho- sociologie, sciences de l’information et de la communication) qui, à un moment donné de leur existence, ont travaillé à Palo Alto, petite ville de la Californie, à partir des années 1950.
L'école a été fondée par Gregory Bateson avec le concours de Donald D. Jackson, John Weakland, Jay Haley, Richard Fisch, William Fry et Paul Watzlawick.
Une méthode originale d’appréhender les « maladies de l’âme » qui se distingue de l’approche psychanalytique freudienne : elle se veut de courte durée, elle s’intéresse à l’individu pris dans son environnement, et le thérapeute y assume un rôle actif comme élément provocateur de changement.
Les travaux de ce groupe se sont orientés selon trois grandes directions de recherche : une théorie de la communication, une méthodologie du changement et une pratique thérapeutique.
Leur but :
- étudier les effets de la communication sur l’être humain ce qu’ils appelèrent
plus tard la pragmatique de la communication.
Histoire de Palo Alto et de son collège invisible
La constitution d’un réseau informel dit aussi collège invisible offrait une souplesse de fonctionnement que n’aurait pas permis la création d’une nouvelle discipline universitaire.
En effet grâce à ce système chaque chercheur pouvait poursuivre ses recherches à partir de principes fondateurs à leur école mais dans un sens personnel. Il pouvait ensuite confronter et comparer leurs travaux avec les autres membres dans un souci de dialogue permanent, s’enrichissant les uns des travaux des autres.
L’interdisciplinarité de ce collège permit des études aussi diverses que les liens qui pouvaient exister entre la communication humaine et l’éthologie (comme catherine Hayes), les effets que pouvait avoir l’usage du paradoxe sur l’homme (Bateson) ou le langage propre au silence (Edward T. Hall).
Les travaux de l’école de Palo Alto sont trop nombreux et divers pour être ici évoqués de manière exhaustive. C’est pourquoi je m’attacherais essentiellement à définir le cadre d’étude de ce collège c-a-d : la pragmatique de la communication.
La pragmatique de la communication
[caption id="attachment_1683" align="aligncenter" width="968"] bateson team[/caption]La pragmatique de la communication c’est la manière dont s’établit la communication, comment elle s’exerce ou ne s’exerce pas, quels en sont les codes et coutumes et surtout comment elle agit sur les individus.
a- Shannon
Aujourd’hui un sujet d’étude comme celui-ci peut paraître banal. Mais à l’époque de la naissance de l’école de Palo Alto, en matière de théorie de l’information et de la communication le modèle de Weaver inspiré des théories de Shannon prédominait.
Rappelez vous, ce modèle est basé sur l’idée que l’information a un contenu fixe émis par un émetteur et reçu par un récepteur. Même si Shannon introduit la notion de parasitage (les bruits) il part du principe que le récepteur reproduit exactement le même contenu et la même interprétation que l’émetteur. Il n’y pas d’interaction dans ce modèle, il y a juste une transmission de message.
b- Wiener
Or dans la théorie de la pragmatique de la communication, ce qui intéressent les chercheurs se place du côté du comportement des individus face à la communication d’autres individus. C’est pourquoi, prenant le contre-pied du modèle de Shannon, l’école de Palo alto adopte celui de Wiener.
En effet Wiener avait été le premier a émettre l’idée de rétroaction et donc de modèle circulaire. Selon lui chaque élément intervenant dans la communication ne pouvait pas être pris isolément des autres puisqu’ils rétro- agissaient les uns sur les autres.
c- la théorie des systèmes
Cependant l’école de Palo Alto ne se contenta pas de reprendre le principe de rétro action. S’inspirant de la théorie des systèmes elle introduisit l’idée que le mode lui-même de communication variait selon plusieurs facteurs comme le type de relation que les individus entretenaient ensemble ou le fait qu’ils n’aient pas forcément le même affect avec les mots et les manières.
Par exemple si je vous demandais qu’est ce que c’est l’amour nous retrouverions très vite sur le plateau de c’est mon choix mais sans evelyne thomas.
Alors qu’il existe une définition très clair de ce mot dans le petit robert, l’amour selon le petit robert, c’est une disposition favorable de l’affectivité et de la volonté à l’égard de ce qui est senti ou reconnu comme bon , diversifié selon l’objet qui l’inspire. Facile à définir l’amour non ?
Evidemment non en tout cas pas pour moi. Je ne reconnais pas l’amour dans cette définition et j’espère que vous non plus d’ailleurs.
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Tout ceci encore une fois peut paraître une évidence. Mais à l’époque cela constituait une véritable petite révolution dans le monde des théories de la communication.
Le contenu du message passait soudain en second plan et c’est le contexte qui devenait primordial. Pour en revenir à l’exemple de l’amour si j’aborde le sujet avec ma meilleure amie, je n’exprime pas forcément la même chose que si j’aborde l’amour avec mon petit ami. Il s’agit pourtant toujours d’amour mais le contexte change.
Et c’est ce contexte dans lequel la communication à lieu que le collège invisible va tenter de déchiffrer puis de modéliser en se servant des ressources de son interdisciplinarité.
Le cadre de référence de la théorie
S’inspirant de l’épistémologie, les chercheurs posèrent d’abord comme hypothèse qu’il existait un code non formalisé de la communication. Et que si les règles de ce code étaient correctement observées la communication était bonne. Dans le cas contraire, elle pouvait aller jusqu’à être rompue (le paroxysme de cette rupture étant la schizophrénie qui se caractérise par le refus de communiquer)
Partant de ce postulat, ils fixèrent 5 axiomes de bases permettant d’éclairer la communication entre les individus à l’intérieur de systèmes différents..
Le Premier axiome formulé par le collège invisible fut le fameux : « On ne peut pas ne pas communiquer »
En effet selon le collège invisible tout comportement induit une communication. Y compris le silence, ou l’indifférence. Par exemple si je m’assois dans un coin de la classe en restant silencieuse et concentrée sur moi-même, les autres comprendront très bien le message que j’envoie et réagiront logiquement en me laissant tranquille. Cela veut dire que quelque soit mon comportement il a une signification pour les autres (qui varient aussi selon ses « autres » et on revient sur l’effet de rétroaction).
Le 2ème axiome est que Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier et par suite est une méta communication à priori la parole est la manière la plus simple de communiquer. Si je vous dis des phrases ordonnées qui ont un sens comme « j’adore faire des exposés. » (ton gêné) , vous allez me comprendre.
Et comme vous me connaissez un peu vous penserez sûrement que c’est de l’auto-dérision. De la même manière si je dis « j’adore faire des exposés » (ton passionné) à mon psy, il pensera sûrement que c’est la vérité. Non pas parce qu’il me connaît forcément mieux mais parce que notre mode de relation et ma manière de m’exprimer seront différents. Un peu comme dans mon exemple avec l’amour
Le contenu dans cet axiome signifie donc simplement ce que l’on veut dire. La relation c’est la manière de le dire et la personne a qui on le dit. Et La méta communication, le contexte général qui entoure les mots et qui les font vivre.
3ème axiome : « La nature d’une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre les partenaires »
La séquence c’est tout simplement les moyens que vont mettre en œuvre les partenaires d’une communication pour qu’elle celle-ci continue. Une bonne ponctuation des séquences permettrait par exemple une certaine continuité dans les relations entre les partenaires. Une mauvaise communication au contraire pourrait rompre l’échange. Et donc par la même l’interrompre.
4ème axiome : « Les êtres humains usent de deux modes de communication : digital et analogique. Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode, mais manque d’une sémantique (*) appropriée à la relation. Par contre, le langage analogique possède bien la sémantique, mais non la syntaxe (*) appropriée à une définition non-équivoque de la nature des relations »
Le quatrième axiome en réalité souligne simplement que dans une relation, la meilleure façon de se faire comprendre des autres n’est pas forcément d’utiliser une communication digitale cad verbale).
Par exemple si je vous raconte comment je me suis disputée ce matin avec mon petit ami, vous allez comprendre ce que je dis mais vous n’allez peut être pas saisir la douleur qu’à pu provoquer une telle dispute.
Par contre si je m’effondrais à l’instant en sanglotant sur cette table, sans dire un mot, vous comprendriez immédiatement que je suis malheureuse, que je souffre mais pas forcément pourquoi je suis dans un tel état. Parce que mon mode de communication serait justement non verbale c-a-d analogique
5ème axiome : "Tout échange de communication est symétrique ou complémentaire, selon qu’il se fonde sur l’égalité ou la différence »
Dans le cinquième et dernier axiome, le collège invisible met encore une fois l’accent sur la relation des interlocuteurs. Pour eux elle reste essentielle et déterminante dans l’émission d’un message quelqu’il soit. Si les interlocuteurs se trouvent dans une situation de rivalité (appelé communication symétrique), ou au contraire dans une situation amicale ou de coopération, le message ne sera forcément pas perçu de la même manière
L’air de rien, c’est grâce à ces axiomes à la fois souples et précis que l’école de Palo Alto pu élargir considérablement la notion de communication. Elle fit de cette dernière un phénomène dynamique et participatif. Un acte de création ou du moins un acte créatif.
Voilà pour l’aspect théorique. Mais le principe même de la théorie est de trouver des domaines d’application. Or malgré l’interdisciplinarité du collège invisible, celui-ci, s’intéressa dès le début plus particulièrement aux troubles mentaux et c’est grâce à eux d’une certaine manière que ces théories se vulgarisèrent.
Notamment par l’invention des thérapies familiales qui partant du même principe qu’on ne peut pas prendre les individus isolément dans un acte de communication (puisque communication = relation) , on ne peut pas comprendre un individu allant mal sans le replacer dans un système plus large comme celui du couple ou de la famille.
Entre 1942 et 2004 les théories de l’école de Palo Alto ont définitivement acquis une certaine légitimité dans le domaine de la communication. Elles ont aussi agrandit le cercle de leur application à des disciplines comme le marketing, le lobbying ou la communication d’entreprise et les relations presse. De ce point de vue elle représente un atout considérable pour nous en tant que communiquant.