Les vendredi 03 et samedi 04 janvier 2020, l’ancien président Laurent Gbagbo et Affi N’Guessan, président légal du FPI, se sont rencontrés à Bruxelles, en Belgique, où le premier réside dans l’attente d’un procès en appel après son acquittement contesté par le procureur de la CPI, la juriste gambien Fatou Bensouda.
La rencontre entre Gbagbo et Affi intervient après le rendez-vous manqué du 22 mars 2019 qui avait tourné à l’humiliation pour le second.
Celui-ci n’avait pas caché son ire de retour de Paris où il avait fait escale avant que ne soit consommé l’échec de la rencontre entre son ancien patron et lui.
Le lendemain, samedi 23 mars 2019, il organisait la riposte face à la presse. Voici le compte-rendu du confrère l’Expression présent ce jour-là. ‘’Pas question de reconnaître Laurent Gbagbo comme le président du Front Populaire Ivoirien.
Tel est le principal message de Pascal Affi, qui n’y est pas allé du dos de la cuillère face à la presse le samedi 23 mars 2019, après son rendez-vous manqué avec Gbagbo à Bruxelles.
‘’Ni aujourd’hui, ni demain, je ne reconnaîtrai le président Laurent Gbagbo, président du FPI’’, a déclaré amer Affi N’guessan. Très remonté, le député de Bongouanou a aussi soutenu qu’il peut de sa propre initiative décider de se retirer de la direction du parti au profit d’un autre cadre du Front populaire ivoirien y compris le président Laurent Gbagbo.
Mais on ne peut pas lui dire que Gbagbo est président du FPI et puis il va accepter. ‘’Le président Gbagbo a tort de penser qu’il est le président du parti. Il faut que nous nous disions la vérité. J’avais même dit que je devais rester discret quant à cette rencontre.
Il (Emmanuel Akah Ndlr) m’a dit que tu peux l’annoncer. C’est pourquoi l’information a été rendue publique. Je suis arrivé, on dit que Gbagbo a décidé que tu fasses une déclaration.
Avec suffisance comme si j’étais un prisonnier. Je dis, mais quelle déclaration ? Je leur (AssoaAdou et Emmanuel Akah) ai dit que je ne peux pas faire une déclaration de cette nature parce que le président Gbagbo n’est pas président du FPI.
Ce n’est pas par une déclaration qu’on devient président. Si c’est l’unité du parti qu’on recherche, laissons cette affaire de déclaration. Moi je suis venu ici pour l’unité du parti. On a discuté on ne s’est pas entendu et on s’est quitté’’, a-t-il poursuivi.
Et d’ajouter : ‘’Que le président Gbagbo soit à la base de la division du FPI ou pas, moi je ne veux pas me prononcer dessus. En définitive, je dis ce n’est pas le FPI qui l’intéresse, mais c’est l’assassinat politique d’Affi qui l’intéresse.
Et c’est pourquoi, je leur ai dit que même si je fais cette déclaration, le président Gbagbo ne va pas me recevoir. C’est en fait ça le piège. Un traquenard qui avait été concocté à Paris’’, avait-il analysé.
Il l’a dit, ce qui l’intéresse, lui, c’est l’unité du FPI et non la présidence du parti.
‘’C’est un traquenard qui avait été concocté à Paris’’, s’était emporté Affi
En revanche, ce qui l’a mis hors de lui, c’est qu’on ait voulu l’assassiner politiquement, parce que c’est de cela qu’il s’agissait, in fine. Et ça aussi, il l’a clairement perçu et compris. C’est pourquoi, il n’a pas hésité à parler de ‘’piège’’ et de ‘’traquenard’’.
En d’autres termes, pour faire simple, il n’était pas exclu, qu’après lecture de la déclaration, conformément au souhait de Laurent Gbagbo, le secrétaire général Assoa Adou, l’un des plus irréductibles contempteurs d’Affi, envoyât paitre ce dernier, reportant la rencontre entre Gbagbo et son ancien Premier ministre sine die.
Cela aurait non seulement été un gros camouflet pour le président du Conseil régional du Moronou mais, politiquement, il serait ‘’mort’’.
C’est cette ‘’chausse-trappe’’ qu’a esquivée le Lion du Moronou qui, pour le coup, a fait preuve d’une intuition phénoménale en voyant le coup venir.
Au reste, ce ne serait pas la première, ni la dernière fois que Gbagbo aurait manqué à sa parole. Le général Robert Guéi ne lui a-t-il pas donné le sobriquet peu mélioratif de ‘’boulanger’’ en raison de sa propension à ‘’rouler les gens dans la farine’’ ?
Affi aurait été la énième victime d’une longue liste de personnes ‘’abusées’’ par le Woody de Mama nullement gêné par tant de roublardise. N’a-t-il pas assuré, pince-sans-rire, que ‘’les promesses n’engagent que ceux qui y croient’’ ?
Les relations entre Gbagbo et Affi n’étaient donc pas au beau fixe, cela va sans dire. Mais, ô surprise, depuis le samedi 04 janvier 2020, la tendance semble s’être inversée, puisque les deux hommes se sont rencontrés, on l’a dit.
Mais ce que l’on sait moins, ce sont les motivations de ce rapprochement aussi soudain que surprenant. Il n’a échappé à personne, au demeurant, qu’après la mort d’Abou Drahamane Sangaré, ‘’gardien du Temple’’, Laurent Gbagbo avait coupé l’herbe sous les pieds de son épouse légale Simone Ehivet Gbagbo.
De fait, alors que, statutairement, la présidence intérimaire du FPI devait échoir à cette dernière, l’ancien chef d’Etat a pris tout le monde de court en reprenant les choses en main, assurant que tout devait désormais dépendre de lui.
Or, il était encore dans les liens de la détention à la Cour pénale internationale. L’on a alors compris qu’il y avait de l’eau dans le gaz au sein du couple Gbagbo.
Dans la foulée, l’on a aussi appris que ledit couple était au bord de l’implosion et que l’époux songeait sérieusement à divorcer.
C’est dans cette ambiance délétère que Laurent Gbagbo a été acquitté puis libéré…sous conditions avant de rallier Bruxelles, la capitale Belge, où réside sa seconde épouse Nadiana Bamba connue sous le sobriquet Nady Bamba.
Et, alors que l’on s’y attendait le moins, voilà qu’un matin, les réseaux sociaux diffusent une photo de Gbagbo flanquée de Nady, se dirigeant vers ce qui a été présenté comme un cabinet dentaire.
Pour Simone, plus qu’une photo, c’est l’image de sa déchéance étalée devant le monde entier. Comment pouvait-elle accepter sans réagir que celui qu’elle considère encore comme son homme, soit aux bras d’une autre au su et au vu de tous ?
Pour Simone, plus qu’une photo, c’est l’image de sa déchéance
Sa réaction a fusé le 30 novembre 2019, depuis Azito, à Yopougon, où elle prenait part à un rassemblement des femmes de son parti.
Voici le compte-rendu de son discours fait par un confrère :‘’L’ex-première Dame de la République Côte d’Ivoire Simone Gbagbo était, le samedi 30 novembre 2019, à la 5è Assemblée générale ordinaire de l’Organisation des femmes du Front populaire ivoirien (OFFPI) de Laurent Gbagbo.
Elle s’est lancée dans un discours qui n’a pas plu. La rencontre s’est tenue à Azito, dans la commune de Yopougon. Prenant la parole, l’épouse de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, a indiqué que ce dernier n’est pas l’unique objet de revendication du Front populaire ivoirien (FPI).
Son discours a été marqué par des cris de désapprobation. ‘’Celui qui dit qu’il veut faire de Gbagbo Laurent l’unique objet de nos revendications, répondez lui clairement: arrière de moi satan’’, a scandé la deuxième vice-présidente du FPI.
Avant d’ajouter: ‘’Nous devons suivre Laurent Gbagbo parce que nous partageons sa vision et non pour des raisons personnelles car celles-ci sont fragiles. Dans le combat que nous menons, Gbagbo Laurent doit être le centre de nos revendications, parce qu’il est la tête qui nous représente.
Mais notre vision c’est la Côte d’Ivoire nouvelle’’, a-t-elle rappelé aux femmes du FPI. Et à l’en croire, son parti travaillerait pour que cette vision se concrétise d’année en année.
Ce discours a été recadré par des femmes visiblement en colère, qui réclamaient qu’elle se prononce plutôt sur le thème.
L’Assemblée générale avait, en effet, pour thème : ‘’L’OFFPI face aux défis de 2020’’. Selon des analystes politiques, Simone Gbagbo a tâté le terrain, en vue de promouvoir l’idée d’un plan B au FPI, alors que la libération totale de Gbagbo s’éloigne’’.
La réponse de la bergère au berger, pourrait-on dire, en l’espèce.Dès cet instant, on peut soutenir, avec une infime marge d’erreur, que la ‘’guerre des Gbagbo aura lieu’’.
Et comme pour confirmer cette impression, lors de la rencontre qu’il a eue avec Affi, le Seplou national a pris le soin de tenir Simone loin du cercle de décision comme en atteste le communiqué a minima produit par le camp Affi.
Ci-après la note incriminée : ‘’Une rencontre entre Gbagbo et Affi a eu lieu les vendredi 03 et samedi 04 janvier 2020, à Bruxelles, entre les deux hommes. Durant deux jours de suite, ils ont fait un tour d’horizon de la situation.
Vers l’unité du parti, avec Affi toujours à la tête, sous le couvert de Gbagbo, qui ne veut pas de Simone. Lundi 6 janvier 2020, Affi rentré au pays dimanche 5 janvier 2020, a rendu compte au FPI qui a apprécié !’’.
Interrogé, le secrétaire général du FPI version Affi, Issiaka Sangaré, confirme la tenue de la rencontre à Bruxelles. ‘’Oui, je confirme. Les deux présidents se sont effectivement rencontrés à Bruxelles.
Mais, souffrez que je ne vous en dise pas plus. Puisqu'un communiqué sera publié dans les heures qui viennent, pour donner tous les détails sur cette importante rencontre», a-t-il dit.
Puis, pour engager les GOR à s’approprier cette nouvelle dynamique qui va dans le sens de l’union et de la ré-unification du FPI, il a lancé ce message aux allures de cri du cœur.
‘’C’est une grandeur d’âme que d’avoir l’humilité de présenter des excuses dès lors que des propos ont offusqué nos compatriotes, et au-delà. Demander pardon n’est nullement un acte qui vous affaiblit. C’est au contraire une démonstration de ce que nous pouvons continuer ensemble.
Cette main tendue, Affi N’guessan, a eu l’humilité de la présenter. Il serait temps qu’elle soit aussi saisie par Laurent Gbagbo et ses différents partisans. Vous aimez bien cet euphémisme de deux tendances.
Il y a le FPI.
Il faut jouer son rôle, celui de l’appréciation des réalités, même s’il y a l’approche pragmatique de la realpolitik qui ne va pas exclure que des groupes puissent s’organiser.
Il faut tout de même que le jeu républicain soit apprécié. Il y a le FPI et des militants qui ne reconnaissent pas le président du parti et posent des actes qui n’engagent nullement le FPI.
A preuve, nous sommes à la CEI, nous sommes engagés dans le dialogue politique, nous sommes en train de restaurer nos différents organes et nos instances, pour être en ordre de bataille pour les élections. Il est bien évident que la démarche a été menée plusieurs fois.
La dernière en date a été cette volonté du président Affi de se rendre, au nom de l’unité, en France, puis en Belgique.
‘’Nous voulons être en ordre de bataille pour la Présidentielle 2020’’, assure Issiaka Sangaré, SG du FPI
Cette initiative a malheureusement avorté pour des questions que vous savez. Maintenant, nous parlons à nos camarades qui sont de l’autre côté.
Nous avons posé des actes pour leur démontrer que notre volonté n’est nullement de faire en sorte que Laurent Gbagbo sorte du jeu politique.
Nous avons pris des décisions au niveau du parti, fait des communiqués et des déclarations, notamment suite à la décision prise, tout récemment, par le gouvernement ivoirien de réfuter son retour et de faire en sorte que la juridiction continue le procès.
Nous avons dit que nous pensons que cette décision n’est pas juste parce qu’elle éloigne un fils du pays du processus de réconciliation, alors même que sa présence pourrait impacter positivement ce processus.
Oui, c’est notre ambition de faire en sorte que le parti soit unifié. Mais en même temps, nous ne pouvons pas manquer de mener des actions sur le terrain dans le sens d’aller à des élections.
L’idéal serait l’unité, mais je peux vous dire que la situation de 2014 n’est pas celle de 2019 et ne sera pas celle de 2020, parce que beaucoup de camarades entendent l’appel. Beaucoup de camarades, las, ont fini par comprendre l’enjeu et les implications.
Certains nous rejoignent. La finalité pour nous n’est pas d’aller sur la place publique pour les brandir comme des trophées de guerre, des retours à la maison.
Non !
Ce n’est pas notre démarche. Ces camarades comprennent que la finalité, c’est le développement de la Côte d’Ivoire, le progrès social. Ils comprennent que les Ivoiriens ont des attentes.
Ils cherchent le leader qui pourra leur apporter des solutions au nom du principe de responsabilités, de l’approche pragmatique, de la ligne responsable engagée par Pascal Affi N’guessan.
Beaucoup commencent à comprendre et nous espérons que, d’ici 2020, cette dynamique continue de produire ses effets’’, a-t-il longuement plaidé.
C’est donc acté, Gbagbo ne veut pas que Simone prenne ‘’son’’ parti pour aller à la Présidentielle 2020. De deux maux, il a choisi le moindre. Entre Simone Ehivet et Affi N’Guessan, Gbagbo semble donc avoir choisi le moindre mal.
Il préfère se mettre avec son ancien Premier ministre plutôt que de voir ce dernier faire équipe avec son épouse ‘’légale’’ qu’il ne veut plus voir, même en peinture.
Il en voulait déjà à celle-ci au sortir de la crise postélectorale, lorsqu’il lançait depuis Korhogo, où il était en détention, ‘’sachez prendre vos compagnes’’. Et depuis, les ressentiments contre Simone n’ont guère été altérés par le temps.
Ils viennent d’être ‘’corsés’’ par la sortie d’Azito au cours de laquelle il n’a éprouvé aucun scrupule à demander aux militants de ne pas faire de ‘’Laurent Gbagbo leur vision’’.
L’intéressé a modérément apprécié. Conséquence, la guerre semble ouverte entre les deux époux désormais clairement en crise. Et ce n’est que le début, puisque Simone n’a pas encore dit son dernier mot.
Gageons, toutefois que cette ‘’femme-garçon’’ aussi aimée que crainte au FPI, saura se montrer à la hauteur de ce nouveau challenge.
Puisqu’il est exclu qu’elle prenne une ‘’retraite anticipée’’, au motif que Gbagbo ne veut pas la voir à la tête du parti aux deux doigts. Manifestement, il en faut plus, beaucoup plus, pour la contraindre à mettre l’arme aux pieds.
D’autant qu’elle aussi, elle a des inconditionnels, des Simone ou rien (SOR) qui pourraient la pousser à tenir tête à son ancien président d’époux. Wait and see, auraient dit les sujets de sa gracieuse Majesté.
Ambroise Tiétié Journaliste professionnel au Rassemblement ( Quotidien Ivoirien)