Le népotisme a pris le pas sur la « méritocratie ». Le long silence de l’église n’est pas synonyme d’aveuglément. L’administration publique togolaise souffre d’un mal chronique, le népotisme qui veut que des médiocres accèdent à des postes sans aucun mérite. Une situation qui tait l’émergence des compétences.
Heureusement que nous ne sommes plus seuls à faire le constat. La conférence des Evêques du Togo (CET) a dénoncé cette situation et mis le gouvernement devant ses responsabilités. Combien de temps encore Faure fermera-t-il les yeux sur cette pratique érigée en système de gouvernement ?
S’il faut appeler un chat un chat, chaque citoyen se doit de reconnaître que l’actuel locataire de la présidence togolaise n’atteint pas 50% de popularité au sein de l’opinion, parce que la coloration politique de l’Assemblée nationale ne reflète en rien la configuration politique du paysage togolais.
Mais si au moins la répartition des ressources humaines au sein de l’administration publique respectait encore les différentes couleurs arithmétiques à l’Assemblée nationale, ni les esprits avertis, ni les Evêques ne trouveraient à redire.
A la question « comment tenir ensemble les citoyens ? », les Evêques ont une réponse sans langue de bois : « c’est en réalisant la justice que l’on tient les hommes ensemble.
Ou plutôt, devrait-on dire plus modestement, qu’il s’agit de lutter contre l’injustice ; car, lorsque les hommes sont ensemble, l’injustice est toujours déjà là; et ceci, pour des raisons qui trouvent leur racine dans le péché de l’homme.
L’engagement pour la justice est donc le premier moyen, l’instrument le plus éminent dans la réalisation de toute politique ».
La CET est allée plus loin dans sa dénonciation des inégalités qui ont fait leur lit au Togo et s’en est offusquée.
« En effet, il est véritablement choquant de constater que dans un Etat les biens soient accaparés par quelques riches qui deviennent davantage riches au détriment des plus pauvres qui deviennent davantage pauvres : il ne s’agit ni plus ni moins que d’une inversion de la fonction politique elle-même.
Le scandale n’est pas qu’il y ait des riches et des pauvres ; le scandale est dans le fait que les institutions qui doivent instaurer un minimum d’équilibre se murent dans l’indifférence ou choisissent un camp, celui des riches, paradoxalement, et s’y cantonnent », a-t-elle relevé.
Dans toute démocratie, il y a et il y aura toujours le camp aux affaires et celui qui contrôle la gestion des affaires, c’est-à-dire l’opposition. Mais est-ce parce qu’un parti est au pouvoir que les autres citoyens méritants n’ont plus droit aux avantages ?
Les Evêques, dans la rubrique « Egalité de traitement des citoyens », n’ont pas porté de gants pour crier les injustices qui n’ont que trop duré au sein de l’administration togolaise.
« Nous avons encore en mémoire les paroles prononcées il y a quelques années par le Chef de l’Etat, le 26 avril 2012, à la veille de la commémoration de notre accession à la souveraineté nationale:
« La Société que nous entendons bâtir est avant tout une société d’ouverture et d’inclusion. Les hommes et les femmes qui la composent doivent bénéficier de l’égalité des chances : égalité des chances devant la loi, égalité face à l’école, égalité face à l’emploi. En toutes circonstances, le mérite doit l’emporter sur tous les autres critères ».
De fait, la justice exige, en toute circonstance, que l’attribution des responsabilités suive le mérite et non les intérêts partisans. La «méritocratie» est un gage de la croissance morale d’un pays.
On ne pousse pas un peuple à l’effort, on ne l’y encourage pas lorsque les seuls qui réussissent sont ceux qui ont des liens obscurs dans les arcanes du pouvoir.
C’est ainsi que l’on encourage d’ailleurs les circuits de la corruption qui devient malheureusement parfois, dans certains secteurs, une véritable méthode de gouvernement », a rappelé la CET.
Méritocratie, voilà une expression trop peu utilisée par le pouvoir au Togo. Par sa définition « wikipédienne », la méritocratie est un système de gouvernance ou d’organisation qui tend à promouvoir les individus dans la société en fonction de leur mérite démontré par leur investissement dans le travail, effort, intelligence, qualité ou aptitude.
Pour certains encore, la méritocratie est un système politique, économique et social. Pour d’autres, c’est une idéologie ou une croyance. Elle tend à hiérarchiser et à promouvoir les individus dans la société en fonction de leur mérite et non d’une origine sociale (système de classe), de la richesse ou des relations individuelles (système de «copinage»). Mais que remarque-t-on dans l’administration togolaise ?
Sans vouloir paraître long tout en n’étant point exhaustif, voici listés quelques postes, services et directions dont un appel est lancé à tout citoyen de chercher à connaître la « tendance » des premiers responsables. Tous les postes ministériels ainsi que les directions respectives les composant, toutes les sociétés d’Etat, toutes les préfectures, et on en passe et pas des moindres.
A 95%, les premiers responsables regardent dans la même direction que Faure Gnassingbé et son parti. Et pourtant, lors des multiples épreuves de baccalauréat que le Togo connaît, ce sont des élèves de toutes les tendances qui décrochent le saint graal.
Sur les campus universitaires de Lomé et Kara, personne ne leur demande la couleur de leurs convictions politiques avant l’obtention de leurs Masters et Doctorats. Mais quand vient le moment d’accéder au monde de l’emploi, le slogan est clair : « c’est Unir ou le chômage ».
Cette façon de faire n’est point de la méritocratie, mais du népotisme, une notion qui, selon toujours wikipedia, est définie comme « la tendance de certains supérieurs ecclésiastiques, évêques et papes, et par extension de certains dirigeants d’autres institutions, à favoriser l’ascension des membres de leurs familles dans la hiérarchie qu’ils dirigent, au détriment des processus de sélection ordinaires, du mérite et, le plus souvent, de l’intérêt général ».
Comment expliquer autrement que par du népotisme, que lors d’un concours national en 2007, un candidat qui avait composé seul dans son secteur -faute d’autres concurrents-, soit recalé au profit d’un autre qui ne s’était pas présenté ?
A cette allure, les futurs candidats en classe de Terminale et sur les campus ne devront plus être surpris que très bientôt l’accès aux salles d’examens soit conditionné par la présentation de carte du parti au pouvoir. Où va la République à cette allure ?
La relative accalmie ne saurait constituer un prétexte d’abandon de la responsabilité des dirigeants actuels, car le monde des chômeurs ne fait que grossir et lorsque la majorité n’en pourra plus de subir les inégalités en sa défaveur, bien malin qui pourra présager de l’avenir du pays. Raison pour laquelle la lettre pastorale des Evêques prévient que
« face aux violences sporadiques et aux conflits sociaux mal gérés que connaît encore notre pays malgré la tranquillité relative qui le caractérise depuis quelques années, nous exhortons chaque citoyen, en particulier les pouvoirs publics, à combattre l’impunité et à promouvoir inlassablement le dialogue.
Ne donnons pas aux populations l’amère impression que c’est seulement la violence qui fait « bouger les choses » au Togo ; ne laissons pas s’installer chez nous l’odieuse tendance à se faire justice à cause de la défaillance de la justice ; ne nous lassons pas de chercher ensemble les solutions appropriées à nos défis communs, car le dialogue n’est ni capitulation ni faiblesse devant une opinion contraire mais écoute respectueuse de l’autre et engagement sincère avec lui à construire ensemble notre pays ».
Mais il est une vérité immuable, des dialogues de façade ne serviront à rien, du moment qu’un camp, fort de détenir l’argent et les armes, ne fait vivre les dialogues que le temps des échanges.
Aujourd’hui, le camp qui détient tout, c’est celui de Faure Gnassingbé et celui qui doit faire des concessions, c’est encore celui de Faure Gnassingbé. Or, le camp qui enfarine les acteurs politiques lors des dialogues, c’est encore celui de Faure Gnassingbé. Où est la bonne volonté de ce régime?
Source : Abbé Faria, Liberté