La Collecte de la ferraille, autrefois prisée pour les revenus conséquents qu’elles pouvaient éventuellement engendrer, la filière n’attire plus. Ah oui ! La collecte puis la commercialisation de la ferraille constitue la principale activité d’une frange de la population sénégalaise. [Dossier sur le fer (1/3] Collecte de la ferraille: Quand le métier ne fait plus vivre son homme
Collecte de la ferraille
Quelques rares jeunes s’y activent, faute de trouver mieux. Mains encrassées, habits complètement noircis, casquette vissée sur la tête, Ansou alerte, à la criée.
A bord de sa charrette, le jeune homme acte sa présence, dans les différents quartiers de Fass Mbao. Son appel imposant interpelle. Sa voix rauque aidant. « Je suis à la recherche de vieux frigidaires, téléviseurs, ventilateurs, toute matière contenant du fer ».
La mimique qui accompagne sa clameur distrait une cohorte d’enfants, encore au bel âge, qui s’amusent à l’imiter. Sur fond de rigolades, les gamins suivent la charrette et répètent aux mots les appels d’Ansou. Si les bambins jouent, Ansou lui, s’active pour gagner sa vie.
La mise au rebut des métaux et leur recyclage constituent sa principale activité lucrative. Tous les jours, le jeune homme sillonne les quartiers de la banlieue de Dakar, à la recherche de la ferraille.
Ansou est accompagné par Modou. Les deux jeunes hommes se sont répartis les tâches. Le premier conduit la charrette et attire en même temps l’attention de potentiels vendeurs et Modou se charge de marchander et de s’introduire éventuellement dans les demeures pour jauger et acquérir la ferraille.
Quand le métier ne fait plus vivre son homme
Son uniforme est agrémenté de bric et de broc, chaussures de sport, foulard autour du front, tee-shirt déchiré, sa figure ronde mal rasée se fend d’un large sourire, à chaque fois besoin est de convaincre un vendeur, à céder son vieux matos.
« C’est un travail plutôt salissant. Nous sommes en contact permanent avec de la ferraille, des moteurs usés, des chaises inutilisées, des marmites gâtées, des morceaux de carrosserie acquis entre 500 et 1500 F Cfa, c’est selon », souligne Ansou. Ce dernier âgé de 25 ans n’en demeure pas moins très expérimenté dans ce métier.
Tout petit, il accompagnait son oncle qui s’adonnait à la même activité. C’est par la suite qu’il acquiert un cheval, commande une charrette et embauche son ami Modou.
3000 à 4000 F Cfa par jour
« Nous travaillons à deux, c’est plus rapide et plus efficace, en fin de journée, après avoir tiré le ratio alimentaire quotidien du cheval, nous nous partageons les bénéfices », note-t-il. Ce travail est loin d’être une partie de plaisir pour les jeunes hommes.
« C’est très ardu ! Mais nous n’avons pas encore trouvé mieux », dit-il, d’un air navré.
Les journées les plus fastes leur rapportent en moyenne chacun 3000 à 4000 F Cfa, témoignent-ils. C’est plutôt rare, mais « il arrive aussi que nous rentrions bredouilles, avec le strict minimum, pour paître le cheval », renchérit, Modou.
Et pourtant, cette activité devenue aujourd’hui dérisoire a autrefois permis à des milliers de jeunes de gagner dignement leur vie. Selon Mathieu, un briscard soixantaine, « le recyclage donne une seconde vie aux déchets ».
La collecte de la ferraille, activité à temps plein, pouvait autrefois constituer une source de revenus consistant, pour nombre de jeunes, témoigne-t-il. Lui-même a été un collecteur de ferraille.
« J’ai mené cette activité de l’an 2000 à 2012, une période faste », témoigne-t-il. Selon ses propos, il arrivait qu’il réalise des gains de 30 000 francs Cfa par jour.
L’entrée en vigueur du décret suspendant l’exportation de la ferraille et de ses sous-produits a tout remis en cause.
Concurrence entre Chinois et Indes dans les années 2000
Entre 2000 et 2012, la collecte et la vente de ferraille avaient attiré de nombreux Sénégalais. La transaction était féconde. Mathieu justifie cette époque prospère par à l’ouverture du marché.
« Il y avait une concurrence entre Chinois et Indes ce qui plaidait à l’avantage des revendeurs que nous étions », se rappelle-t-il.
Mais, un décret publié en octobre 2012 suspendant l’exportation de ces déchets métalliques pousse les clients indiens à la sortie du marché et consacre le monopole chinois.
« Une fois le monopole acquis, les chinois ont cassé les prix du marché », se désole-t-il.
Les Indiens payaient entre 100 et 175 francs Cfa pour le kilogramme de fer, 2500 francs Cfa pour le cuivre, 650 francs Cfa pour l’aluminium, là où les Chinois offrent entre 70 et 75 francs Cfa le kilogramme de fer et la moitié du prix pour les autres matières.
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Le cuivre étant le produit le plus prisé, c’est quand les charretiers acquièrent un moteur désuet de voiture qu’ils réalisent les meilleurs bénéfices, « le kilogramme de cuivre peut rapporter 2500 francs Cfa », relève-t-il.
L’anarchie et le déficit de management ont eu raison sur un secteur qui faisait pourtant vivre des milliers de Sénégalais, confirme Modou.