Covid-19 et immunité , un grand débat de scientifiques qui perdure. Après une infection à coronavirus, des anticorps se développent. Nous assurent-ils pour autant une immunité ?
Si les études sur le sujet se multiplient, la réponse n’est pas encore claire. De nouveaux travaux suggèrent que les anticorps responsables d'une potentielle immunité pourraient persister au moins cinq mois.
On fait le point.
La communauté scientifique continue de chercher un vaccin ou un traitement contre la Covid-19. La question de l’immunité est également régulièrement soulevée. Et pour cause : si des anticorps se développent après une infection à coronavirus, on ne sait pas encore clairement s’ils nous confèrent une réelle immunité.
Une question reste donc en suspens : peut-on être touché deux fois par la Covid-19 ? "Il n'y a actuellement aucune preuve que les personnes qui se sont remises du Covid-19 et qui ont des anticorps soient prémunies contre une seconde infection", affirmait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en avril 2020.
Des suspicions de réinfection avaient d'ailleurs été recensées en Chine, au Japon ou encore en Corée du Sud. Depuis, un premier cas de réinfection avérée a été identifié à Hong Kong et les études sur le sujet continuent de se multiplier.
Des travaux qui laissent à penser qu’une immunité est possible, même si elle est limitée dans le temps. Mais ces constatations sont à prendre avec des pincettes, car nous manquons encore de recul sur la question.
Covid-19 et immunité : il est encore trop tôt pour tirer des conclusions
Deux études, l’une américaine et l’autre canadienne, publiées en octobre dans le revue Science Immunology, se sont intéressées à la durée des anticorps après une infection à coronavirus. Résultat : un type d'anticorps, les immunoglobulines G, aussi appelées "IgG", pourrait persister jusqu’à trois mois après l’infection.
D’après une autre étude encore plus récente, les anticorps pourraient durer plus longtemps. Pour les besoins de ces travaux, parus dans la revue Science, les chercheurs ont analysé le plasma sanguin, qui contient des cellules immunitaires et notamment les anticorps, de plus de 30.000 personnes ayant été touchées par la Covid-19 entre mars et octobre. La majorité des volontaires avaient présenté des symptômes légers à modérés et n'avaient pas été hospitalisés.
Pour analyser plus précisément la durée de vie des anticorps, les chercheurs se sont concentrés sur 121 participants. Ils ont mesuré leurs niveaux d'anticorps un mois après l’apparition des premiers symptômes de la Covid-19, 52 jours après, 82 jours après et 148 jours après, autrement dit environ cinq mois. Ils ont trouvé des taux d'anticorps importants chez la plupart des participants jusqu'à la fin de l'étude.
"Alors que certains rapports affirment que les anticorps contre ce virus disparaissent rapidement, nous avons découvert le contraire : plus de 90 % des personnes légèrement ou modérément malades produisent une réponse anticorps suffisamment forte pour neutraliser le virus, et cette réponse se maintient pendant de nombreux mois", a déclaré Florian Krammer, co-auteur de l’étude.
Les anticorps pourraient ainsi perdurer jusqu’à cinq mois, selon les chercheurs. Ces données doivent néanmoins être prises avec des pincettes, comme le souligne dans le Time Ania Wajnberg, auteure principale de ces travaux : "Il s'agit d'un vaste ensemble de données et l'étude est encourageante en ce sens qu'il existe une certaine protection chez la majorité des personnes qui ont été infectées par le Sars-CoV-2 dans le passé. Cependant, jusqu'à ce que nous en sachions plus sur ce qui protège réellement contre le virus, nous devrions continuer à suivre toutes les précautions recommandées en matière de lavage des mains, de masquage et de distanciation sociale".
Si ces informations doivent être interprétées avec précaution, c'est notamment parce que "nous manquons encore clairement de recul. La plupart de ces études s’arrêtent à un moment T, il est donc prématuré de tirer des conclusions définitives sur la persistance des anticorps sur la base de ces dernières", explique au Temps Giuseppe Pantaleo, chef du Service d’immunologie et d’allergie du CHUV, à Lausanne.
Immunité : selon une autre étude, les anticorps dureraient quatre mois
Pour les besoins d'une autre étude publiée dans le New England Journal Of Medecine, les chercheurs ont analysé les données de plus de 30.000 personnes vivant en Islande, où environ 15% de la population a bénéficié d'un dépistage de la Covid-19.
Résultat ?
Plus de 90% des personnes qui avaient été testées positives par un test PCR ont également subi des tests sérologiques montrant qu'elles avaient développé des anticorps. 120 jours après l'infection, autrement dit quatre mois plus tard, ces personnes avaient toujours des anticorps.
Des conclusions qui "donnent l'espoir que l'immunité de l'hôte contre ce virus imprévisible et hautement contagieux ne sera pas éphémère et pourra être similaire à celle provoquée par la plupart des autres infections virales", concluent les auteurs de l'étude.
Immunité post-Covid : quid de l'effet protecteur des anticorps ?
Deux études parues en août dernier se montraient déjà rassurantes quant à la potentielle immunité acquise à la suite d'un infection à coronavirus.
La première, publiée dans la revue Cells, révélait que les personnes atteintes de Covid-19 développent des cellules T ou lymphocytes T, qui les protègent d'une éventuelle réinfection.
"Les lymphocytes T mémoire spécifiques au Sars-CoV-2 s'avéreront probablement essentiels pour la protection immunitaire à long terme contre la Covid-19", pouvait-on lire dans ces travaux.
Pour les besoins de la seconde étude, parue sur le site de pré-publication scientifique Medrxiv, des chercheurs ont suivi les 122 membres de l'équipage d'un bateau de pêche opérant dans le Pacifique.
Tous ont été soumis à un test sérologique avant le départ du bateau et après la mission. L'objectif ? Identifier la présence ou l'absence d'anticorps.
Au cours de la mission, 104 personnes ont été infectées. Leur point commun : aucun d'entre elles n'avaient d'anticorps avant le départ du bateau. Parmi les trois membres de l'équipage qui avaient déjà été exposés à la maladie avant le départ du bateau et qui avaient des anticorps, aucun n’a montré de signes de réinfection.
"Bien qu'il s'agisse d'une petite étude, elle offre une expérience humaine remarquable, réelle, à un moment où nous manquons de preuve formelle que les anticorps neutralisants offrent réellement une protection contre la réinfection. Bref, c'est une bonne nouvelle", concluait alors Danny Altmann, professeur d'immunologie à l'Imperial College de Londres.
Covid-19 : une réinfection est-elle possible ?
Une étude britannique parue en juillet 2020 dans la revue de pré-publication scientifique MedRxiv s'était également penchée sur la question. D'après ses conclusions, les anticorps assureraient une potentielle immunité aux patients, mais que celle-ci diminuerait, voire disparaîtrait au bout de quelques mois.
Pour le découvrir, les chercheurs du King’s College de Londres (Royaume-Uni) se sont penchés sur la réponse immunitaire de 90 patients et professionnels de santé du Guy's and St Thomas' NHS Foundation Trust ayant été touchés par le Covid-19.
Alors que 60 % des volontaires avaient développé de puissants anticorps en réponse à l’infection, les chercheurs ont constaté que seuls 17 % des patients avait conservé ce même niveau d’anticorps trois mois plus tard.
Ces résultats suggèrent donc que les anticorps auraient une durée de vie limitée et que les patients déjà touchés par le Covid-19 pourraient donc être ré-infectés. Un constat qui remet une fois de plus en question l’idée d’une potentielle immunité collective.
Covid-19 : une immunité encore plus courte chez les patients asymptomatiques
Une autre étude publiée en juin 2020 dans la revue Nature Medicine et menée par des chercheurs chinois suggérait déjà que la réponse immunitaire chez les patients infectés par le virus diminuait quelques semaines après leur guérison.
Pour le découvrir, les chercheurs ont suivi 37 patients asymptomatiques testés par PCR, un prélèvement des cellules nasales à l’aide d’un écouvillon. Âgés de 8 à 75 ans, 22 des participants étaient des femmes et 15 des hommes.
Tous avaient été hospitalisés dans la province de Wanzhou (Chine) et placés en isolement. Les scientifiques de l’Université médicale de Chongqing ont remarqué que la durée médiane d’excrétion virale était de 19 jours chez eux, contre 14 jours chez les patients symptomatiques.
Pour étudier la réponse immunitaire de ces deux groupes, les chercheurs ont comparé les sujets asymptomatiques avec 37 personnes infectées par la Covid-19, et qui avaient présenté des symptômes.
Huit semaines après le début de l’infection, ils ont constaté que le taux d’anticorps avait diminué de 81,1% chez les asymptomatiques. Quant aux symptomatiques, leur réponse immunitaire avait été réduite de 62,2%.
Covid-19 : quelle immunité pour les patients atteints de formes légères ?
Une étude française avait également été menée sur l’immunité, mais chez les patients atteints de formes légères du coronavirus. Des équipes de l’Institut Pasteur et du CHU de Strasbourg ont analysé les profils de 160 personnes ayant été frappées par des formes mineures de la maladie.
Dans le cadre des recherches, les scientifiques se sont concentrés sur les services hospitaliers de deux sites des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg. Chez ces patients, les chercheurs ont identifié des anticorps quinze jours après le début de l’infection.
"On a retrouvé des anticorps chez la quasi-totalité d'entre eux : 159 sur 160. Et, plus intéressant, on recherchait les anticorps neutralisants dont on sait qu'ils sont protecteurs contre, par exemple, une réinfection.
Et là, à partir d'un mois, on en trouve chez 98 % des personnes qui avaient été infectées par le SARS-CoV-2. Des résultats qui sont effectivement une bonne nouvelle", avait rapporté le Professeur Arnaud Fontanet, l’un des responsables de l’étude, sur France Inter.
Pour les scientifiques, l’immunité des formes légères pourrait durer "de quelques semaines à quelques mois". Passée cette période, les sujets devront être à nouveau testés pour voir si les anticorps perdurent dans le temps.
"Ces résultats sont également une bonne nouvelle pour les futures stratégies vaccinales" , avait complété le Pr Fafi-Kremer, première auteure de l’étude et chef du service virologie des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.
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