Polarisée sur la reconquête d’un pouvoir d’État fétichisé, une minorité activiste au PDCI, a rompu avec la conscience de soi du parti et en a piétiné la mémoire. Elle a oublié le combat historique de libération nationale, écrit dans le sang, qui fut mené par le PDCI-RDA depuis l’occupation coloniale et récemment contre une dictature national-populiste sanguinaire endogène.
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Cette fraction activiste du PDCI a dévoyé le nationalisme libéral modernisateur de Félix Houphouët-Boigny en nationalisme ethnique antilibéral et antimoderniste. Elle s’est reconnue dans le national-populisme sectaire de type communiste de son ennemi mortel le plus farouche et le plus impitoyable, le FPI de Laurent Gbagbo.
Obnubilée par le pouvoir fétichisé d’État qu’elle veut reconquérir à tous les prix afin de mettre en œuvre un programme similaire fondé sur le nationalisme différentialiste d’exclusion, cette fraction est devenue amnésique.
Elle a oublié les brutalités expéditives et mortelles du FPI envers ses adversaires politiques dès 2000. Elle fait mine d’oublier les menées sanglantes des escadrons de la mort du FPI pourchassant et exécutant sans procès et sur le champ tous ses adversaires politiques depuis 2002.
Elle passe par pertes et profits le massacre à la mitrailleuse de centaines de manifestants pacifiques du PDCI par les forces militaires du FPI en 2004.
Elle est elle devenue amnésique sur l’épisode moralement et politiquement marquant de la séquestration des dirigeants du RHDP à l’hôtel du Golf en 2010 après sa victoire électorale refusée que le FPI tentait de voler. Elle biffe l’assassinat sans sommation, le démembrement et la dispersion des corps des cloîtrés et des simples visiteurs qui en ressortaient, tels le colonel Adama Dosso pour ne citer que lui.
Elle compte pour rien, le massacre des militants du RHDP par les forces militaires du FPI, lors de la marche des militants du RHDP sur la RTIpour réclamer le respect du résultat des urnes.
Par le discours et par les actes, elle réécrit symboliquement et scandaleusement l’histoire de la Côte d’Ivoire pour servir ses objectifs fractionnels de pouvoir au mépris des intérêts supérieurs de la Nation.
Comment pouvoir imaginer cette scandaleuse réception d’une délégation du milicien sanguinaire et tristement célèbre Blé Goudé à Daoukro par le Président du PDCI en personne, au détriment des délégations de haut niveau du RDR et du RHDP ? Comment pouvoir concevoir les visites récurrentes de certains élus du parti majoritaire à Laurent Gbagbo, l’incarnation vivante de la division nationale, en sa prison de la Haye,sous le motif fallacieux de la réconciliation nationale?
L’axe sinistre et politiquement irresponsable qui se dessine à l’horizon entre le FPI geôlier meurtrier d’hier, la fraction ethno-nationaliste du PDCI et celle du « leader générationnel », est un crime perpétré contre la mémoire vive du RHDP houphouëtiste.
Par cet engagement aux côtés des forces du nationalisme différentialiste et populiste, ce leader estudiantin qui avait rejoint la rébellion des militaires en 2002 pour, disait-il revendiquer la citoyenneté et la restauration de la République, ne se contredit-il pas ? Ne trahit-il pas la cause du peuple démocratique au profit duquel il prétendait mener son combat? Ne démontre-t-il pas qu’il ne s’est battu que pour le culte de son ego et pour l’appropriation du pouvoir d’État?
Ces positionnements fractionnels motivés par l’hubris du pouvoir sont une insulte et une agression perpétrée contre la Nation et contre la liberté du peuple ivoirien. Les fractions partisanes qui en sont les auteurs s’affirment contre la diversité constituante de la Côte d’Ivoire et contre son unité nationale.
Cette diversité fraternelle qui constitue l’unité nationale de la Côte d’Ivoire, s’est forgée dans les combats anticolonialistes et dans la claustration du RHDP à l’Hôtel du Golf comme je viens de le rappeler plus haut. Ces moments devraient représenter des épisodes mémoriels inoubliables pour tout ceux qui, en notre pays, prétendent se revendiquer de la République et de la Démocratie.
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En général, dans l’histoire politique des peuples, de telles expériences extrêmes créent un sentiment indissoluble d’appartenance et de destin communs entre ceux qui les ont endurées. Elles les soudent dans une conscience et un sentiment de fraternité pérenne. Elles renforcent leur consensus sur les valeurs communes de liberté et d’égalité qui les unissent et qui structurèrent leurs combats par delà leurs divergences.
Cette expérience commune vécue du sacrifice de la vie et du confort personnel pour des valeurs et des idéaux, pour un programme et un projet sociétal qui permettraient de les réaliser, produit une transmutation intérieure de la personne. Elle transforme moralement l’être humain et le convertit aux Valeurs qui deviennent de ce fait des principes non-négociables.
Ce type d’expérience-limite définit des frontières que les acteurs politiques en compétition pour le pouvoir s’interdisent de franchir ; même si ce franchissement devrait leur rapporter des bénéfices en termes de pouvoir et d’avantages personnels.
La démocratie républicaine pluraliste ne se construit pas sur la fétichisation du pouvoir, sur l’impudeur politique, sur la culture de l’arbitraire et de l’autoritarisme. Elle ne se bâtit pas sur la faiblesse morale, la duplicité, l’irresponsabilité politique, l’indifférence aux valeurs et à la dignité humaine, aux droits individuels et collectifs, au bien commun et à l’intérêt général.
Dans les démocraties avancées, les acteurs politiques qui portent atteinte à ces principes structuraux de la démocratie républicaine pluraliste, perdent durablement leur crédit politique auprès du peuple et demeurent frappés d’infamie politique pour longtemps. Puisse-t-il en être ainsi dans notre pays la Côte d’Ivoire.