Funérailles militaires au Mali pour un président renversé par ses soldats

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Funérailles militaires pour un président renversé par ses soldats

Le Mali a rendu vendredi un dernier hommage à l’ancien chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta, mort cette semaine, un an et demi après avoir été renversé par les militaires. Les clairons entonnent la sonnerie aux morts. Faisant le tour de la place d’armes, six militaires – visières et sabres pointés au ciel – tirent le corps du défunt président sur un chariot, avant de le déposer devant l’estrade où se serrent dignitaires et notables. Ils sont venus nombreux assister aux obsèques d’Ibrahim Boubacar Keïta, cinquième chef d’Etat malien depuis l’indépendance, mort dimanche 16 janvier, à 76 ans, des suites d’une longue maladie. En ce vendredi de prière, il y a sa famille, ses amis, ses soutiens, ses alliés. Et puis ceux qui l’ont renversé. Un an et demi après l’avoir mis aux arrêts dans sa maison de Sebenikoro à Bamako, les militaires entourent à nouveau le président. Cette fois pour rendre un dernier hommage à celui qui fut, de 2013 à 2020, leur chef suprême. Au centre, dans son boubou immaculé, Choguel Kokalla Maïga préside la cérémonie. Ancien ministre du président Keïta, devenu son farouche opposant au sein des mobilisations du M5, il est dorénavant Premier ministre du gouvernement de transition.

«Le baobab qui se couche»

Au pupitre, derrière le cercueil enveloppé du tricolore malien, discours et élégies se succèdent. Il y a la petite fille qui se souvient de son «papy» et sa «grande bibliothèque». L’avocat, ami de la famille, Kassoum Tapo, célébrant «le baobab qui se couche en faisant un farouche bruit dans le crépuscule». Enfin, Baba Akhib Haïdara, l’ancien directeur de cabinet qui défend «un grand républicain», «un démocrate pragmatique», «un homme d’Etat très ouvert au dialogue», s’employant à «préserver le pays des aventurismes». Tentative à peine voilée de distanciation avec cette junte sous sanctions qui défie depuis des mois la communauté internationale, repoussant les élections et appelant des mercenaires russes à la rescousse.

La Cédéao a fermé ses frontières avec le Mali le 9 janvier

Aucun chef des Etats d’Afrique de l’Ouest voisins n’est présent à la cérémonie. La Cédéao a fermé ses frontières avec le Mali le 9 janvier, en répression d’un gouvernement de transition qui regimbe à passer le relais démocratique, voulant se maintenir au pouvoir cinq années supplémentaires. Seule la Guinée, dont le président Alpha Condé, ami socialiste d’IBK, lui aussi renversé le 5 septembre 2021 par des militaires, a dépêché une délégation aux obsèques. Dans les discours, le respect contrit prévaut, confinant parfois au syndrome de Stockholm, lorsque les proches d’IBK remercient les putschistes d’avoir «traité avec beaucoup de respect et d’égard» le président congédié. Ici, la pudeur exige d’ailleurs qu’on ne parle pas de coup d’Etat, mais de «retrait de la vie publique», à l’évocation des événements du 18 août 2020.

«Papa, cette ciguë, tu l’auras bue jusqu’à la lie»

L’assistance – plus de 2 000 personnes – écoute les hommages sans tressaillir. Les accusations contre un «roi fainéant», clientéliste et corrompu sont encore vives dans les mémoires. Des gradés à verres fumés scrutent distraitement leur téléphone. Quelques applaudissements timides se font entendre à gauche de l’estrade, le côté de la famille, tandis que le côté droit, celui des militaires, se drape dans un mutisme ombrageux. Au micro, Boubacar, fils du défunt, remercie la junte, mais regrette tout de même que le colonel Assimi Goïta, président de la transition, auteur du coup contre son père, ne soit pas présent aux funérailles. «Je ne peux m’empêcher de faire une comparaison avec Socrate qui sous le coup des sycophantes fut condamné à mort en buvant la ciguë, dit-il soudain.

Lamentations de sa femme qui trouvait la condamnation injuste

Papa, cette ciguë, tu l’auras bue jusqu’à la lie.» Silence dans l’assemblée. Boubacar poursuit : «Devant les lamentations de sa femme qui trouvait la condamnation injuste, Socrate lui répondit : «On peut me tuer, mais l’on ne peut me nuire». Ainsi plus rien ne peut t’atteindre désormais. Allah le miséricordieux t’a mis hors de portée». Loin derrière son épaule, le palais présidentiel – depuis lequel IBK discernait sans doute en contrebas cette caserne du génie militaire – luit au sommet de la colline de Koulouba. Peu avant le coup d’Etat du 18 août, tandis que la rue gonflait, il devait s’y sentir comme un aigle dans son nid. Aujourd’hui, le corps du président déchu gît dans la caserne. Là-haut, dans le palais, les nouveaux occupants doivent humer pareil air. Un éther hors de portée.

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