Laba Sosseh «El Maestro»: La voix de maître résonne toujours dans un Film documentaire

Film documentaire Laba Sosseh «El Maestro»: une voix de maître qui résonne toujours. Vendredi dernier, le nouveau film documentaire sur le mythique salsero Laba Sosseh a été projeté, en avant-première, à Canal Olympia Teranga. «El Maestro», réalisé par Maky Madiba Sylla, scrute la biographie d’une légende sénégalaise de la musique dont la décadence a fait oublier ou ignorer sa grande lumière.

Laba Sosseh «El Maestro»

Gloire et dénuement. Ces deux mots, dans tous leur contraste, définissent le parcours de Laba Sosseh raconté dans «El Maestro : L’histoire du plus grand salsero africain».

Ce documentaire revient sur la biographie d’une vraie légende de la musique afro-cubaine qui commençait à mourir dans beaucoup de souvenirs.

Co-réalisé par le Sénégalais Maky Madiba Sylla et le Suisse Lionel Bourqui, le film dévoile la vie de Laba Sosseh, patrimoine immatériel sénégalais et premier Disque d’Or africain, depuis sa naissance, en Gambie.

Sur les images, on nous montre la maison à Banjul où il a vu le jour, en 1943, quand la capitale gambienne s’appelait encore Bathurst. C’est dans ce giron anglophone qu’il commence tout jeune déjà à séduire par son timbre délicieux, au sein de «African jazz band».

La voix de maître résonne toujours 

Laba Sosseh débarque ensuite à Dakar, dans les années 1960, et intègre le «Star band», légendaire creuset de talents sous la houlette de Ibra Kassé qui se produisait au Miami club.

C’est là qu’il rencontre son binôme Dexter Johnson, grand saxophoniste-arrangeur, qui lui signe une certaine identité mélodique. Ils seront ensuite ensemble dans le «Super star de Dakar», qui va un temps enthousiasmer les puristes du Dakar d’antan, avant que le tandem ne se disloque.

Cette friction précède le voyage de Laba Sosseh à Abidjan où il se basera durant neuf années, y construira sa grande gloire et gagnera une débordante renommée notamment avec le titre «Aminata».

Il sera ensuite à New York pour les Vol. 1 et 2 de «Salsa Africana» et plus tard pour sa mémorable collaboration avec Monghito «El Unico», qui lui vaudra un Disque d’or, en 1982.

C’était le premier du genre pour un Africain, avec plus de 100.000 ventes répertoriées. Il brille également à Paris, particulièrement avec ses quatre morceaux enregistrés avec l’Orquesta Aragòn de Cuba, dont celui en hommage à son épouse ivoirienne Thérèse Taba.

Une légende

Cette dernière a prêté son témoignage parmi de nombreux autres d’amis, de collaborateurs et de parents dans le film. Quant à la chanson qui lui est dédiée, la comédienne ivoirienne s’est émerveillée que Laba Sosseh l’ait chantée en guéré, sa «langue maternelle qui est une dialecte très compliquée».

C’était un chanteur polyvalent et surprenant. Thérèse a aussi porté la voix de la frustration, indexant les amours intéressées et matérialistes des femmes sénégalaises pour son défunt mari.

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Mass Diallo s’inscrit en porte-à-faux, témoignant que Laba Sosseh opérait un certain magnétisme, dû à son charme certain et probablement à sa gloire de vedette.

L’animateur narre d’ailleurs dans le film l’histoire du célèbre titre «Seyni», qui est une déclaration d’amour. Laba avait vu Seyni dans un groupe de jeunes Ouakamois qui organisait un bal à Jean Jaurès. Il a eu le béguin et a composé la chanson qu’il a déclamée au prochain déplacement à Ouakam.

«Seyni a été l’amour de sa vie. Mais sa maman n’a pas voulu de la relation. Laba disait que la chanson «Seyni» n’a pas réussi à lui donner la femme qu’il aime, mais lui a quand même donné un Disque d’or», a témoigné Mass Diallo.

Cependant, Laba s’est bien consolé chez bien d’autres dames. Et de l’avis de Djibril Gaby Gaye, qui l’a fréquenté à partir de 1961 à Kolda, c’est bien là l’un des facteurs qui l’a plongé dans le dénuement.

L’ancien présentateur d’émission salsa à la Rts déplore que son ami ait été trop versé dans les jupes, l’alcool et les revers du showbiz. Sans cela, conçoit-il dans son récit, sa triste fin de carrière aurait été autre.

Film documentaire

Denzy, artiste-musicien et fils de Laba Sosseh, témoigne «avoir eu vent» de l’existence de 26 frères et sœurs éparpillés entre Abidjan, Dakar, New-York, Paris, etc. Toutefois, s’est-il réjoui d’être le fils de son idole, qui «l’a même dominé sur le registre du hip-hop dans le remix de «El divorcio».

En fin de compte, c’est cette facette magistrale qui sera essentiellement retenue de Laba Sosseh, que le soliste Yahya Fall qualifie de «génie de la chanson».

Le trompettiste Jules Gueye, qui était du voyage de Laba Sosseh à La Havane, avec Pape Fall et James Gadiaga, entre autres, loue les qualités d’un «musicien hors-pair qui savait distinguer les instruments» et se mouvoir dans leurs notes singulières.

Un savant de la musique

Malgré tout le brio et la maestria qui lui sont reconnus, le défunt grand producteur Daniel Cucax considère que Laba Sosseh n’était pas «allé au bout de son talent».

Le député Cheikh Tidiane Gadio, proche du salsero, et qui avait initié le voyage-pèlerinage à Cuba, voit en Laba Sosseh plus qu’un talent musical.

Hormis sa «voix-instrument qui faisait oublier l’orchestre», c’est un savant de la musique afro-cubaine.

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Tout comme le souligne Daniel Cucax dans le film, Gadio pense aussi qu’il faut parler de musique afro-cubaine (plutôt que de salsa), cette musique d’Afrique qui a traversé les océans pour atterrir sur l’île avant de revenir reprendre de nobles lettres en Afrique, avec Laba Sosseh notamment.

Pour tout cela, Djibril Gaby Gaye s’est attristé de la sortie alarmante de Laba Sosseh, sur son lit d’hôpital, par une interview de L’Observateur, deux mois avant sa mort en septembre 2007, pour quérir de l’aide.

Selon lui, il a été fâcheux qu’une aussi grande figure en arrive à cet extrême. «Laba Sosseh est mort malheureux. Ce n’est pas normal», pleure le vieil animateur au chapeau.

Quant au réalisateur Moussa Sène Absa, il regrette le fait que le Sénégalais ne s’intéresse pas assez à ses mémoires.

Un fait que Cheikh Tidiane Gadio trouve incompréhensible, affirmant qu’on ne peut pas être dans le pays de grandes sommités intellectuelles et culturelles et ne pas célébrer la culture et les œuvres intellectuelles».

Le déclic

C’est justement ce qui motive la réalisation de ce documentaire, selon Maky Madiba Sylla. Il raconte avoir eu l’idée du film après avoir lu l’interview dans l’Observateur. L’esthétique du film a aussi rejoint la beauté du sujet.

On y découvre ainsi un décor coloré sous divers plans et des images d’archives inédites, la chaleur de Dakar avec ses cars rapides et ses clameurs, les lignes de la Lagune Ebrié, la fraîche frénésie de Manhattan, la poésie insulaire de la Havane, etc.

Des moments d’émotion souvent agrémentés par des tubes de Laba Sosseh mis en hauts décibels sur les baffles de la salle obscure de Canal Olympia.

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En association avec le monteur suisse Lionel Bourqui, Maky Sylla a salué «une aventure longue d’une demi-dizaine d’années» qui les a menés sur 5 continents pour des dizaines d’heures d’entretien dont plusieurs intervenants sont décédés.

«Réaliser ce film m’a fait comprendre qu’il nous est indispensable de cultiver les baobabs du savoir chez nous. N’attendons pas que les bibliothèques brûlent pour nous intéresser à elles», a plaidé Maky Sylla, alias Daddy Maky, ancien pensionnaire du groupe Vib qui avait signé le hit «Nathalia» et était meilleur espoir du hip-hop au Sénégal en 1997.

Ziguinchor, où a habité quelques temps Laba Sosseh, va accueillir la projection du film le 21 juin prochain, à l’occasion de la fête de la musique, sur l’initiative de la Direction de la cinématographie.

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