Aïda Konaté, 55 ans, vit avec sa famille à Keur Matour Nguingue, un village de la région de Thiès (ouest) dont elle peut s’enorgueillir d’être la seule propriétaire terrienne. Un statut qu’elle arbore avec fierté et détermination.
Aida Konaté, mère de huit enfants, est propriétaire de champs que lui a légués son mari pour un total de 2 ha, une position aussi rare que le geste de son mari à son endroit.
A la rencontre de cette mère de famille dans ses champs, où elle était en train de s’employer sous un soleil de plomb, le sourire quasiment contagieux, on en vient à presque oublier qu’elle est l’exception qui confirme la règle de l’accès difficile des femmes sénégalaises au foncier.
Visiblement heureuse de recevoir sur ses terres, elle fait le tour de sa propriété à l’intention de son visiteur, avant de s’asseoir sur le rebord d’une réserve d’eau, le visage joyeux.
"Ici, c’est l’aéroport GIPS-WAR (Groupe d’initiatives pour le progrès social)", lance Aïda Konaté, qui a ainsi baptisé son champ en hommage à la structure qui a pu convaincre son mari de lui céder des terres à force de sensibilisation.
"Je ne connais que l’agriculture. Je remercie GIPS-WAR pour son soutien. Après avoir participé à un projet dont il est à l’initiative, +Cultiver pour vivre+, mon mari a été ravi de mes progrès et m’a octroyé ces terres qu’il a mis en mon nom", raconte-elle.
Chaque matin, elle enfile sa tenue de champ pour ses terres situées à quelques mètres de sa concession familiale.
"Je passe toutes mes journées au champ. Je laisse les travaux domestiques à mes belles-filles et je ne m’occupe que de mes cultures", dit-elle le souffle coupé, mais l’air soulagé.
Même si les champs ont été mis à son nom, elle tient à préciser qu’elle les entretient avec l’aide de toute sa famille.
"Je cultive du niébé, de l’oseille et parfois de la mangue", renseigne Aïda Konaté, ajoutant : "On cultive pour notre propre consommation, mais en cas de surproduction, nous en vendons pour subvenir à nos dépenses quotidiennes".
Le regard perdu à l’autre bout du champ où un puits est en train d’être creusé, elle avoue que sa seule préoccupation tient désormais au manque d’eau. "Tu vois, la plupart de ce que j’avais cultivé a séché à cause des coupures d’eaux fréquentes", ajoute-t-elle, avant de solliciter l’appui autorités.
Ablaye Kanté, le mari se dit fier d’avoir octroyé un espace à sa femme pour cultiver. "Ce qui est à moi est à elle. Sa formation avec GIPS-WAR m’a convaincu et c’est pour cela que je lui ai octroyé cette terre", a dit le vieux Kanté, assis sous sa véranda, entouré de ses petits-enfants.
D’une voix empreinte de fierté et d’émotion, il avoue que l’activité de sa femme représente pour lui "une chance", les revenus et produits tirés des champs étant destinés à la consommation familiale.
Assise sur une natte sous l’immense tamarinier qui orne et donne de l’ombrage à la maison, Adama Niang, une jeune dame observe la conversation de loin.
Elle est agricultrice comme la quasi-totalité des femmes du village, mais au contraire de sa voisine, elle ne possède pas de terre.
"Mon mari ne m’en a pas encore octroyé, parce que la parcelle sur laquelle nous travaillons ne lui appartient pas en totalité", explique-t-elle.
"Il y a peu de femmes qui ont des terres dans le village. Je n’en fais pas parti pour le moment, mais j’ai grand espoir d’en avoir moi aussi un jour pour travailler et être indépendante", espère-t-elle.
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