Cela devait marquer une étape dans l'intégration du Cap-Vert en Afrique de l'Ouest: l'accession à la tête de l'exécutif de l'organisation régionale Cédéao. Mais la place lui a échappé, une déconvenue qui ravive le sentiment d'isolement de l'archipel.
C'était au tour du Cap-Vert de prendre en 2018 la présidence de la Commission de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays) en vertu de l'ordre alphabétique. Mais lors du sommet de l'organisation ce week-end à Abuja, la capitale nigériane, le poste est revenu à la Côte d'Ivoire.
Parmi les motifs de cette décision ont été évoqués des arriérés de cotisations non réglés par Praia. Mais le président cap-verdien, Jorge Carlos Fonseca, a dénoncé, dans une déclaration à la télévision publique TCV, des "arrangements politiques" contraires selon lui aux règles de l'organisation.
Créée en 1975, la Cédéao, mosaïque de pays francophones, anglophones et lusophones comptant aujourd'hui plus de 330 millions d'habitants, vise une intégration économique accrue entre ses membres.
Mais les responsables cap-verdiens regrettent que l'archipel, ancienne colonie portugaise au large du Sénégal, ne pèse guère au sein du bloc régional, malgré son image de "modèle de démocratie" africaine, dans une zone souvent troublée.
Cette année encore, le Cap-Vert est le pays ouest-africain le mieux classé à l'Indice de la gouvernance en Afrique établi par la Fondation Mo Ibrahim, à la 4e place sur 54.
Mais, "dans un monde dominé par la quantité, le Cap-Vert estime qu'il est trop réduit avec ses quelque 500.000 habitants et 4.033 km2, en comparaison du Nigeria", géant continental, avec plus de 193 millions d'habitants, résume le diplomate Corsino Tolentino dans un entretien avec l'AFP.
Tourné vers le grand large, le Cap-Vert compte plus de citoyens à l'extérieur qu'à l'intérieur de son territoire, avec une diaspora estimée à quelque 700.000 personnes.
- Ignorance mutuelle -
La faiblesse chronique des liaisons avec le reste de l'Afrique, ainsi que des échanges, contribue aussi à ce sentiment d'être à part.
"En ce qui concerne les rapports avec la Cédéao, il faut bien voir tout ce qui les complique", expliquait l'ex-président cap-verdien Pedro Pires (2001-2011) à l'AFP le 30 novembre lors d'une réunion à Dakar organisée par la Fondation Mo Ibrahim, qui lui a décerné son prix en 2011.
Le transport maritime est virtuellement inexistant et le transport aérien intra-africain très insuffisant. "Mais comment développer les rapports économiques si vous n'avez pas de transport maritime?", soulignait-il.
A ces difficultés structurelles s'ajoute une méconnaissance réciproque, affirmait le président Fonseca, dans une récente interview à une correspondante de l'AFP à Praia.
"Les Cap-Verdiens ne connaissent pas bien les organes et projets de la Cédéao et ses mécanismes. Et ce n'est pas un hasard s'il y a si peu de Cap-Verdiens dans ses instances. Mais, d'autre part, la réalité du Cap-Vert est peu connue par les autres pays de la Cédéao", selon lui.
L'ancien Premier ministre José Maria Neves (2001-2016) a tempéré ces critiques, considérant que des progrès ont été accomplis.
"La Commission de la Cédéao a été élargie sur proposition du Cap-Vert, et un commissaire cap-verdien a été nommé pour le dossier des Technologies de l'information. Donc, je ne pense pas que la Cédéao ignore le Cap-Vert, mais l'organisation doit accorder plus d'attention aux spécificités de l'archipel", a indiqué M. Neves à l'AFP.
Sur la cinquantaine de protocoles et conventions de la Cédéao signés depuis 1978, le Cap-Vert en a ratifié moins de la moitié, soit le plus faible total de l'ensemble des 15 Etats membres.
Pour le secrétaire général du Parlement de la Cédéao, le Nigérian Nelson Magbagbeola, chacune des deux parties doit faire des efforts.
Selon lui, le Cap-Vert aurait intérêt à s'impliquer davantage en nommant un ambassadeur auprès de l'organisation et en appliquant les décisions de la Cédéao sur "la libre circulation des personnes et des biens" dans la région.
Le Premier ministre Ulisses Correia e Silva s'est dit prêt à désigner un représentant auprès de la Cédéao mais souhaite "une plus grande flexibilité" pour le libre accès des ressortissants ouest-africains aux emplois sur son sol, faisant valoir que "le marché du travail cap-verdien est limité".
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