Pour le docteur Yaya Niang, spécialiste en droit public, à travers ce projet de révision constitutionnelle qui sera adopté le 4 mai prochain, le président de la République Macky Sall chercherait aussi à « créer » son remplaçant en perspective de l’élection présidentielle de 2024. A l’en croire, en rendant compatibles les fonctions de ministre et de député, le chef de l’Etat peut démissionner à 6 mois de la prochaine présidentielle et « imposer » un remplaçant.
En réalité, la réforme constitutionnelle annoncée par le chef de l’Etat Macky Sall ne porte pas seulement sur la suppression du poste du Premier ministre, cette réforme en cache une autre : celle de rendre maintenant compatible la fonction de membre du gouvernement et celle de député. C’est du moins l’avis du constitutionnaliste Yaya Niang.
«Jusque-là, ces deux fonctions étaient incompatibles. C’est prévu par la constitution et le code électoral. Mais, il est prévu dans l’exposé des motifs de la révision constitutionnelle que ‘’la volonté de reconsidérer le statut de député se traduit par la possibilité désormais offerte à celui-ci, nommé membre du gouvernement de reprendre son siège à la cessation de ses fonctions ministérielles’’ », confie-t-il à SeneWeb.
« Le schéma est constitutionnellement possible au vu des nouvelles dispositions des articles 56 et 57 de la constitution », pense Yaya Niang qui trouve « impertinent » qu’on puisse être élu député, nommé ministre et pouvoir continuer à garder son statut de député.
Parlant en effet de « réforme cachée », le juriste ajoute: « Les gens n’en parlent pas. Mais, contrairement aux Législatives de 2017 où les ministres comme Mouhamed Boun Abdallah Dionne, Amadou Ba, entre autres, étaient tenus de démissionner, si le projet de loi est adopté, un membre du gouvernement, qui était déjà élu député, peut à tout moment retourner à l’Assemblée nationale et qu’on mobilise les moyens juridiques et politiques pour faire de lui le président de l’Assemblée afin qu’il devienne le dauphin du Chef de l’Etat ».
Démission à 6 mois de la présidentielle
En clair, d’après lui, lors des élections législatives de 2022, les membres du gouvernement, candidats pour ces échéances au cas où Benno Bokk Yaakaar obtient la majorité, ces ministres élus députés ne seront pas obligés de démissionner de leur fonction de députés même s’ils ne siégeront pas à l’hémicycle. S’ils veulent, ils peuvent à tout moment retourner à l’Assemblée nationale.
« Dans ce cas-là, ils peuvent, avec la majorité parlementaire, ramener le mandat du président de l’Assemblée nationale de 5 à 1 an pour élire le dauphin constitutionnel du président de la République. Dès que celui-ci démissionne à 6 mois de l’élection présidentielle de 2024, c’est le président de l’Assemblée nationale qui deviendra d’office le président de la République le temps qu’on organise les élections », raisonne le constitutionnaliste.
A l’en croire, « le nouveau président intérimaire peut, en l’espace de 6 mois, s’asseoir, activer son réseau, hériter de tous les pouvoirs du président de la République pour préparer tranquillement l’élection. Il aura plus de chance de la gagner », analyse-t-il.