Elle est la figure de la lutte contre la brutalité policière. Âgée de 35 ans, Assa Traoré est devenue une figure de la lutte contre le racisme et les violences policières en France après le décès de son petit frère, Adama, en 2016, suite à une interpellation des forces de l’ordre.
“S’il arrive malheur à l’un d’entre vous un jour, il faudra compter sur la fratrie.” Nul doute qu’Assa Traoré n’a pas oublié le dernier souhait de son père, décédé en 1999 d’un cancer des poumons.
C’est lors de l’été 2016, peu après le décès de son petit frère Adama après une interpellation musclée des gendarmes faisant suite à une course-poursuite, que la voix d’Assa se fait entendre peu à peu partout dans l’Hexagone.
Si des expertises médicales font état d’une mort par asphyxie, pour la police, le décès du jeune homme est avant tout dû à ses fragilités antérieures.
Pour les proches de la victime, pas de doute, la mort d’Adama est dûe à la compression exercée sur sa cage thoracique lors du “plaquage ventral” effectué par les trois gendarmes. Depuis ce décès survenu le 17 juillet 2016, le combat d’Assa a débuté et sa vie a pris une tout autre tournure.
Assa Traoré, Une cheffe de file
Mère de trois enfants, Assa Traoré est issue d’une famille malienne et fait partie d’une fratrie de 17 frères et sœurs ayant grandi de le Val-d’Oise, dans la ville de Beaumont-sur-Oise.
Depuis qu’elle a une dizaine d’années, elle souhaite aider “les plus abîmés, les plus démunis, des filets de toute misère”. C’est pourquoi dès le CM2, elle trouve sa voie lorsque des éducatrices de la protection judiciaire de la jeunesse présentent leur métier dans son école.
En 2007, elle décroche son diplôme et devient éducatrice spécialisée. Lorsque le décès de son frère survient lors de l’été 2016, elle est en voyage professionnel en Croatie et rentre en urgence dès le lendemain, à Beaumont, en tant que cheffe de famille : “Depuis le décès de notre père, en 1999, elle tient notre famille.
Elle a très tôt eu la responsabilité de ses cadets. C’est pour cela qu’aujourd’hui elle est si forte et engagée. La mort d’Adama, c’est comme si elle avait perdu son propre fils”, explique à Libération Lassana, l’un de ses frères.
C’est tout naturellement qu’elle s’impose comme la porte-parole et la cheffe de file de cette famille très soudée et mène depuis une lutte acharnée pour la justice et la vérité.
Vérité pour Adama, un mouvement devenu politique
Immédiatement après les faits, Assa évoque une “bavure policière” et établit un rapport de force avec les médias. Les déclarations divergentes d’Yves Jannier, procureur en charge de l’affaire, ne font qu’accentuer ce sentiment d’injustice.
Ce dernier omet d’évoquer la présence d’un syndrome asphyxique, ce qui lui vaut d’être traité de “voyou” qui “n’honore pas sa profession” par la mère de famille.
Elle anime depuis le “Comité vérité et justice pour Adama” qui se battait à la base uniquement pour que l’État français “prenne ses responsabilités” concernant la décès d’Adama.
De nombreuses marches ont été organisées par le collectif depuis la mort du jeune homme, bien qu’elles aient parfois été interdites par la préfecture.
Au-delà du combat pour Adama, Assa porte aussi celui des “Arabes et des Noirs” habitants des quartiers populaires. Elle dénonce régulièrement un pouvoir qui traite ses “frères” comme “des ennemis de l'intérieur”.
Au fil des mois, le mouvement s’est quelque peu politisé et défend plusieurs causes sociales, notamment depuis le mouvement des Gilets jaunes.
“On s’est reconnus en eux”, avait-elle avoué à ce sujet. Comme annoncé dans une interview donnée au site Reporterre.net, son mouvement “soutient d’autres luttes parce que c’est ça aussi le combat Adama”.
Dans ce même entretien datant de 2018, la grande sœur d’Adama Traoré estime qu’il faut “renverser le système”, afin de “construire un système qui nous appartient, un système égalitaire, juste, démocratique, qui respecte sa population.”
Elle accuse, avant d’être mise en examen
En 2017, elle a co-écrit avec la journaliste Elsa Vigoureux Lettre à Adama, où elle raconte son combat contre les violences policières, ainsi que dans un autre ouvrage intitulé Le combat Adama, publié en 2019 et co-écrit avec le philosophe et sociologue Geoffroy de Lagasnerie.
À l’occasion du troisième anniversaire de la mort de son petit frère, Assa Traoré publie sur les réseaux sociaux une tribune intitulée “J’accuse... !”
Elle dénonce tous ceux qui, selon elle, ont entravé l’enquête sur le décès de son frère comme des experts, gendarmes, procureur ou encore les juges. Une tribune pour laquelle elle a été mise en examen pour diffamation.
J’Accuse …!
— La Vérité Pour Adama (@laveritepradama) July 18, 2019
Par ASSA TRAORE
Le 13 janvier 1898, les mots d'Emile Zola résonnaient dans l’Aurore. Il réclamait dans l'affaire Dreyfus une justice que la France était incapable de rendre.
Le 17 juillet 2019, c’est dans ce même pays que moi, Assa Traore, j’accuse à mon tour 👇🏼 pic.twitter.com/wYD0wna8gd
Malgré l’interdiction en raison de l’état d’urgence sanitaire actuel, Assa Traoré a appelé à manifester devant le Tribunal de grande instance de Paris afin de soutenir sa propre famille.
Des heurts ont eu lieu en fin de manifestation entre manifestants et forces de l’ordre. Pour la mère de famille, le seul responsable de ces échauffourées est le préfet de police de Paris Didier Lallement, comme elle l’a confié ce mercredi matin sur le plateau de BFM TV.
https://www.kafunel.com/?p=50545&feed_id=684114Assa Traoré: "Le seul responsable de ce qu'il s'est passé hier en fin de manifestation, c'est le préfet Lallement" pic.twitter.com/7CP6OSH1Jn
— BFMTV (@BFMTV) June 3, 2020