Comment aborder un sujet qui touche autant de femmes sans ne blesser personne? Je ne sais pas si j'arriverai à retranscrire mon vécu et mon ressenti assez justement.
Comment aborder un sujet qui touche autant de femmes sans ne blesser personne? Je ne sais pas si j'arriverai à retranscrire mon vécu et mon ressenti assez justement. Mais qui que tu sois là derrière (fertile ou non), le but n'est pas de faire du mal mais de parler, d'expliquer et de se comprendre. Aujourd'hui je vais parler d'hyperfertilité, le mot qui fait grincer les dents, qui fait pleurer des milliers de femmes chaque mois et qui en rend d'autres jalouses.
J'ai toujours entendu parler de femmes fécondes, ces femmes qui ont la capacité de tomber enceinte très rapidement, qui n'ont pas besoin de faire d'essai bébé pour réaliser leur rêve. Je savais que j'en faisais partie, la génétique a une bonne dose de responsabilité là dedans.
Notre premier essai bébé a débuté en 2009, il s'en est suivi d'une première fausse couche. Puis notre bébé tant attendu est arrivé. Autour de moi d'autres femmes tentaient de se lancer dans l'aventure. Je me souviens très précisément d'une copine, de dix ans de plus, qui pleurait chaque mois au moment de ses règles. Elle espérait un retard qui n'est jamais venu et portait des pantalons de grossesse, tout était prêt... tout sauf son corps. Je me sentais honteuse, moi la petite jeune de 20 ans qui pond son premier enfant sans devoir attendre des années. La vie est vraiment mal fichue.
Je ne savais pas que quelques mois plus tard c'est l'attente de mes règles qui deviendrait également un cauchemar.
J'ai commencé à me renseigner sur l'hyperfertilité suite à mon retour de couche. Trois mois après notre premier bébé j'étais de nouveau enceinte... sous pilule! Durant ce début de grossesse j'ai donc cherché des solutions pour l'avenir.
Tomber enceinte sous contraception (que je tolère très mal) ce n'est pas vraiment ce que j'espérais. J'ai très vite compris qu'il m'arrivait, certains mois, d'ovuler plusieurs fois. Je me suis donc rendue sur un célèbre forum où la catégorie "infertilité" était très prisée.
Des centaines de femmes qui se confiaient, racontaient leur parcours pma etc. Puis j'ai recherché la catégorie qui correspondait à ma situation, en vain. J'ai donc lancé une conversation en proposant à d'autres femmes dans mon cas d'ouvrir une catégorie pour se soutenir, raconter nos parcours et surtout pour se rassurer.
Mais visiblement j'étais la seule... la seule idiote à croire que tomber enceinte trop facilement est un handicap. On m'a donc dégagée du forum en me demandant d'arrêter de me plaindre et en m'indiquant que ma place n'était clairement pas sur ce site (pourtant multi-thématiques).
Les bourriques!
Parce qu'avec le recul, quel égoïsme! J'étais capable d'être à l'écoute d'une femme qui ne tombait pas enceinte et qui pleurait chaque mois au moment de ses règles. Tandis que de mon côté, pleine d'angoisse, je collectionnais les tests de grossesse. Et qu'après chaque rapport je culpabilisais de garder une intimité avec mon mari alors que les grossesses s'accumulaient et que les contraceptions échouaient.
Sous les applaudissements de mon gynécologue j'ai vécu une fausse couche au second trimestre. Je suis ressortie de ce rendez-vous en me répétant sa phrase "allez c'est mieux comme ça, Ylane est encore tout petit". Les mois suivants ont été un cauchemar, nous avons tout plaqué pour partir à la campagne et à la date présumée de l'accouchement je suis tombée en dépression.... et enceinte. A 22 ans j'étais enceinte pour la quatrième fois.... sous contraception.
Je me souviens d'avoir annoncé ma grossesse en pleurant. Voilà...
Ce n'était pas le moment, je venais de comprendre que j'avais sous estimé ma fausse couche, que je n'avais pas fait mon deuil et qu'il était temps que je remette les pendules à l'heure. Mais mon petit soleil est né, nous avons emménagé dans la maison de nos rêves et finalement construit (malgré nous) la famille que nous voulions.
Et puis à ses cinq mois je suis retombée enceinte. J'ai caché ma grossesse durant 6 mois, j'ai renié ce ventre, je regardais mon Noam et refusais d'accueillir ce troisième petit garçon qui n'était pas du tout prévu. J'avais tellement peur des regards, des réflexions qui me tomberaient dessus. Quelle minable je faisais d'être ainsi incapable de contrôler mon corps.
C'est donc en pleurant que j'ai avoué être enceinte... encore.
Cette grossesse a été, psychologiquement, catastrophique et nous a laissé des séquelles à mon petit et moi. Et puis j'ai compris. J'ai compris que ce n'était pas ma faute, que l'hyperfertilité touchait également des milliers de femmes. Quand certaines pleurent, d'autres dansent de joie au moment de leurs menstruations. Chaque mois elles ressortent de la salle de bain en jubilant. J'ai compris que ce n'était pas que chez moi. Cette danse devrait même porter un nom!
Et puis je suis tombée enceinte de ma fille. J'étais très fière d'avoir tenu 16 mois sans test positif, chacun fête ses petites victoires comme il le peut. A l'annonce du sexe le soulagement était total, je pouvais respirer et assumer ma grossesse. Oui j'étais de nouveau enceinte, mais d'une fille cette fois. Personne n'osait me gâcher ce moment, nous avions LA fille!
Et depuis? Chaque mois je panique, je compte les jours qui me séparent de mes "vilaines". J'aimerais avoir mes menstruations tous les jours! Je crie de joie en sortant de la salle de bain et mon mari se moque. Mais notre intimité est tout de même gâchée par cette épée de Damoclès que nous avons au dessus de nos têtes.
27 ans, 4 enfants. Il me reste encore une bonne quinzaine d'années à risque. L'angoisse! Un cinquième bébé est in-envisageable physiquement, moralement et financièrement. Les médecins ne veulent même pas m'entendre prononcer "ligatures des trompes". Je suis bien trop jeune.
Pourquoi je vous parle d'hyperfertilité? C'est finalement un sujet très intime.
Premièrement pour les mamans qui n'ont pas encore assumé leur situation, qui ont honte parce que leur hyperfertilité est tabou. Nous sommes des milliers dans ce cas, mais censurées!
Deuxièmement pour les femmes qui sont le strict opposé. Ce n'est pas une guerre, personne ne choisit d'être fécond ou non. Nous aussi nous souffrons quand nous voyons une femme enceinte passer; à la différence que, dans notre cas, elle représente ce que nous redoutons. Nous aussi nous pleurons régulièrement de voir notre intimité gâchée. Nous aussi nous sommes humiliées à chaque fois que nous subissons un échec de contraception et que les réflexions fusent, là où vous vivez un échec médical.
Mon article sur les fratries rapprochées a blessé certaines personnes. Vous pensez sérieusement que j'irais dire que c'est LE CHOIX à faire? SERIEUSEMENT? En fait la nature a fait son choix pour moi, j'ai juste décidé de le vivre la tête haute. Vous pensez que les familles nombreuses sont bien vues? Qu'en tant que jeune maman je suis bien traitée auprès des plus anciennes? NON. Je me suis sentie humiliée tellement de fois que j'interdis à quiconque de me demander de censurer mes propos quant à ma façon d'afficher ma facilité à avoir des enfants et de m'en satisfaire (malgré tout).
J'ai décidé d'être positive. Et le chemin n'a pas été facile.
L'hyperfertilité est tabou, personne n'en parle, on tourne ces femmes au ridicule. Peut être parce que nous défions la médecine et ses 99% de fiabilité contraceptive. Généralement les conversations coupent court chez les médecins... on a forcément fait une erreur. IMPOSSIBLE de tomber enceinte quand on prend correctement sa pilule. "C'est de ta faute ma vieille"...
La vérité c'est qu'une femme sous implant ou stérilet tombera enceinte un jour ou l'autre si elle est hyperfertile. On fait un sondage pour rigoler?
Bref j'en appelle à cette fameuse solidarité féminine qui se barre un peu trop facilement, peace and love! Chacun sa vie, chacun ses obstacles. Ne jugez pas le parcours des autres... il est forcément plein de souffrances. Et une femme hyperfertile n'est franchement pas à envier. Vous imaginez les crises de larmes, les avortements cauchemardesques, les complications dans le couple, les problèmes de santé provoqués par ces grossesses à répétition? La souffrance ne justifie pas l'égoïsme. Il faut savoir prendre du recul et essayer de compatir au sort des autres.
Bref la prochaine fois que vous croiserez une femme qui tombe un peu trop facilement enceinte:
- ne la traitez pas comme une idiote incapable de gérer une méthode de contraception (les préservatifs en font partie, c'est évident)
- ne lui demandez pas quand elle compte arrêter de procréer
- laissez lui de la place pour qu'elle puisse confier son malaise et ses craintes
- ayez les mêmes délicatesses qu'avec une femme qui souffre d'infertilité
- ne lui demandez pas de se taire et de savourer sa chance d'avoir des enfants alors que d'autres n'y arrivent pas. Elle aime ses enfants, ce n'est pas le problème.
Merci d'avoir lu ce pavé, qui est imparfait, maladroit mais nécessaire. J'ai sûrement oublié des centaines de détails propres à chacune, n'hésitez pas à les rajouter en commentaire. Histoire de bien montrer que nous sommes nombreuses dans cette situation! Je ne sous-estimerai JAMAIS l'infertilité, je serais tellement malheureuse sans mes enfants et je ne peux qu'imaginer la torture quotidienne de ces femmes. Mais il faut un peu de place pour tout le monde. Être fertile est une chance, mais l'hyperfertilité est un cauchemar!
Le prendre au second degré et en rigoler reste mon droit et mon arme préférée.
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