Le mythe du sage et du démocrate Henri Konan Bédié, initiateur et acteur magnanime d’un front républicain pérenne contre le national-populisme en Côte d’Ivoire a fait long feu. Il est maintenant brisé, depuis le discours ethno-nationaliste assumé d’Henri Konan Bédié le 23 Septembre 2018 dernier appelant à la chefferie Akan contre la République.
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Beaucoup d’ivoiriens dont moi-même (voir à ce propos ma contribution « Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, schèmes historiques de l’houphouëtisme en Côte d’Ivoire », cedea.net) furent convaincus qu’Henri Konan Bédié n’était pas l’artificier et l’auteur du nationalisme identitaire qui fractura le pays en 1990 et favorisa la capture du pouvoir d’Etat par le national-populisme meurtrier du FPI qui mit le pays à feu et à sang entre 2000 et 2010. Nous sommes revenus de cette illusion.
Le discours ethno-nationaliste assumé du 23 Septembre dernier dont la chefferie Akan s’est clairement distanciée au plus haut niveau, tend à prouver qu’Henri Konan Bédié est bel et bien l’initiateur opportuniste de l’ethno-nationalisme en Côte d’Ivoire.
L’instrumentalisation politique de l’ethnicité est son artillerie lourde et sa bombe à fragmentation dans la lutte politique ivoirienne.
Il en use tactiquement et stratégiquement pour éliminer politiquement ses adversaires et pour prendre d’assaut le pouvoir d’Etat.
Le soutien d’Henri Konan Bédié à Alassane Ouattara au 2ième tour de 2010, ne fut donc guère animé par une conviction républicaine.
Les tentatives d’alliance amorcées avec les forces du national-populisme avant le discours catastrophique du 23 Septembre 2018 accréditent cette interprétation.
En 2015, il refréna, par calcul stratégique, l’ardeur de la frange ethno-nationaliste du parti qui piaffait d’impatience et tenta une alliance prémonitoire avec le bien nommé « front du refus » composé par le FPI et ses satellites.
Les Ivoiriens auront d’ailleurs constaté que ces figures emblématiques de la dissidence ethno-nationaliste au sein du PDCI se pressent autour du chef pour constituer sa garde rapprochée. Ils étaient au premier rang lors du discours d’Henri Konan Bedié à la chefferie Akan à Daoukro le 23 septembre 2018 dernier.
Cette clarification des positions tend à prouver qu’au deuxième tour de la Présidentielle de Décembre 2010, Henri Konan Bédié se décida à demander à son électorat de voter Alassane Ouattara à la fois par calcul politique à court terme et par instinct de survie. Alassane Ouattara était son assurance-vie.
La brutalité meurtrière et manœuvrière de Laurent Gbagbo et de son FPI pesèrent lourdement dans balance lorsqu’il fallut qu’Henri Konan Bédié se décide politiquement entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara en Décembre 2010.
Le choix apparemment raisonnable et républicain d’Henri Konan Bédié fut motivé par un instinct de survie physique. Il a fait le choix d’Alassane Ouattara pour se préserver de la brutalité expéditive de Laurent Gbagbo qui n’embrasse son allié circonstanciel que pour lui enfoncer la dague dans le cœur. Il ne s’est pas allié à Alassane Ouattara par conviction républicaine pour sauver la démocratie républicaine.
Il s’est allié à Alassane Ouattara pour simplement sauver sa peau et préserver ses chances de s’approprier le pouvoir d’Etat en 2020 afin de réparer la frustration et l’humiliation qui lui furent infligées par le coup d’État de Décembre 1999.
Il n’est pas sûr que le peuple du V Baoulé dont la chefferie vient de prendre clairement ses distances avec Henri Konan Bédié en lui rappelant par des périphrases sibyllines la ligne rouge que constituerait une alliance avec le FPI aurait suivi, de sa part, les consignes d’un vote en faveur de Laurent Gbagbo en 2010.
Ce n’est pas Henri Konan Bédié qui a donné le pouvoir à Alassane Ouattara en Décembre 2010 comme se plaisent à le dire ses supporters à partir de leur point de vue patrimonialiste caractéristique. Ce sont les citoyens ivoiriens de toutes les origines ethniques appuyés par les citoyens ivoiriens du V Baoulé qui ont joint leur voix pour donner la majorité électorale au candidat Alassane Ouattara afin de préserver le projet sociétal houphouëtiste et la démocratie républicaine en Côte d’Ivoire.
Suivant son flair, Henri Konan Bédié n’a fait que marcher dans le sillage du mouvement populaire. Son appel à voter Alassane Ouattara au deuxième tour de la Présidentielle 2010 ne fut pas déterminé par les principes pragmatiques de la raison politique. Il appela à voter Alassane Ouattara par habileté et ruse manœuvrière.
Le souvenir du long exil à Paris, des chasses à l’homme meurtrières et barbares des escadrons la mort du FPI lancés à la poursuite des opposants, la réminiscence de la répression meurtrière des manifestants du PDCI en 2004 par la garde prétorienne de Laurent Gbagbo étaient rémanents dans la mémoire du chef du PDCI.
Henri Konan Bédié s’est senti contraint par le principe de réalité de soutenir Alassane Ouattara. Guidé par l’instinct de survie, il évitait l’aventure suicidaire d’une alliance politique avec le FPI populiste du brutal Laurent Gbagbo dont il sortirait surement physiquement éliminé ou politiquement laminé.
En s’alliant avec l’homme de principe, le raffiné Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié préservait à coup sûr sa vie et conservait selon sa perspective, l’espoir de récupérer le pouvoir d’État en 2020 dans une logique de revanche, après l’avoir brutalement perdu en Décembre 1999 dans le coup du général Guéi.
Le retrait du PDCI du RHDP décidée par Henri Konan Bédié s’inscrit dans la cohérence de cette logique sommaire de type patrimonialiste.
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