L’ancien président français Jacques Chirac, décédé jeudi à l’âge de 86 ans, a vu sa trajectoire profondément marquée dans tous les sens du terme par ses rapports avec l’Afrique dont il était notamment épris de la culture.
Si les présidents français sont tous obligés d’une certaine manière de s’intéresser au continent en raison du passé colonial français qui a tissé des liens demeurés intacts encore aujourd’hui, l’intérêt de Chirac pour l’Afrique procède surtout d’une véritable curiosité intellectuelle.
"Chirac l’Africain", comme on a pu le surnommer quelquefois, était attiré par la culture africaine et ses mystères, en droite ligne de l’intérêt qu’il portait pour les arts premiers, qu’ils soient d’Afrique ou d’Asie d’ailleurs, en témoigne son amour de même acabit pour le sumo japonais par exemple, ainsi que d’autres traditions similaires.
Les observateurs ont pu dire du défunt président français qu’il était sincèrement épris de l’Afrique, en dépit de ses relations archaïques avec le continent, à l’aune de certaines de ses prises de position pas toujours indiquées, de ses dérapages verbaux quelquefois.
L’histoire retiendra particulièrement de lui "le bruit et l’odeur", une célèbre expression extraite de son discours prononcé le 19 juin 1991 et connu comme "Le discours d’Orléans", prononcé lors d’un dîner-débat du Rassemblement pour la République (RPR), devant 1.300 militants et sympathisants. Chirac, à l’époque maire de Paris, était président du RPR, et son discours portait sur un éventuel recadrage de la politique d’immigration française.
Le bruit et l’odeur en question désignaient des désagréments supposément causés par certaines personnes immigrées en France, un dérapage et un malentendu longtemps reproché à Jacques Chirac, mais qui devrait finalement rester dans les contradictions d’une pratique politique selon laquelle la quête de voix peut conduire à bien des populismes.
Car en réalité, ces dérapages peuvent à l’occasion être contrebalancés par certaines de ses déclarations à mille lieues du politiquement correct qui, avec le recul, fleurent bon un ton et un engagement qui n’ont rien à envier à un altermondialiste primaire.
"Ce continent, nous lui avons d’abord pris ses richesses. C’est curieux, disait-on alors, ces Africains ne sont bons à rien. Puis les colons ont envahi ses bois sacrés, pillant le cœur même du chamanisme. C’est étrange, s’étonnait-on, ces gens-là n’ont pas de culture. Aujourd’hui, on agit de même, mais avec plus d’élégance.
L’Occident leur pique leurs cerveaux, par le biais d’une institution condamnable : les bourses. Il s’agit là, à mes yeux, d’une autre forme d’exploitation. Soyons clairs : on s’est bien enrichi à ses dépens. Nous devons, c’est vrai, encourager la marche vers la démocratie. Mais sans arrogance, sans humilier."
C’est sûr, Chirac aimait bien l’Afrique. Il l’aimait trop et finalement mal, ont pu dire certains, mais c’est là aussi toute l’ambiguïté de la relation que les présidents africains successifs ont pu entretenir avec le continent africain. Mais Chirac chérit presque autant le Zambèze que sa Corrèze natale, selon l’expression d’un quotidien français.
En douze ans de présidence, il a été comptabilisé que Jacques Chirac s’est rendu, dans l’exercice de ses fonctions, dans 39 pays du continent africain, dont 11 fois lors de sommets multilatéraux (Afrique-France, Europe-Afrique, francophonie, santé, lutte antiterroriste).
En février 2005, lors d’un de ses déplacements au Sénégal, Jacques Chirac, visiblement heureux de l’accueil qui lui a été réservé, n’a pu s’empêcher d’évoquer des enfants qui sont beaux, chantent et dansent, avec des yeux qui brillent, contents d’être là parce qu’il se passe quelque chose.
Une référence sensible peut-être, sinon simplement exotique, mais qui vaut plus par les retours sur un homme amoureux de l’Afrique et affectionnant, au-delà de tout, le plaisir des bains de foule, au Sénégal, en France ou ailleurs.
Mais davantage qu’un adepte des bains de foule ou un amoureux de l’Afrique, Chirac fut un chef d’Etat qui prenait certaines positions qui peuvent détonner idéologiquement dans ses rangs.
Comme lorsqu’il s’était fait le militant infatigable d’une taxe internationale pour réduire les inégalités entre le Nord et le Sud. Une vraie révolution idéologique de la part d’un président de droite et dirigeant de l’un des huit pays les plus industrialisés du monde.
Il est l’un des premiers à parler de la nécessité de chercher des financements innovants pour l’aide publique au développement, les budgets des pays donateurs ne pouvant, selon lui, supporter une augmentation nécessaire de celle-ci.
Chirac avait fait valoir que les Africains n’étaient pas prêts à accepter indéfiniment de voir sur les écrans de la télévision l’évolution du monde les laisser en rade.
Au Sénégal, il en avait conclu la nécessité d’imposer le développement, pour d’évidentes raisons morales et politiques.
https://www.kafunel.com/?p=34654&feed_id=807965