La faiblesse de ceux qui attaquent la France. Pour Éric Delbecque, les islamistes attaquent la France parce qu'elle est la seule à leur opposer un modèle d'affranchissement collectif.
Gendarmes securisants la basilique Notre-Dame de l'Assomption a Nice le 31 octobre 2020, deux jours apres l'attaque au couteau ayant fait trois morts.
Après l'assassinat répugnant de Samuel Paty, l'attentat abject de Nice… L'Éducation nationale, puis l'Église, la France est atteinte dans ses fondements républicains et civilisationnels.
Faiblesse ou pas de ceux qui attaquent la France
Beaucoup de nos concitoyens ont peur et se demandent jusqu'à quand notre pays subira cette barbarie. Le terrorisme en Autriche n'a rien arrangé…
D'autres, parmi notre personnel politique, en profitent pour faire de la basse cuisine politicienne et exhorter le gouvernement à sortir de l'État de droit, alors même que c'est ce dernier qu'il s'agit de protéger, car il se confond avec les valeurs républicaines que défend la France.
Les libertés individuelles sont précisément ce que méprisent les salafistes politiques et djihadistes contre lesquels nous luttons.
Et puis bien sûr, il y a ces incarnations emblématiques de l'islam politique installées sur la scène internationale, rangées en pyramide en haut de laquelle trône le dirigeant de la Turquie, qui insultent notre pays et son modèle, fondé sur la laïcité, c'est-à-dire la liberté de chacun de choisir sa transcendance, de croire au ciel ou pas, de l'exprimer et de débattre.
Recep Tayyip Erdogan baisse intégralement le masque, qui ne cachait d'ailleurs plus grand-chose. Chacun peut constater qu'il assume l'héritage du totalitarisme fasciste du siècle dernier…
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Il me paraît dès lors utile de déplacer notre regard. Nous traversons certes une période difficile qui mine notre optimisme. Pourtant, cet acharnement contre la laïcité à la française, cette haine – exprimée de la façon la plus brutale qui soit – contre la liberté d'expression, prouve indiscutablement et invinciblement que nous empruntons le bon chemin, que la France réveille en elle une part vertébrale de son identité, suscitant la peur de toutes les successions totalitaires.
Livre sacré
Car, au final, de quoi est-il question ? De sauver en France une culture civique qui pose la prééminence d'un cadre laïque dont le but est de préserver la capacité de chaque citoyen, non seulement à adopter les croyances qui lui semblent justes et permettent son plein épanouissement individuel, mais également qui l'autorisent à vivre et à dialoguer avec tous ses compatriotes dont les choix existentiels, spirituels, politiques et idéologiques s'affirment différents des siens.
Voilà pourquoi la laïcité se révèle un principe stratégique de notre vie nationale, et donc constitutionnelle. Elle ne s'oppose pas au libre exercice des religions, mais veut permettre leur coexistence pacifique, et interdire toute prétention de l'une ou de l'autre (et pas simplement de l'islam) à s'insinuer dans l'espace politique, c'est-à-dire à confondre spirituel et temporel.
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Pour le dire autrement, aucune confession n'a le droit de vouloir organiser l'ensemble de la société, ou même une partie, en l'articulant sur des principes et prescriptions religieux.
Les valeurs de n'importe quel livre sacré ne peuvent en aucun cas prévaloir sur les lois de la République. Qu'un citoyen soit catholique, musulman, protestant, orthodoxe, athée ou juif, il doit à la fois pouvoir pratiquer librement son culte et ne jamais disposer des moyens de l'imposer aux autres.
Respect des libertés
Il en découle logiquement que le séparatisme, la construction d'enclaves dégagées des lois de la République, ne peut pas davantage être toléré. La France diffère totalement des modèles anglo-saxons qui semblent indifférents à la juxtaposition des communautarismes.
Non par mépris des multi-appartenances culturelles, familiales, religieuses, idéologiques des membres de la collectivité nationale, mais par respect des libertés individuelles que menace à chaque instant le concept même de communautarisme, dont l'essence est d'enfermer radicalement chaque personne dans une logique holiste, dans un groupe vis-à-vis duquel aucune indépendance n'est imaginable.
Le projet de loi qui viendra bientôt devant le Parlement, et dont le « titre » reste encore incertain, ambitionne précisément de ne plus laisser planer d'ambiguïté sur ce cadre philosophico-civique.
C'est pour cette raison que l'islam politique et ses représentants patentés s'acharnent aujourd'hui à dénoncer le modèle français et cet objectif législatif.
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Ce qui signifie que la France vise juste. Les islamistes craignent que cette résistance nationale à la dynamique communautariste ne grignote – lentement mais sûrement – le travail souterrain et agressif de la stratégie d'influence conduite par les salafistes en général et les Frères musulmans en particulier.
Pourrait-il en sortir une ébauche d'islam des Lumières, débarrassé de la menace totalitaire salafiste, de l'instrumentalisation politique islamiste, qui tente de l'empêcher de naître depuis l'intérieur de l'aire civilisationnelle musulmane ? Sans doute est-ce là une espérance de long terme : il n'en demeure pas moins que cette perspective terrifie les salafistes politiques et djihadistes.
Rêve fasciste
Ce scénario fragile, empli d'espoir et infiniment délicat à rendre réel, doit pourtant continuer de nous inspirer, même s'il ne doit pas résumer la stratégie hexagonale de lutte contre l'islamisme.
À quelques jours de l'anniversaire de la mort du général de Gaulle, souvenons-nous en guise de guide du combat français de notre époque de l'analyse du totalitarisme, matrice de l'islamisme contemporain, faite par le Connétable, dans son discours d'Oxford de 1941 : notre civilisation, « qui tend essentiellement à la liberté et au développement de l'individu, est aux prises avec un mouvement diamétralement opposé qui ne reconnaît de droits qu'à la collectivité raciale ou nationale, refuse à chaque particulier toute qualité pour penser, juger, agir, comme il l'entend, lui en arrache la possibilité et remet à la dictature le pouvoir exorbitant de définir le bien et le mal, de décréter le vrai et le faux, de tuer ou de laisser vivre, suivant ce qui est favorable à la domination totale du groupement qu'elle personnifie ».
C'est précisément cela le salafisme politique et djihadiste : un rêve fasciste prenant en otage la spiritualité, la manipulant, la trahissant de manière obscène et lâche.
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Alors que les victimes de la barbarie, au sein des écoles et des églises, emplissent notre cœur de tristesse et de la tentation du désespoir, rappelons-nous aussi l'exhortation de l'homme du 18 Juin, qui nous indique le chemin de l'appel, du rassemblement et du salut : « Le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ?
La défaite est-elle définitive ? Non ! […] Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n'est perdu pour la France. » Il faut croire le chef de la France libre et œuvrer à faire advenir les conséquences opérationnelles de cette inspiration : la « flamme de la résistance française » survivra à tous les nostalgiques des dictateurs du XXe siècle. À bon entendeur, salut, « Duce » Ergodan…
Par Éric Delbecque*
Publié le 06/11/2020 à 07:00 | Kafunel.com avec Le Point.fr
*Éric Delbecque est expert en sécurité intérieure et auteur des Silencieux (Plon)