L’indépendance de la Justice : objet d'une remise en cause inédite



L’indépendance de la Justice. « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (…) ». Malgré cette indépendance proclamée, l’institution judiciaire et des décisions de justice ont fait l’objet, comme jamais auparavant au Sénégal, d’une remise en cause inédite. En effet, le pouvoir judiciaire a pu être perçu - à tort ou à raison - comme impliqué dans des enjeux de pouvoir et des luttes politiques, comme ayant, dans l’exercice de son office, privilégié un camp au détriment d’un autre.

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Indépendance de la Justice




Dans le cadre du processus électoral de l’élection du 24 Mars 2024, une des composantes de l’institution judiciaire, qui est la juridiction constitutionnelle s’est retrouvée dans la tourmente, suspectée par certains acteurs de connivences fautives, au point qu’une commission d’enquête parlementaire, mise sur pied dans un premier temps (le 31 janvier 2024), a été suspendue à la suite de l’intervention du procureur qui a décidé de se saisir du dossier (17 février 2024).

Jamais l’institution judiciaire n’a été à ce point mêlée à des batailles politiques. Dans un tel contexte, il est certainement pertinent d’initier une réflexion sur l’indépendance du pouvoir judiciaire au Sénégal.

Ce d’autant que le président de la République annoncé, lors de son discours du 03 avril 2024, a entrepris organiser des assises regroupant les professions du métier (magistrats, avocats, huissiers, greffiers et autres auxiliaires de justice), les professeurs d’université́ et les citoyens pour identifier des pistes de solution aux problèmes de la justice.

Mais d’ores et déjà, le Président de la République a annoncé certains éléments de la réforme du secteur de la justice, qui touchent notamment le régime de la garde à vue et la juridiction constitutionnelle elle-même.

Le Conseil constitutionnel du Sénégal fait en effet l’objet d’un certain nombre de débats depuis quelques années.




Au-delà des problèmes structurels, comme ses compétences réduites (compétences en matière électorale et compétence en vertu de l’article 92 de la Constitution du 22 janvier 2001 modifiée), le Conseil constitutionnel a été au cœur de la tourmente lors des dernières élections présidentielles.

Il faut rappeler qu’il compte sept (7) membres, tous nommés par le président de la République, dont deux (2) sur proposition de président de l’Assemblée nationale.

Il urge de revoir la composition en y intégrant des personnalités d’origines diverses, notamment de la société civile et d’autres acteurs du droit.

Sur un autre aspect, la doctrine a démontré l’importance de conférer aux citoyens la possibilité de saisir directement le Conseil constitutionnel, lorsque leur liberté fondamentale est en cause, d’autant que la juridiction constitutionnelle est le garant des droits et libertés consacrés dans la constitution.

Cette qualité à agir devrait s’élargir aux organisations de la société civile dans le cadre de leur mandat pour la préservation des droits.

RECOMMANDATİON 1
Élargir la composition du Conseil Constitutionnel et préciser l’origine professionnelle des membres, et le nombre de siège qui leur revient de droit.
Conférer la qualité à agir aux particuliers et aux organisations de la société civile pour la préservation des droits fondamentaux.


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Article 90 de la Constitution sénégalaise




L’un des piliers de la réforme devrait consister en une évolution de l’organe de gestion de la carrière des magistrats : le Conseil supérieur de la magistrature (C.S.M).

Cette réforme- phare constituerait une véritable révolution dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire au Sénégal.

Elle consisterait notamment à mettre fin à la présence, en son sein, du président de la République – qui le préside - et du ministre de la Justice – vice-président.

Cette réforme contribuerait non seulement à exclure l’élément politique du CSM, mais dans le contexte plus général d’« hyper présidentialisme » qui prévaut au Sénégal, elle viendrait atténuer l’image d’un chef d’État tout-puissant.

En effet, c’est le président qui nomme aux emplois civils et militaires, détermine la politique de la nation, nomme et met fin aux fonctions du premier ministre et des ministres, il signe les ordonnances et les décrets etc.

Selon l’article 90 de la Constitution sénégalaise, il nomme les magistrats de l’ordre judiciaire après avis du CSM.

Les juges du Conseil constitutionnel sont également nommés par le président, ainsi que ceux de la Cour des comptes après avis du Conseil supérieur des comptes.

Il convient d’ajouter que le président de la République n’étant juridiquement pas empêché d’être chef de parti politique, des liaisons dangereuses entre justice et politique pourraient de ce fait se nouer.

La présence du président de la République, doté lui-même de pouvoirs considérables et assumant une charge partisane, ainsi qu'un Garde des Sceaux qui lui est trop souvent proche politiquement au sein du CSM, constitue le symbole le plus éloquent d’un risque d’inféodation politique du pouvoir judiciaire.

Sous ce rapport, il est nécessaire mettre fin à cet état de fait qui est contraire à une compréhension exigeante de la séparation des pouvoirs.

RECOMMANDATİON 2
Il est donc recommandé de mettre fin à la présence, au sein du CSM du Président de la République et du ministre de la Justice, qui en sont actuellement le président et le vice-président. La présidence de l’institution peut être confiée à une personne dont le profil peut être défini de manière consensuelle.


La nécessité de revoir les prérogatives du procureur de la République dans le cadre de la procédure pénale




S’agissant plus spécifiquement de l’organisation du pouvoir au sein même du pouvoir judiciaire, les évènements récents que le Sénégal a connus ont montré la nécessité de revoir les prérogatives du procureur de la République dans le cadre de la procédure pénale.

Ces prérogatives peuvent dans certains cas réduire la marge d’appréciation du juge d’instruction, magistrat statutairement « impartial », relevant du « Siège ».

L’article 139 du Code de procédure pénale dispose que « Sur les réquisitions dûment motivées du Ministère public, le juge d'instruction est tenu de décerner mandat de dépôt contre toute personne inculpée de l'un des crimes ou délits prévus par les articles «56 » à «100 » et «255 » du Code pénal.

La demande de mise en liberté provisoire d'une personne détenue provisoirement pour l'un des crimes ou délit spécifiés à l'alinéa précédent sera déclarée irrecevable si le Ministère public s'y oppose par réquisition dûment motivée ».

L’article 140 renchérit en précisant qu’« à l'encontre des personnes poursuivies par application des articles «152» à «155» du Code pénal, le juge d'instruction délivre obligatoirement :

  • 1°) Mandat d'arrêt si l'inculpé est en fuite ;

  • 2°) Mandat de dépôt, lorsque le montant du manquant initial est égal ou supérieur à̀ 1
    000 000 de francs et ne fait pas l'objet d'un remboursement ou du cautionnement de son intégralité ou d'une contestation sérieuse.


Dans les cas ci-dessus où les mandats d'arrêt ou de dépôt sont obligatoires, il ne peut en entre donné mainlevée que si au cours de l'information surviennent des contestations sérieuses ou le remboursement ou le cautionnement de l'intégralité du manquant.

Il n'y a d'exception aux dispositions des deux premiers alinéas que si, selon le rapport d'un médecin commis en qualité d'expert, l'état de santé du détenu est incompatible avec le maintien en détention, même dans un centre hospitalier ».



La palette des infractions visées par les dispositions 139 est éloquente, elle se rapporte à des actes certainement susceptibles de revêtir un caractère « politique », c’est-à-dire susceptible d’être « instrumentalisés » pour un pouvoir politique : il s’agit notamment de la diffusion de fausses nouvelles, des infractions libertés à la participation à une manifestation interdite (articles 96 à 100), les infractions liées à la préservation de la défense et de détournement de deniers publics.

Il faut rappeler que le procureur vise des infractions sur lesquelles le juge d’instruction est tenu d’enquêter.

Il apparaît ainsi urgent d’instaurer un juge des libertés, sachant que les pouvoirs exorbitants du Procureur qui viennent d’être évoqués sont porteurs d’une dynamique liberticide, qui débouchent concrètement sur l’émission de mandats privant de liberté les personnes visées.

RECOMMANDATİON 3
Instaurer un juge des libertés pour statuer en cas de contestation d’un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt.


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