L’Union européenne doit examiner à partir de lundi 18 février, les sanctions qui visent Harare. Cela fait près de 20 ans que l’UE impose des mesures restrictives contre ce pays. Ces sanctions visaient initialement des caciques du régime de l’ex-président Robert Mugabe, accusé à l’époque de violence et de répression à l’encontre de l’opposition.Le conseil de l’UE va-t-il décider de reconduire ces sanctions ? De les durcir ? Après les violences du mois dernier au Zimbabwe, la Grande-Bretagne a laissé sous-entendre qu’elle pourrait demander un durcissement de la position européenne.
Qui est concerné ?
Cela fait dix-sept ans que l’UE reconduit chaque année ses sanctions contre le Zimbabwe. Une vingtaine d'individus étaient au départ ciblés. Des membres du gouvernement, des hauts gradés de l’armée du régime de Robert Mugabe, dont l’actuel président Emmerson Mnangagwa et son vice-président. En 2009, juste après des élections particulièrement violentes, le Zimbabwe est mis au ban de la communauté internationale. La liste des individus concernés par des sanctions passe à 203.
Aujourd’hui, seules deux personnes sont toujours assujetties à sanctions : l’ex-président Mugabe et sa femme, Grace, ainsi que la société publique d’armement, Zimbabwe Defense Industries.
Quelles sanctions ?
Ces sanctions comportent une interdiction de voyage en Europe ainsi qu’un gel des avoirs de ces individus dans les pays européens. Cinq autres personnes, dont l’actuel vice-président du pays, Constantino Chiwenga sont sur une liste parallèle. Les sanctions à leur encontre ont été suspendues, mais peuvent être rétablies à tout moment.
Que pourrait décider l'Union européenne?
Le nouveau gouvernement zimbabwéen, en place depuis 1 an, demande une levée de ces mesures. Il affirme qu’elles entravent le développement économique du pays et pèsent sur la population. Un appel soutenu par plusieurs pays africains lors du récent sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, dont l’Afrique du Sud qui estime que ces sanctions sont injustes.
Il y a dix jours, la Grande-Bretagne ( à l’origine de ces mesures ) a laissé entendre qu’elle pourrait demander un durcissement de la position européenne eu égard aux récentes violences dans le pays. Le mois dernier, le gouvernement a réprimé avec brutalité une grève générale de 3 jours. Selon plusieurs ONG, une cinquantaine de personnes ont été tuées lors de cette répression, plus d’une centaine blessées et au moins sept cents personnes arrêtées et inculpées dont le célèbre dissident, le Pasteur Ewan Mawarire.
Des sanctions efficaces?
Mais les observateurs indépendants sont dubitatifs quant à l’efficacité de cette politique. En dix-sept ans, ces mesures n’ont pas réussi à faire infléchir la politique répressive du gouvernement.
Selon Joseph Devanny, professeur au Kings College de Londres, ces sanctions n’ont aucun intérêt, « En 2008, soit six ans après l’instauration de ces mesures restrictives, les violences électorales ont été encore plus brutales. Sans parler du mois dernier, où il y a eu de nombreux cas documentés d’une utilisation excessive de la force par les services de sécurité contre des citoyens zimbabwéens. Donc je ne vois pas comment l’Union européenne peut dire que ces mesures ont été efficaces et ont changé le comportement de hauts cadres des services de sécurité » d’autant plus souligne-t-il que « les 2 seules personnes sous le coup de sanctions aujourd’hui, n’ont plus aucune fonction dans le gouvernement actuel. Robert Mugabe est à la retraite et je ne vois pas comment on peut justifier qu’en le gardant sous sanction cela peut avoir un impact sur les décisions de l'actuel président et de son vice-président, qui tous les deux ne sont pas sur la liste de sanctions »
Un avis partagé par Stephen Chan, professeur à School of Oriental and African Studies de Londres, pour qui « le régime se sert de ces sanctions imposées par les pays occidentaux pour se positionner en victime » « Il faut que l’UE suspende ses mesures restrictives » estime t -il « pour que le gouvernement d’Emmerson Mnangagwa n’ait plus d’excuses sur la façon dont il gère le pays ».
Le 14 février, le Parlement européen a recommandé une reconduction pour 1 an de ces sanctions, et que soient ajoutés sur cette liste plusieurs noms, dont celui du vice-président Constantino Chiwenga, responsable de la répression contre les manifestants le mois dernier.
Une recommandation, qui si elle est suivie d'effets, sera une véritable "claque" pour le président Emmerson Mnangagwa qui cherche depuis son arrivée au pouvoir à réhabiliter son pays aux yeux de la communauté internationale.