La série documentaire sonore intitulée ‘’Dakar, au fil des arts’’, produit par six jeunes diplômés du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (CESTI), trace un portrait vivant de six quartiers symboliques de la capitale sénégalaise.
Cette ‘’photo sonore’’ de 20 à 25 minutes chacune, lancée la semaine dernière à l’Institut français de Dakar, fait redécouvrir le Plateau, la Médina et Fass, quartiers à la périphérie du centre-ville de la capitale, mais aussi Thiaroye, Pikine et Rufisque, dans la banlieue dakaroise.
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Selon la coproductrice française Laeticia Kozlova, par ailleurs ex-enseignante en troisième année de radio module atelier d’écoute et de production de ces diplômés du CESTI, ce voyage montre ‘’la diversité, la force créatrice et l’ancrage historique’’ de la ville de Dakar.
‘’Chacun des journalistes s’est intéressé à un quartier en fonction de ses envies, ses affinités et de sa curiosité, ainsi qu’à l’expression artistique qui lui est propre’’, explique-t-elle.
‘’Chacun a écouté son quartier vivre et se raconter’’, ajoute Laeticia Kozlova, estimant qu’’’on peut dire, montrer et faire ressentir beaucoup plus de choses par le son autant que par l’image’’.
"L’image nous envahis, on est saturé d’images et c’est une perception du monde qui est limitée puisqu’elle est figée’’, contrairement du territoire sonore qui ‘’est infini’’, fait-elle valoir.
Le documentaire sonore sur ‘’Thiaroye, d’hier à aujourd’hui’’ du journaliste Adramé Ismaël Coly donne ainsi la parole à des figures ‘’emblématiques’’ de l’histoire de la musique sénégalaise comme le chanteur Souleymane Faye, le rappeur Matador qui revient sur ‘’les années sombres de Thiaroye’’.
Adramé Ismaël Coly fait également faire un tour dans une école pour discuter avec des jeunes passionnés d’art. Il ne manque également pas de décrire, par la même occasion, l’ambiance sonore du quartier où il a grandi et où vit encore sa famille et ses amis.
‘’Il y a beaucoup de bruits à Thiaroye qui me posent problème, mais en même temps, c’est ce qui fait le charme de ce quartier historique’’, explique le journaliste.
Il estime aussi qu’au Sénégal, ‘’on ne respecte pas assez nos morts’’, faisant référence aux massacres du camp de Thiaroye dont les victimes sont enterrées dans le cimetière militaire faisant face à la maison familiale des Coly.
Adramé Ismaël Coly propose de même un autre reportage sonore sur ‘’Rufisque en images’’, s’appuyant sur le récit du professeur Meïssa Ndiaye Bèye qui lui permet de conter l’histoire de la ville dont ‘’Mame Comba Bang’’ est le génie protecteur.
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Son confrère Mohamed Kandji, passionné par la lutte, revient sur l’histoire de ce sport dont l’audience populaire a fait la renommée de Fass, un quartier dakarois qui a produit de grands champions de cette discipline, génération après génération, à savoir Mame Gorgui Ndiaye, Mbaye Guèye et Moustapha Guèye, les ‘’tigres de Fass’’.
Dans ‘’La lutte dans le sang des Fassois’’, Kandj fait notamment revivre les moments de ‘’back’’, auto-louange des lutteurs le jour des combats à l’arène Emile Badiane par exemple, qui renvoie à l’égo-trip chez les rappeurs.
Il souligne également dans son travail l’importance du ‘’Touss’, ces chorégraphies d’avant-combat qui donnent à la lutte ses couleurs et toute sa particularité.
Les journalistes Boury Diakhaté et Mamadou Diallo se sont pour leur part intéressés au rap à Pikine, une chronique menée par des voix du hip hop, masculines ou féminines. ‘’Pikine, c’est le siège du rap engagé’’, proclament les deux journalistes.
‘’C’est une expérience enrichissante dans la façon de traiter l’information, on laisse les ambiances et les voix de nos interlocuteurs. J’ai appris beaucoup de choses’’, fait valoir le jeune Boury Diakhaté.
Amy Keita et Amy Wane sont les deux journalistes femmes du groupe. Le travail de la première porte sur ‘’La Médina, dans l’univers des rythmes et des couleurs’’. Elle y revient sur la trajectoire des familles emblématiques comme celle du tambour major Doudou Ndiaye Rose, à travers le récit de son fils Pape Ndiaye ‘’Rose’’.
Amy Wane a pour sa part essayé de faire revivre une partie du bouillonnement culturel et artistique emblématique de Dakar et de certaines parties du centre-ville de la capitale sénégalaise.
Avec ‘’Dakar-Plateau : dans l’échine d’un monde artistique multidimensionnel’’, la journaliste a essayé de faire revivre l’esprit et l’âme du défunt plasticien Issa Samb alias ‘’Joe Ouakam’’ et de l’architecte Xavier Ricou du laboratoire ‘’Agit’Art’’.
Amy Wane, se disant plus attirée par le sport, a reconnu avoir découvert à travers ce travail ‘’un autre aspect de la bande sonore’’.
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‘’Nous sommes habitués à faire des reportages d’une minute trente, des dossiers de cinq minutes où on est là à expliquer, à décrire. Alors que là, on laisse l’ambiance décrire, on laisse l’auditeur avec des voix qui racontent une histoire qui va l’émouvoir (…)’’ peut-être. ‘’Moi le journaliste, je me mets à l’écart et je laisse l’auditeur et l’interlocuteur’’, témoigne Amy Wane.
Les six reportages effectués en partenariat avec l’Institut français de Dakar, le CESTI et la chaine privée ‘’Iradio’’, seront diffusés sur cette chaîne tous les vendredis du 11 au 16 octobre prochain.
Le journaliste Alassane Samba Diop, directeur de ‘’Iradio’’, qui a salué cet ‘’excellent travail’’ de jeunes confrères, encourage la ‘’réhabilitation du reportage journalistique’’ dans les médias du Sénégal.