En France, l'immigration fait son retour au Parlement

Moins d'un an après l'entrée en vigueur de la loi asile-immigration, le Parlement français se penche de nouveau sur ce sujet sensible à partir de ce lundi 7 octobre. Un débat voulu par Emmanuel Macron.

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Emmanuel Macron veut en faire un rendez-vous annuel. Annoncé en conclusion du « grand débat national » et reporté d'une semaine en raison du décès de l'ancien président Jacques Chirac, le débat sur l'immigration s'ouvre ce lundi après-midi à l'Assemblée nationale et se poursuivra mercredi au Sénat. Mais le but n'est pas d'écrire une « loi asile-immigration-intégration 2 », a prévenu Matignon. Les députés et sénateurs devront « éclairer » les « orientations » retenues par le gouvernement.

Le président veut faire de cette question l'un des dossiers majeurs de la deuxième partie de son quinquennat. « Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face », a-t-il averti dans un discours à sa majorité lundi 16 septembre. Hors de question d'en laisser le monopole à l'extrême droite.

Pas question, non plus, que LaRM se comporte en « parti bourgeois », ignorant les préoccupations des « classes populaires » qui « vivent avec cela ». Il faut « tout repenser » en matière de « politique migratoire et d'intégration », ont appuyé plusieurs responsables de la majorité présidentielle dans une tribune au Monde. Ils appellent notamment à « oser parler de l'immigration économique » et à imaginer une politique « fondée sur des objectifs chiffrés ».

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L'exécutif a élaboré pour les parlementaires six axes de travail. L'un concerne les demandes d'asile, qui ont augmenté de 22 %, avec quelque 123 000 demandeurs en 2018. Le gouvernement s'inquiète notamment de l'importance parmi ces demandeurs de ressortissants d'Albanie et de Géorgie, pourtant considérés comme des pays « sûrs ».

Le ministère de l'Intérieur veut également placer au cœur des échanges le cas des « dublinés », ces migrants qui formulent une demande d'asile en France après être passés par un autre pays européen. Le controversé règlement de Dublin impose aux personnes de demander l’asile dans le pays par lequel ils sont entrés en Europe. Il est au centre d’un rapport récent du Secours catholique intitulé « Exilés, dublinés, maltraités ».

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« Nous qui travaillons au quotidien aux côtés des personnes exilées, on est extrêmement inquiets, parce qu'on trouve que les termes du débat sont assez stigmatisants, caricaturaux. Par exemple, les personnes dublinées, quand elles ne se rendent pas à un rendez-vous en préfecture, on les place en délit de fuite », rappelle Juliette Delaplace, chargée au sein de l'association du projet « accueil et défense des droits des personnes étrangères ».

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La question des prestations sociales offertes aux demandeurs d'asile doit aussi être abordée. Matignon souhaite « la recherche d'harmonisation des conditions d'accueil en Europe ». Le montant de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), supérieur à celui versé en Allemagne, pourrait ainsi à terme être raboté. Les parlementaires devront également se pencher sur une éventuelle réforme de l'aide médicale d'État (AME) (voir encadré).

L'augmentation des places en centres de rétention, celle de l'aide publique au développement, l'appui financier à l'intégration ou encore « l'attraction de talents » pour soutenir les secteurs qui manquent de main-d'œuvre, seront aussi au menu des débats. Objectif : accueillir moins pour accueillir mieux, selon le délicat exercice d'équilibre entre humanisme et fermeté cher à l'exécutif.

Remous au sein de la majorité

Favorable à une politique d'intégration face à la ligne anti-immigration de Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a progressivement durci son discours une fois arrivé au pouvoir. « Nous reconduisons beaucoup trop peu », disait-il en septembre 2017. Un an et demi plus tard, en pleine crise des « gilets jaunes », il évoquait dans sa « lettre aux Français » des « objectifs annuels » d'immigration, une idée proche des quotas défendus notamment par François Fillon. Jusqu'à ce discours à sa majorité le mois dernier…

Ce changement de ton est loin de faire l'unanimité chez La République en marche, en particulier au sein de l'aile gauche du parti où certains craignent qu'il ne perde son âme par calcul politicien. « J’ai très peur de la façon dont ça va prendre dans l’opinion publique, ça pourrait renforcer les fantasmes », raconte, inquiète, une députée marcheuse. Le mal est déjà fait en terme d’image, juge un ministre : « Depuis le début, il ne ressort que la fermeté, que les mesures répressives ».

La députée des Alpes-de-Haute-Provence Delphine Bagarry a ainsi dénoncé un discours comparable à celui « d'un responsable du Front national ». Dans deux tribunes publiées coup sur coup, un groupe de députés a mis en garde contre une « hystérisation qui serait inversement proportionnelle à la crise migratoire » et défendu l'AME au nom de la santé publique. L'exécutif a donc dû s'employer ces derniers jours à une opération de déminage en multipliant les rendez-vous à Matignon et place Beauvau et les réunions à huis clos.

Sur quoi va vraiment déboucher ce débat ?

« Des pistes sont discutées entre ministères », avance un membre du gouvernement sans savoir lesquelles, quand une députée rappelle « que les solutions sont déjà dans la loi asile et immigration », adoptée dans la douleur il y a à peine un an. « On ne fait que mettre de l’huile sur le feu », lâche cette marcheuse de la première heure.

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L'opposition, quant à elle, dénonce une nouvelle opération de communication. Pour le Rassemblement national, ce débat n'est que du « blabla institutionnel », tandis que la droite réclame des actes et dénonce un « laxisme total ».

À gauche, des voix s'élèvent contre une « diversion » visant à faire oublier la rentrée sociale, mais qui ne bénéficiera qu'à l'extrême droite. « À reprendre les angles du RN, le président Macron qui se posait un rempart est devenu une passerelle », abonde Olivier Faure, le premier secrétaire du PS.

Les groupes d'opposition devraient toutefois profiter de ce débat pour défendre leurs propositions, des propositions déjà faites il y a un an et demi lors de la discussion sur la loi asile et immigration et que l'exécutif n'avait pas reprises à son compte. Ce qui laisse présager un dialogue de sourds ce lundi après-midi, au palais Bourbon.

L'aide médicale d'État au cœur des débats

En 2018, 311 000 migrants ont eu recours à l'AME. Le coût est évalué en 2019 à 930 millions d'euros pour l'État. Ce budget augmente régulièrement : il était de 605 millions d'euros en 2014. L'aide médicale d'État est réservée aux migrants en situation irrégulière, c'est-à-dire sans titre de séjour ni récépissé de demande d'asile. Elle prend en charge 100% de leurs frais médicaux dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Pour en bénéficier, deux conditions sont requises : pouvoir témoigner de trois mois de présence sur le territoire national et de revenus inférieurs à 746 euros.

Le dispositif est très encadré et n’ouvre pas de droit à des soins dits « de confort ». L'AME offre des prestations de base, principalement des soins médicaux et dentaires, des frais d’analyses, d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale, des vaccins, certains dépistages comme le VIH, des frais liés à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse. Contrairement aux autres assurés sociaux en France, les bénéficiaires de l’AME n’ont en revanche pas le droit à certaines prestations, comme par exemple les cures thermales ou la procréation médicalement assistée (PMA).

Le gouvernement veut passer au crible le dispositif, et détecter les cas de fraudes pour dégager d'éventuelles pistes d'économies. Pour Nathalie Godard, de l’ONG Médecins du monde, l'absence de données objectives sur l’AME alimente  beaucoup de fantasmes. « Il y a peu de littérature sur qui sont les personnes bénéficiaires, de quels soins elles bénéficient, quels sont leurs problèmes de santé. Ça alimente plein de fantasmes. J'ai l'impression que ce terme d'abus, il est surtout utilisé pour justifier des restrictions », observe-t-elle. D'après l'ONG, 90% des personnes qui pourraient en bénéficier n'y ont pas accès car les démarches pour l'obtenir sont jugées trop difficiles.

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